Voilà près de deux décennies que l'espace metal symphonique sud-américain fait des émules, comptant un nombre sans cesse croissant de formations de tous poils dans ses rangs, bien souvent inspirées par
Nightwish et consorts, dont ce jeune combo brésilien originaire de São Paulo, créé en 2017 sous l'impulsion de la frontwoman Vivs Takahashi et du bassiste Marcelo Kaczorowsky. Conscient des enjeux et des risques encourus de pénétrer pour la première fois dans une arène peuplée de redoutables challengers, c'est avec prudence mais non sans détermination ni féconde inspiration qu'il se lance dans la bataille. Aussi, ne réalise-t-il son premier single «
Firesoul » qu'un an plus tard ; complété d'une lyric vidéo, ce titre-test fut couronné d'élogieux retours de la part de son auditorat. Dans la foulée, s'ensuivra une véritable ogive à l'image de leur second et efficace single «
Girl in Pearls ».
Message fort est ainsi lancé à leurs homologues...
Des débuts prometteurs s'il en est, ayant motivé nos acolytes à intensifier leurs efforts, accouchant désormais d'un album full length répondant au nom de «
Stronger » ; une auto-production d'une durée quasi optimale de 41 minutes incluant leurs deux singles. Pour mener à bien son projet, le duet a confié la plupart de ses arrangements instrumentaux, l'essentiel de ses enregistrements ainsi que les lignes de guitares au producteur, vocaliste et émérite guitariste
Raphael Gazal (Bulletback,
Leviathan,
Moonlight Prophecy, Tailgunners, ex-
Pastore...). En émane un propos à l'ingénierie du son plutôt soignée, à commencer par un mixage parfaitement équilibré entre lignes de chant et instrumentation, et ne concédant que peu de sonorités parasites. Avec le concours, pour l'occasion, des talents de
Marina La Torraca (
Exit Eden, Phantom
Elite...) et Mylena Monaco (
Sinaya) ; deux puissantes empreintes vocales apportant chacune, à sa manière, un supplément d'âme sur deux des dix titres de cette œuvre rock'n'metal mélodico-symphonique gothique aux relents power, dans le sillage de
Nightwish,
Xandria,
Ancient Bards et
Amberian Dawn. Allez, embarquement immédiat...
Nos compères interpellent par leur faculté à générer ces séries d'accords qui, assurément, resteront gravées dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon. Aussi, c'est dans un enchanteur paysage de notes qu'évoluent quelques unes des plus incandescentes offrandes. Ce qu'illustre, tout d'abord, le single «
Firesoul », piste power symphonique résolument frondeuse et à l'indéfectible tapping, à mi-chemin entre
Ancient Bards et
Delain. Pourvu de grisants gimmicks et de refrains catchy mis en habits de lumière par les claires et toniques inflexions de la sirène, l'offensif propos ne lâchera pas sa proie d'un iota, et ce, jusqu'à sa note ultime. Dans cette mouvance, dans l'ombre de
Nightwish, le mid tempo progressif «
Girl in Pearls » glisse avec célérité dans nos tympans alanguis. Dispensé par les célestes modulations de la maîtresse de cérémonie, se dotant, en prime, d'un soufflant solo de guitare et d'insoupçonnées variations rythmiques, ce second single prend, lui aussi, des allures de hit en puissance, que l'on ne quittera qu'à regret.
Moins directement orientés vers les charts, d'autres passages non moins enjoués s'avéreront néanmoins aptes à nous happer sans jambage. Ce qu'illustre, d'une part, le ''nightwishien'' «
Paralysis », un tempétueux et néanmoins seyant up tempo doté de riffs épais, d'une basse claquante et laissant entrevoir des couplets bien customisés. Et quand une bondissante reprise imprimée par un fuligineux solo de guitare vient balayer un break opportun, le spectacle est des plus saisissants. D'autre part, lorsqu'il fait rougeoyer ses fûts tout en ensanglantant sa rythmique, le nerveux « Not My Fault » nous agrippe à la gorge sans jamais desserrer son étreinte. En outre, un sidérant effet de contraste nous est livré entre les angéliques impulsions de la déesse et les screams déchirants de Mylena Monaco, particulièrement poignant sur l'entêtant refrain du magmatique manifeste. Et comment passer outre « We
Will Stand », corpulent mid tempo metal symphonique à la confluence entre
Nightwish et
Delain, sous-tendu par une radieuse sente mélodique ? Dans ce champ de turbulences, les puissantes impulsions de
Marina La Torraca sont en parfaite osmose avec les claires modulations de la frontwoman. Autre moment de pure jouissance auditive, donc...
Imprimant parfois une touche gothique plus marquée à leur propos mélodico-symphonique, nos acolytes révèlent une tout autre facette de leur œuvre, pour un résultat tenant toutes ses promesses. Ainsi, à la manière d'
Anabantha, avec un zeste de
The Gathering, le mid tempo « Tupana » dissémine des riffs roulants d'une régularité métronomique, et ce, dans une atmosphère en demi-teinte, un brin crépusculaire. Plaçant sur notre route un break opportun aussitôt aspiré par la déferlante sur la crête d'un refrain immersif à souhait, le collectif sud-américain maintient l'attention constante. A la belle, eu égard à ses cristallines et libertaires volutes, de nous procurer quelques frissons, jusqu'au total enivrement de nos sens.
Quand il nous adresse ses mots bleus, le combo le fait avec élégance, nous intimant alors de le suivre dans ses pérégrinations au cœur des abysses de notre champ émotionnel. Ainsi, la petite larme ne pourra que malaisément être contenue sous le joug des radieuses harmoniques exhalant de «
Grain of
Sand » ; une troublante ballade romantique voguant sur une ligne mélodique sécurisée, que n'auraient reniée ni
Xandria ni Elessär, où de sensibles arpèges au piano répondent en écho aux douces ondulations d'un violon mélancolique. On ne pourra davantage se soustraire aux magnétiques séries de notes impulsées par « The Flower and the Leaf » ; une somptueuse ballade progressive aux airs d'un slow qui emballe, mise en habits de soie par le limpide filet de voix de la douce. Et lorsque les vents du désert se lèvent et que leurs doigts nous effleurent le visage, on éprouvera comme un sentiment de profonde zénitude ; ce qu'illustre le bien-nommé «
Desert Winds ». Ce faisant, on effeuille une ballade a-rythmique d'une sensibilité à fleur de peau, insufflée par un lévitant et pénétrant guitare/piano/voix, que l'aficionado du genre ne saurait esquiver sans éprouver, là encore, quelques remords.
Est-ce à dire que le sans-faute serait au bout du chemin ?
Pas tout a fait. Aussi, pourra-t-on sans l'once d'un regret éluder le vénéneux up tempo « Rise
Again ». Et ce, au regard d'un cheminement d'harmoniques des plus répétitifs et plutôt désarçonnant, d'enchaînements couplets/refrains mal assurés et d'un tracé mélodique en proie à de tenaces linéarités. En dépit de son caractère résolument frondeur et d'arrangements instrumentaux de bon aloi, on comprend que le brûlant mais friable méfait peinera à s'imposer parmi ses voisins de bobine.
A l'issue de notre parcours, force est d'observer que la rutilante proposition pousse irrémédiablement à la remise du couvert aussitôt l'ultime mesure envolée. Aussi effeuille-t-on une œuvre aussi émouvante que vivifiante, à la fois solaire et ténébreuse, à l'identité vocale déjà affirmée. De plus, un réel potentiel technique s'esquisse, ayant pour corollaire une mélodicité des plus ensorcelantes et des compositions judicieusement et finement échafaudées. Encore trop proches de leurs modèles identificatoires et ne concédant que peu de prises de risques, nos acolytes peinent cependant à apposer leur sceau sur chacune des portées de leur répertoire. Il leur faudra donc conférer à leur message musical davantage d'épaisseur artistique et un zeste d'originalité supplémentaire pour caresser l'espoir d'une carrière sur la durée. Pour l'heure, à la lumière de cette pimpante, charismatique mais classique livraison, la formation sud-américaine pourra trouver un débouché favorable auprès d'un auditorat déjà sensibilisé aux travaux de leurs maîtres inspirateurs. Du moins ne peut-on que le leur souhaiter...
Note : 15,5/20
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire