Album sorti dans un premier temps en 1989 avec comme contenu 8 titres et comme résultat un étonnant anonymat,
Storm Alert fit l’objet d’une réédition en 2006 via Escapi Music. A cette occasion, on lui fit peau neuve.
Une tracklist rallongée à 11 morceaux, avec notamment la séparation de l’intro en un titre unique, l’apparition d’un "Dwell into Surreality" de plus de dix minutes et la division du titre "Whips" en deux parties distinctes, on se retrouve alors avec un album relativement long : un peu plus d’une heure.
Dans un style très intense tel que le thrash, la durée peut être dure à digérer et il est vrai, dans ce cas précis, qu’on peut se perdre dans une dommageable inattention, surtout vers la fin, naturellement. Ceci est vraiment dommageable car une oreille distraite est réellement loin d’être suffisante pour déguster ce millésime perdu.
La cover fait elle aussi l’objet d’un sérieux lifting.
Exit le paysage « grand canyon » pour une superbe tornade dont on devine l’esprit maléfique à l’effigie de tête de mort qui en contrôle son action dévastatrice. Le tout sur ce que je devine être un lever de soleil et nous obtenons des teintes de couleurs aussi subtiles que morbides.
Le résultat donne paradoxalement une étrange sensation apaisante pour un des phénomènes naturels les plus violents. Ajoutez à cela un style d’écriture très épuré pour annoncer le nom du groupe texan, et on s’attendrait presque à une sinécure musicale.
Il n’en est évidemment, et heureusement, rien ! Ce à quoi vous avez à faire avec ce
Storm Alert n’est ni un thrash épuré à la sauce teutonne ni un thrash technique à l’énergie parfois essoufflée par trop de complications musicales. La vérité se situe entre les deux, ce qui en fait un album d’une originalité inattendue.
Torture maîtrise l’art de faire peser une ambiance particulière et pesante. Cela, il ne faut pas bien longtemps pour s’en apercevoir car en soi, l’intro est une perle de mise en bouche.
Se côtoient des sonorités vertigineuses, dignes de l’univers hitchcockien, et des chants médiévaux, le tout montant régulièrement en puissance dans un ton mélodramatique. On se croirait alors plongé dans un album power, ce qui est très loin d’être le cas, mais ce ressentiment n’est pas complètement infondé.
Il y a en effet un réel côté épique dans cet album. Un rythme soutenu régulièrement préféré à un rythme effréné (pas tout le temps non plus, fort heureusement… la course effrénée reprend ses droits en fin de parcours) ainsi que quelques cavalcades bien senties, comme à la fin de "
Ignominious Slaughter" ou encore comme dans "
Storm Alert", viennent étayer ma théorie.
Un second charme prend ses racines dans des sonorités quelque peu torturées, comme dans "Terror
Kingdom", ce qui n’est pas sans rappeler les bonnes heures de Voivod, et dans des passages plus calmes donnant une impressionnante consistance aux titres.
"
Blood Portraits" illustre mes dires avec une singulière introduction mêlant justement guitare sèche et double-pédale, suivie de sons aigus fortement marqués, avant que ne se lance une affolante déferlante thrash.
Je me sens obligé de revenir sur cette fameuse ambiance tant elle est réellement le gros point fort de cet album. Nous avons déjà affaire à un thrash très lourd et relativement sombre, avec un chant guttural perfectible, il faut quand même l’avouer, et des propos subtils tel que le thrash à l’habitude de nous pondre (humour, ironie, second degré, etc…).
Mais alors les petites touches personnelles des texans, disséminées tout au long de cette heure d’écoute, viennent vraiment rajouter chacune à leur manière une couche !
Cette couche est comme le vernis d’un tableau. Elle fait resplendir ce qui n’était au préalable destiné qu’à briller.
Entre le chant enfantin délicieusement malsain de "Slay Ride" suivi de rires douteux, plongeant l’auditeur dans de gênants malentendus, et l’ambiance mécanique et empoisonnante de "Dwell into Surreality" qui le plonge cette fois-ci dans une étouffante apnée, cette écoute est presque une dangereuse aventure.
Bon, je ne vous révèle pas tout non plus. Déjà parce que je suis persuadé de ne pas avoir encore décelé tous les secrets de cet unique album de
Torture, et puis parce que sa découverte est d’autant plus passionnante dans cette optique de recherche. Je vous laisse donc ce plaisir !
Storm Alert est une perle rare et perdue, d’une méconnaissance indigne de sa qualité. Sa renaissance il y a quelques années est une vraie bénédiction, dans l’espoir que
Torture soit touché par la grâce de la reconnaissance.
Merci Da_sway pour la (re)découverte de ce "Storm Alert" . Glad.
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