In Legend, c’est avant tout un projet qui s’inscrit dans la voie des quelques tentatives de renouvellement d’un genre qui semble, au cours des années 2000, avoir atteint ses limites (bien avant pour les plus puristes). Une fois l’extrême de l’extrême atteint avec le grind, c’est dans l’expérimentation par le métissage musical qu’a résidé l’espoir d’émancipation des groupes de metal qui voulaient continuer à jouer la musique qu’ils aiment tout en allant de l’avant. On a connu les fusions musicales, le succès insolent du metal symphonique et du folk metal, et l’étape suivante s’est rapidement révélée être la prévalence des instruments qui ne concernent pas la base du metal, employés dès lors pour jouer… du metal ! La chronique de l’ami Bakounine qui précède la mienne a très justement fait mention d’
Apocalyptica et de
Van Canto (dont le batteur s’avère ainsi être la tête pensante d’
In Legend), mais j’aime également citer les méconnus de
Cantata Sangui (qui ont splitté…) dont la formule proposait plutôt l’absence de guitares lead au profit de deux basses. Mais si je décide de pondre ces quelques lignes, ce n’est certes pas pour effectuer ce petit ajout. En effet, cet album d’
In Legend est peut-être le disque qui m’a le plus marqué en ce début d’année, et même si les raisons en sont clairement subjectives (les compos ont fonctionné sur moi), je ne pouvais pas laisser sur cette page une seule (très bonne) chronique dont la notation est justifiée mais ne reflète pas mon avis à moi. Je vais donc tenter d’ajouter mon grain de sel (ou de sucre…) sans répéter l’analyse qui a déjà été faite.
Tout d’abord, parlons de l’artwork. Ni laid ni vraiment agréable, il tranche avec le précédent. Là où, en 2011, quelques touches de clarté (c’est le cas de le dire : ce sont les touches du piano) tranchaient avec un ensemble sombre, ce qui faisait sens puisque cela pouvait, quelque part, symboliser la démarche du groupe, c’est cette fois un élément sombre qui s’insinue au beau milieu d’un fond bleuté et de rais de lumière. Personnellement, je préfère largement l’illustration placée en couverture du livret, présentant en entier ce qui s’avère être un aigle. Mais pour en venir à la musique, on peut donc supposer que des éléments autres que le piano vont cette fois intervenir, et si vous avez lu la chronique de Bakounine vous savez que c’est bien exact : chœurs très présents, instruments à cordes, sonorités électroniques, et même une touche jazz sur laquelle je reviendrai.
C’est peut-être là que l’analyse de mon condisciple chroniqueur et la mienne se mettent à diverger. En effet, après un premier album où le piano accaparait une bonne partie de l’espace, je m’étais dit que la suite ne pouvait, pour rester digeste, que s’orner de détails et de fioritures dont, primo, je suis friand, et qui, secundo, aéreraient un peu la musique d’
In Legend. Et c’est exactement le choix qui a été fait. Cela étant dit, cette démarche annihile les chances d’expérimentation véritable, et ramène même le groupe sur les terres d’un metal symphonique défrichées depuis quelques années maintenant par tous les mastodontes du genre. Le coup d’essai « Ballads ‘n’ Bullets » avait posé la personnalité du groupe, la deuxième salve l’enrobe d’éléments déjà éprouvés.
La question qui se pose alors est : « Si l’originalité n’est plus, quid de la composition ? » Et ma réponse fera également office de réponse à la chronique qui a précédé la mienne, puisque c’est bien là que je situe la qualité principale de ce «
Stones at Goliath ». Les chœurs interviennent au bon moment, les refrains sont mémorisables (agréablement, pas tels des marteaux-piqueurs), et, pour une fois, c’est une ballade qui a en premier lieu marqué mon esprit. Là aussi, je nuancerai le propos de Bakounine, puisque «
Lonely » m’a vraiment transporté. Ce n’était pourtant pas gagné, l’introduction du morceau se présentant comme l’un des pires poncifs du genre, avec ce piano gentillet et lancinant, ces percussions électroniques produisant un écho, le chant et les paroles partant directement dans le pathos… Mais dès que les notes de piano et le chant s’envolent, les émotions me semblent moins artificielles, et l’ensemble a le potentiel d’emmener l’auditeur très loin… Un potentiel dû également aux chœurs qui interviennent dans le refrain au bout d’un moment, et à des plans de batterie simples mais parfaitement intégrés au morceau. Cette ballade frôle donc à mes yeux la perfection, contrairement à celles qu’
In Legend propose en parallèle, et ce, même si son taux de glycémie est vilainement élevé.
Voilà d’ailleurs qui va nous renvoyer vers le titre de cette chronique et m’amener doucement à conclure. Si vous voulez écouter
In Legend, vous avez intérêt à aimer le sucre, parce qu’on fait difficilement plus gentil et guilleret, même dans ce qu’on nomme le « happy metal ». Encore une fois, mon camarade de chronique en a fait mention, mais le groupe frise parfois le ridicule (ou y plonge volontiers, en fait), et cela est dû à plusieurs facteurs. Premièrement, des thèmes quelque peu futiles et cocasses (à l’image du circle-pit sur le premier album). Ensuite, des thèmes plus sérieux (l’absolutisme et l’insouciance des peuples sur «
King of
Apathy » par exemple) qui, fatalement, tranchent avec la légèreté ambiante. Enfin, le nerf de la guerre, le chanteur et leader Bastian Emig. En effet, si j’ai mentionné la place que prend parfois le piano (notamment sur le premier album), je n’ai pas encore parlé de l’omniprésence de la voix, à laquelle on a tout intérêt à s’habituer sous peine de détester chaque passage de chaque chanson. Ceci dit, M. Emig a bien des qualités, il connaît sa voix, son projet, et ne commet pas la moindre faute de justesse. Il s’impose simplement parfois trop, comme si son projet ne pouvait pas vivre trente secondes sans lui (cela se paye même par des « Oooooh », « Yeah » et « Hey » amusants mais « kitschissimes »).
Sur ces bémols, je vais donc mettre, en quelques lignes, un terme à ma bafouille. Mettre un terme, mais en n’oubliant pas de citer les excellents « Envoys of Peace », « Threatened », « Alienation » ou encore « To New
Horizons », qui font partie des meilleurs morceaux de ce disque rempli de bonnes choses mais dont il faut toutefois apprécier le goût trop sucré, beaucoup trop sucré. Rempli disais-je, très rempli d’ailleurs, ce qui lui fait perdre en efficacité ce qu’il gagne en contenu. Heureusement, la conclusion jazzy (voire quelque peu « piano-bar », me semble-t-il) sur laquelle j’avais promis de revenir, « Another Me », offre à l’ensemble la note finale idéale, celle que l’on attend à chaque passage de l’album et qui nous empêche de stopper l’écoute même lors du moins bon titre car l’attente, parfois, ça a du bon…
In Legend est un peu comme une bière : il y a du sucre, comme dans toute bière, mais vous n’apprécierez celle-ci que si vous êtes prêts à sacrifier la tradition et la rudesse contre un goût rafraîchissant mais beaucoup plus passe-partout. C’est donc le goût qui départagera les auditeurs, car le brassage, lui, ne craint pas vraiment les reproches.
15/20
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