Stay Ugly

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16/20
Nom du groupe Piledriver (CAN)
Nom de l'album Stay Ugly
Type Album
Date de parution 1986
Labels Cobra (CAN)
Style MusicalSpeed Thrash
Membres possèdant cet album32

Tracklist

1. The Incubus 03:57
2. Metal Death Racer 03:24
3. The Fire God 03:45
4. Chaos 03:53
5. The Warning 00:52
6. The Lord of Abominations 03:10
7. Flowers of Evil 04:29
8. The Executioner 05:00
Total playing time 28:30

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Piledriver (CAN)


Chronique @ Hibernatus

24 Fevrier 2018

Un DeFeis paie toujours ses dettes

Cobra Records : Mec, tu me dois du fric.
David DeFeis : Ouais, je sais, laisse-moi vendre encore quelques « Noble Savage » et je pourrai te rembourser. T'en fait pas, un DeFeis paie toujours ses dettes.
Cobra ; Oui, mais j'en ai besoin maintenant, de ce fric.
DeFeis : Mais je l'ai pas ton putain de pognon. Tu vas quand même pas m'envoyer des gros bras me casser les doigts, non ? (air inquiet) Si ?
Cobra : Naaan, ce serait du gâchis. Écoute, je te propose un deal. Tu me ponds trois albums. Trois, composés et produits, tu te démerdes pour trouver les zicos. Et j'efface ton ardoise en me remboursant sur la bête.
DeFeis : Pas con. J'ai justement quelques idées...
Cobra : Attention, je veux du qualiteux, mais faut pas que ça ressemble à du Virgin Steele, on mélange pas les torchons et les serviettes.
DeFeis : d'accord, mec, je marche.
Cobra : OK, t'as un mois. Après, je songerai peut-être aux gros bras.

C'est ainsi qu'en 1986, David DeFeis et son désormais inséparable compère Ed Pursino vont enchaîner les trois albums les plus atypiques de leur carrière. Le second et le troisième sortiront sous des noms de groupes forcément inconnus et appelés à ne produire qu'un seul disque : ce seront Exorcist et son « Nightmare Theatre », et la speederie satanique d'un pseudo-all female band, Original Sin. Mais le premier de la série va arborer les couleurs d'un véritable groupe, le Canadien Piledriver, dont l'unique album figurait dans le catalogue de Cobra Records.

Et là, on se pose quand même des questions. Piledriver, c'est « Metal Inquisition », paru un an plus tôt, un brûlot de Heavy thrashisant et punkoïde ; une imagerie sado-maso provocatrice incarnée par le chanteur masqué Gord Kirchin, bardé de cuir clouté et hérissé de pointes métalliques ; un enchaînement furibard de titres éminemment poétiques et caressant le bon goût dans le sens du poil : « Sex with Satan », « Sodomize the Dead », « Alien Rape »... N'allez pas croire que je me moque : j'adore « Metal Inquisition », qui est d'ailleurs au dessus de ce « Stay Ugly » dont le titre exprime bien la volonté de fausse paternité. Mais pour ce qui est de brouiller les pistes, DeFeis et Pursino ont fait fort : on est à des lieues de l'énergie élégante et raffinée du Metal de Virgin Steele.

Pour que la sauce puisse prendre de façon crédible, il fallait un minimum de collaboration avec l'ancien groupe : c'est chose faite avec la participation enthousiaste de Gord Kirchin (peut-être lui-aussi tenu par les couilles par le peu délicat label), qui va mener avec bonheur les lignes vocales. Une voix teigneuse, rageuse, puissante et grinçante, émaillée de grognements et de ricanements sardoniques, qui met tout de suite dans l'ambiance avec The Incubus, le premier titre aussi malsain que débridé. La performance du chanteur est à relever, car DeFeis et Pursino sont venus le chercher à JFK airport le matin pour l'y ramener le soir, les enregistrements de sa partie n'ayant guère duré plus de deux heures en studio. Bel exemple de talent et de professionnalisme, car le Monsieur est plus que convaincant.

L'album est bâclé, forcément, composé en deux jours sur un coin de table de cuisine et enregistré en encore moins de temps. Les mercenaires qui vont l'exécuter sont engagés au débotté (et pour la gloire). On a déjà le chanteur, reste à trouver guitariste, bassiste et batteur. Ce dernier, sous le pseudonyme de Hammer, est un copain de DeFeis du nom de Robert Espizito et la basse est tenue par un autre ami, Mike Paccione (alias Sal Gibson sur le disque). Quant aux deux noms crédités des rythm guitar et lead guitar, oubliez-les, c'est bien sûr Ed Pursino et Pursino Ed. Ah, oui, le producteur s'appelle The Lion : claire allusion à DeFeis, bien entendu. Et ce dernier ne va pas manquer de mettre la main à la pâte en déclamant le récitatif voilé au vocoder de The Warning, et en beuglant avec Kirchin et Pursino les « March ! » de The Lords of Abominations.

Mais bâclé ne veut pas dire mauvais. DeFeis et Pursino avaient manifestement envie de bourriner et ils se lâchent avec bonheur dans la composition et les paroles. La collaboration avec Kirchin, bien que brève, est excellente et amicale. Le disque est court : moins de 29', même à l'époque du vinyle, ça reste limite ; mais ça évite tout remplissage et aucun titre n'est à jeter, même si Flowers of Evil est peut-être un peu en retrait malgré un joli solo hennissant de Pursino, mais soufflant un peu le chaud et le froid dans sa rythmique (question de goût, je suppose).

Un zeste de grand-guignol nous rappelle qu'on a affaire à Piledriver (The Incubus, The Executioner). Mais plus que dans le premier et véritable opus du groupe, « Stay Ugly » nous offre un Speed Metal haletant qui se mâtine progressivement de lourdeur. La face A de l'album démarre sur les chapeaux de roue, mention spéciale à un Metal Death Racer que n'aurait pas renié un Exciter, furieuse fuite en avant dans le sexe et les outrages au code de la route. Et aussi à cet hymne halluciné à la vengeance qu'est The Fire God. À peine plus posé, le hargneux Chaos nous emmène vers une suite plus contrastée.

DeFeis affirme s'être inspiré des premiers Black Sabbath pour écrire cet album. C'est sans doute là où se distingue un grand musicien, qui sait digérer et réinterpréter ses influences, car elles sont loin d'être transparentes. Elles sont plus notables dans la seconde partie de l'album, où les compositions oscillent entre le rapide et le massif. Elles sont un peu trop sensibles, justement, sur le début de Flowers of Evil.

Mais The Lords of Abominations évoque la déferlante inexorable de quelque armée démoniaque et sans pitié, éclairée par l'enthousiasme ténébreux du refrain et des chœurs, et par un court et inspiré solo de Pursino. Et que dire du monstrueux The Executionner à l'intro pachydermique, au déroulé galopant et au pont sépulcral ? Le titre le plus inspiré d'un album qu'il termine en beauté, avec un Gordon Kirchin transcendé qui chante d'une voix habitée par le sadisme et la cruauté.

Sans être inoubliable, « Stay Ugly » n'est pas pour autant anecdotique. En dépit de conditions hostiles (temps limité, anonymat, gratuité), les musiciens se donnent à fond, à l'image de Pursino qui nous prodigue de fort belles choses à la guitare. La qualité des titres est globalement excellente et DeFeis n'hésitera pas à recycler The Fire God dans un album aussi soigné et réfléchi que « The House of Atreus Part I ». Et pour tout fan de Virgin Steele qui se respecte, il représente un must absolu en forme de contrepoint.

9 Commentaires

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swit35 - 25 Fevrier 2018:

Merci JL pour cette nouvelle chronique éclairée et éclairante pour le coup. J’irai soumettre mes tympans à ce Piledriver un de ces jours.

MCGRE - 25 Fevrier 2018:

Whaou le titre posté dessous déchire grave, chronique très cool au passage, je vais voir si il y a moyen de déniché cet petite perle quelque part .

Hibernatus - 25 Fevrier 2018:

Merci pour vos com!

Pour ceux qui sont intéressés par le disque : je l'avais sur une (très vieille) cassette et je me le suis récemment racheté sur Discogs pour un prix décent, c'est pas encore une rareté et on peut le trouver pour pas trop cher.

@Deminion: Sur la triplette dont je parle, moi c'est Original Sin que j'ai découvert très récemment ;-) (et encore merci Raph!)

SebThrash - 26 Fevrier 2018:

Merci pour toutes ces infos : je ne connaissais pas du tout l'histoire de ce groupe, et sa parenté étonnante avec Virgin Steele ! Ca donne envie de (re)découvrir cet ovni, à ranger à côté des Mentors pour l'imagerie de mauvais goût... En fait, le disque a été réédité en 2016 (par Kraze Records) et est dispo sur Amazon à un prix très modique.

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