On distingue le heavy allemand de celui d’autres contrées, car celui-là est une vraie usine en comparaison. L’Allemagne produit une quantité industrielle d’albums et de nouveautés du genre. Et comme tout ce qui est industriel, on déplore l’unicité et parfois même la fadeur, mais le plus souvent on s’en contente faute de mieux. « Edgedown » et son label
Massacre Records sont parfaitement représentatifs de ce phénomène qui touche le heavy metal germanique, surtout depuis les années 2000. « Edgedown » est un petit nouveau promu, originaire de Bavière. N’ayant produit à ce jour qu’une démo et un album (qui va précisément ici nous intéresser), le groupe s’est fait avant tout connaître pour la qualité de ses shows et de son affichage auprès de formations de renom telles «
Epica », «
Serenity », ou plus récemment «
Edenbridge ». « Edgedown » n’a pourtant pas grand-chose à voir avec ces groupes davantage classés dans le metal symphonique. Il produit avant tout un heavy metal massif et racé, plutôt commun d’une palanquée de compatriotes dans le genre comme nous le démontre son premier album intitulé «
Statues Fall », enregistré aux Dreamsound Studios de Munich. De nos jours, même les statues sont moulées en série.
La sublime introduction est le seul lien envisageable avec les formations symphoniques précédemment citées. L’ensemble est à la fois pesant et merveilleux. On croirait une bande son à la Hans Zimmer tirée d’un film à gros budget. Surtout que la narration qui s’y ajoute renforce cet effet. A ce moment précis, on pourrait s’attendre à un disque de très haute volée, complexe, moderne. Nous tomberons quelque peu de notre piédestal à l’écoute du titre suivant, celui qui nous fait véritablement tâter « Edgedown ». Le morceau « Statues Fail » n’est ni plus ni moins qu’un heavy metal contemporain, que l’on situerait un peu à proximité d’un«
Primal Fear » de face B. ça reste pas trop mal, assez vif et dynamique, même s’il n’y a rien de révolutionnaire dans le contenu. Le chant n’y est pas ici sous son meilleur jour, alors qu’il figure véritablement en mur porteur sur une majorité de titres de l’opus. Andreas Meixner va se montrer redoutable notamment sur «
Rising », en usant de sa voix chaleureuse. Néanmoins, ce morceau s’illustre fragile par sa rythmique assez grippée.
Notre chanteur aura l’occasion de se mesurer à Georg Neuhauser de «
Serenity » sur le mid tempo «
Live Together or
Die Alone ». Nous ne sommes d’ailleurs pas très étonnés de cette invitation, car « Edgedown » entretient de bonnes relations avec les membres de «
Serenity » et également avec son ancienne chanteuse Lisa Schaphaus-Middelhauve. Ce titre fait preuve de nonchalance et de mesure. Par contre, il ne contient pas trop de jus. On aurait été content de voir les choses débordées et nous accorder de l’excentricité. Au lieu d’un duel, d’un combat fratricide, tous les éléments sont à l’unisson, dans une harmonie teintée de sonorités atmosphériques, un poil pompeux, on doit dire. Seule la voix principale en mode Klaus Meine nous éloignerait d’une composition bâtie selon les plans d’une énième réalisation d’«
Axel Rudi Pell ». C’est encore sur le chant que vient se reposer la structure de « Wasting Time ». Encore une fois c’est très convenu. Nous avons droit ici à une ballade tout ce qu’il y a de plus lent et basique. Du moins dans ses couplets. Ce « Wasting Time » parviendra à créer une certaine surprise par des parties plus accélérées et énergiques, trop brèves cependant pour en faire une expérience enrichissante.
Si vous désirez une véritable ballade digne de ce nom, prenez «
Flames ». Nous y avons une chanson FM émouvante très stylée, qui aurait très bien pu être du Robbie Williams à bien y réfléchir. Cela se situe en tout cas bien loin du contexte heavy teuton qui l’a précédé quasiment tout au long du volume. «
Fate » représente parfaitement cette dernière idée évoquée par son côté monobloc, ses riffs légèrement irritants et peu élaborés qui pousseraient toutefois à nous mettre en haleine. « Shot in the
Dark » et « No Ones
Prey » vont conserver cette rythmique enraillée moyennement agréable. Elle va radicalement se démarquer par le chant, beaucoup plus limpide et entrainant. D’ailleurs, le refrain de « No Ones
Prey » est un pur plaisir à l’écoute et nous ferait presque oublier les performances passables de la guitare rythmique de Mathias Gassner et de la batterie de Peter Ramspott. Les guitares vont s’avérer plus entrainantes dans un registre heavy/speed à la croisée entre «
Primal Fear » et « Iron Maiden » sur le survolté « In a
Dream ». « Edgedown » ne produit toujours rien de neuf, mais comble mieux les attentes.
Loin de nous faire rêver ou d’innover un style au bord de la surchauffe, « Edgedown » inaugure les hostilités à sa façon, ou plutôt à la façon de n’importe quel de ces congénères marqués par l’héritage de «
Primal Fear ». Et il y en a quelques-uns. Cette troisième lame ne doit pas pour autant être ignorée. Elle a su attirer pas mal de faveurs au point d’entretenir aujourd’hui des familiarités avec de grosses formations. Rien n’est dû au hasard. Hormis le niveau tout au plus tolérable de certains membres, à commencer par le leader lui-même (Mathias Gassner), nous avons la chance de rencontrer un chanteur doué, qui fera peut-être parler de lui dans le futur. Ainsi «
Statues Fall » est une œuvre divisible, ne cachant point ses fragilités. Il leur faudra colmater tout ça et s’inspirer de sorte à ce que leur art leur devienne propre. Le public n’accorde pas la même attention à l’artiste qu’au copiste, quel que soit leur talent respectif.
13/20
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