Statistic Ego

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16/20
Nom du groupe Fauxx
Nom de l'album Statistic Ego
Type Album
Date de parution 28 Mai 2021
Style MusicalMetal Expérimental
Membres possèdant cet album1

Tracklist

1.
 Alt Light Rebirth
 07:44
2.
 Their Garbage in the Heart
 05:25
3.
 Duality
 08:17
4.
 Anti Ex Matter
 01:49
5.
 Funeral Transhuman
 04:56
6.
 Fury & Deception
 08:49
7.
 Kill the Monster
 07:32

Durée totale : 44:32

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Fauxx


Chronique @ JeanEdernDesecrator

02 Juin 2021

Un duo batterie/synthés d'une noirceur abyssale

Faire de la musique en groupe oblige à faire des compromis autour d'une vision commune, et certains musiciens peuvent, à un moment charnière de leur carrière, ressentir le besoin de reprendre un peu de leur liberté créatrice. Outre la possibilité de faire un album solo, certains optent pour le travail en binôme, qui garde la dimension d'échange tout en réduisant les risques de désaccords. A deux, c'est tout de suite plus facile de s'entendre.

FauxX s'est formé en 2017 lorsque Jean-Baptiste "Job" Tronel, batteur de Tagada Jones a décidé de monter un projet expérimental, très sombre, sans instruments metal classiques, et cherché un partenaire. Il a vite pensé à Joachim Blanchet (claviers, chant) ; les deux se connaissaient sur Saint-Brieux, de près ou de loin depuis les années 90, chacun à un bord de l'échiquier musical : black et indus pour Joachim, hardcore et punk pour Job. Malgré cela, ils se sont retrouvés sur un anti conformisme revendiqué, à contre-courant des codes.
Nos bretons ont utilisé à plein leurs différences de caractères (posé pour l'un et sanguin pour l'autre) comme d'influences pour créer un ovni singulier. La conception d'un morceau peut démarrer par une partie de batterie de Job, ou des sons des machines de Jean-Baptiste, puis chacun réagit sur les idées de l'autre dans un ping-pong créatif. Le nom même de FauxX dénote une volonté de se rebeller et de dénoncer les faux-semblants, avec une faute d'orthographe majuscule.

En 2018, ils ont sorti un premier EP "NH3(il)" pour le moins expérimental où la musique semble errer lentement d'un rêve tordu à un autre, entre synthwave, industriel et metal. Même s'il n'y avait que trois titres, ceux-ci étaient longs, avec plus de vingt-cinq minutes au total. De quoi poser le décor de leur univers, et donner envie d'y retourner.

Malgré les confinements, Job et Joachim ont pu enregistrer et peaufiner leur premier full length, jusqu'aux dernières touches fin 2020. Par rapport au premier EP, une évolution est déjà perceptible, avec une musique moins fourre-tout, plus directe et épurée, un rythme de croisière augmenté dans le mid tempo, et surtout une ambiance très noire. Aussi, les quelques passages ouvertement metal présents sur le format court ont disparu, si ce n'est dans la manière dont tous les sons sont distordus. La distorsion est appliquée aussi aux synthés ou aux samples, et rend les mélodies très agressives. D'ailleurs l'extrémisme en matière de traitements sonores a obligé nos compères à retoucher le mix pour ne pas sortir des clous pour le mastering, effectué par Thibaut Chaumont (Carpenter Brut, Perturbator,…).

La musique des deux J. est reconnaissable dès les premières mesures, comme quoi leur personnalité est déjà bien affirmée. La caisse claire, au son tranchant et riche en harmoniques, est toujours au centre, comme un pilier inamovible, et marque un mid tempo lancinant, obsédant, entre groove et martialité. Les cymbales sont mixées un poil en arrière -ça aurait été tentant de faire l'inverse, pour remplir l'espace à peu de frais. Cela laisse toute la place pour que les synthés puissent s'exprimer. La grosse caisse est aussi minimaliste, suit le temps où les claviers, mais elle opère parfois des bombardements chirurgicaux de double, comme pour bien faire rentrer le son au fond des tympans ("Alt Light Rebirth", "Funeral Transhuman"). Les breaks et roulements sont très travaillés - à la Deftones, je trouve - et apportent de la variété dans cette apparente uniformité. D'autres morceaux sont au contraire plus expérimentaux, à l'image de ce qu'ils faisaient sur le premier EP, comme sur "Fury & Deception", morceau mort, mourant, en cours de déconstruction, anti-groove, où toms tribaux côtoient une cloche de ride jazzy. Sur "Kill the Monster", un pattern complètement tordu (j'ai pensé à du Primus) passe en revue chaque élément du kit de batterie, avec la précision d'un robot qui goûterait aux joies de la créativité.

Les synthés sont prégnants, obnibulants, à la détermination morbide ; ils dévorent l'oxygène de l'air, hurlant des dissonances harmonisées pour provoquer une résonance orbitale des tympans. C'est comme si toute la lumière qui éclairait encore les ténèbres avait disparu, et qu'on plongeait dans un abîme froid et cybernétique créé par un HAL 9000 revenu de Jupiter. Dans certains moments, on croirait les séquences générées par des algorithmes, selon les paramètres d'une schizophrénie aigüe. La noirceur est insondable, implacable, tel ce riff de claviers à la simplicité meurtrière de "Kill the Monster", qui finit l'opus en un arrêt définitif comme un coup de massicot.

Il n'y a pas de guitare ni de basse, mais, sur "Duality" par exemple, apparait un son de guitare très synthétique qu'on croirait sorti d'un logiciel de partition sur ordinateur dont je tairai le nom. Et cela accentue encore l'aspect synthétique de leur musique, au point qu'on trouve plus metal les claviers gorgés de saturation que cet ersatz de six cordes. Les effets sont prépondérants, mais sont parfois réalisés de manière empirique : sur "Duality" encore, il y a un fantastique long break bruitiste rempli de samples, où trône la batterie, captée au milieu d'une chapelle, dont la réverbe a été fabriquée avec cinq micros.

Les vocaux de Joachim sont plus ou moins saturés, désincarnés, naviguant entre voix parlée et hurlement, et m'ont rappelé un peu ceux de Marco de Treponem Pal, en moins grinçant et in your face. Ils sont dispersés ça et là, comme un témoignage d'une machine dont le machine learning a libéré la parole, ou voix d'un humain tellement augmenté qu'il a perdu toute vie. On pourrait croire que cet ensemble pourrait sonner froid et sans sêve, mais c'est le contraire, au fur et à mesure des écoutes. La richesse, le contraste extrême entre les divers éléments et les nombreuses couches sonores recréent des émotions qui renaissent de la froideur des machines, impulsées par le coté organique de la batterie.


Si on écoute "Statistic Ego" de manière distraite, comme j'en avais fait l'erreur la première fois, il pourrait sembler quelque peu répétitif… ce qui est fauxx. Ouf, c'est pas une faute de frappe. C'est typiquement le genre d'album que je prends plaisir à écouter au casque, le soir. Une œuvre qui demande d'accepter de s'immerger à l'intérieur, de se laisser perdre comme lors d'un rêve qui a des airs de cauchemar, en introspection des flux électriques entre nos synapses discordants.

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