Ghost Bath est typiquement le genre de groupe que l’on aime détester ou que l’on déteste aimer. Jeune groupe surfant sur cette nouvelle vague américaine de black atmosphérique ultra mélodique initiée par les
Deafheaven et autres Liturgy, c’est surtout avec son deuxième album,
Moonlover, sorti en 2015, que le quintette américain s’est fait remarquer, parvenant à attirer l’attention du géant
Nuclear Blast qui sort désormais
Starmourner, leur troisième album en à peine quatre ans d’existence.
C’est peu dire que le quintette est attendu au tournant, et il semblerait que les Américains aient décidé de mettre les petits plats dans les grands, avec un concept album sur la joie, le cosmos, le paradis et l’extase illustré par un livret de 28 pages et une cover froide et mystique.
Ces 71 minutes commencent par une piste musicale,
Astral, dont les notes tantôt légères tantôt graves flottent mélancoliquement au gré du vent, une mélodie apaisante et chargée de nostalgie uniquement égrainée au piano qui se termine sur des hurlements lointains et saturés, introduisant doucement la face plus metallique du groupe. C’est Seraphic qui résonne ensuite, porté par une mélodie joyeuse qui cohabite avec un déluge de blasts ainsi que les hurlements désespérés de Donovan, si caractéristiques. Le contraste sonne étrangement à l’oreille, entre cette musique distillant une énergie foncièrement positive tant par des mélodies lumineuses et enthousiastes que par un rythme vivifiant, et ce chant écorché vif d’une rare violence. La partie musicale est intéressante et bien exécutée, les vocaux, extrêmement arrachés et vibrants de douleur, nous collent la chair de poule, mais la superposition des deux est assez déstabilisante, un peu comme ces mélanges aigres doux typiques de la cuisine asiatique. Et c’est d’ailleurs l‘un des gros points noirs de l’album: concept oblige,
Ghost Bath se plaît à distiller une ambiance légère et radieuse, presque enjouée par moments, rappelant beaucoup l’allégresse religieuse, et qui contraste étrangement avec l’étiquette black revendiquée par le groupe et la voix hurlée du chanteur.
D’une manière générale, les titres sont plutôt bons, jouant constamment sur ce décalage surprenant (une musique lumineuse très portée sur les mélodies de guitares et la voix abyssale et démente du hurleur) afin de nous écarteler entre des émotions extrêmes et de nous toucher avec plus d’intensité, mais l’ensemble ne parvient que trop rarement à nous emporter : les mélodies sont trop souvent fades et surgonflées, manquant de subtilité, les vocaux arrivent parfois comme un cheveu sur la soupe, sonnant à la limite du grand guignolesques (
Thrones avec cette superposition pour le moins douteuse d’un air presque sautillant et guilleret à 1,32 minutes et ces hurlements en fond dont on se demande ce qu’ils viennent foutre là) et d’une manière générale, ces 71 minutes sonnent trop lisses et artificielles, manquant d’émotions.
Certes, les Américains savent jouer (mention spéciale au batteur, qui malmène rudement ses futs) et ces douze titres s’écoutent agréablement : Ambrosial, synthétise sobrement l’art de
Ghost Bath sans en faire trop malgré quelques longueurs, avec ses guitares éthérées et lumineuses et sa batterie marquée qui n’hésite pas à blaster pour accentuer le tiraillement entre mélodies astrales et brutalité ; on a le droit à une partie acoustique apaisante puis une reprise progressive, qui revient à une musique plus lente, puissante et majestueuse, assez typée post rock dans les intonations oniriques de ses guitares, un morceau bien équilibré en somme, s’achevant sur un arpège tranquille qui nous laisse dans un état de sérénité.
De même, des titres comme Luminescence ou
Thrones, au martelage de fûts intensif, se laissent apprécier, avec quelques moments de bravoure à la puissance et à la profondeur mélodique appréciable, mais d’une manière générale,
Ghost Bath semble avoir perdu la magie qui faisait d’Happy House un titre aussi simple que poignant: en fait, il y a encore quelques passages vraiment saisissants sur cet album, mais rarement un titre entier ne parviendra à nous envoûter, un air vraiment kitsch, un hurlement mal placé ou un pont trop fade et facile se chargeant bien rapidement de nous ramener brutalement sur terre. C’est un fait, ce
Starmourner sonne trop synthétique, nous inondant dans un flot d’harmonies de supermarché enthousiastes et naïves parfois un brin pompeuses qui ne parviennent pas à nous toucher (le début de Celestial, Cherubim). Là où l’album précédent nous emportait grâce à une musique directe, simple, fluide et habitée, ce nouvel album semble pêcher par ambition, enchaînant des parties parfaitement exécutées mais trop lisses sous cette emphase artificielle, le tout sans véritable liant ni âme.
Bref, avec un tel titre et de telles thématiques, tout semblerait indiquer que
Ghost Bath veut se rapprocher des étoiles, mais malheureusement pour lui, il n’en est pas encore une, et il faut désormais espérer que le prochain deuil à venir ne soit pas tout bonnement le sien et en définitive, si vous voulez de l’excellent psot black, allez plutôt écouter le dernier
Heretoir.
Amen !
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