Au cours des deux dernières décennies, nombreuses sont les formations metal symphonique à chant féminin à se succéder aux quatre coins de la planète, avec, certes, quelques belles réussite à la clé, mais aussi d'amères désillusions pour les moins précautionneuses et/ou les plus pressées d'entre elles d'en découdre. Ainsi, consciente des enjeux et des risques encourus à se lancer coûte que coûte dans la mêlée, seule une minorité éclairée parvient à la fois à résister à la pression engendrée par l'âpre concurrence inhérente à ce registre et à faire évoluer son art. On l'aura compris, prudence est mère de sûreté... Un adage que ce groupe espagnol a suivi à la lettre. Créé à Barcelone en 2010, le combo impulsé par la talentueuse mezzo-soprano Lidia Guglieri et l'expérimenté compositeur et claviériste David Magrané s'est, en effet, laissé le temps de la maturité à son projet, n'accouchant de son premier effort que trois années plus tard.
Influencée par les travaux de
Nightwish (première période),
Xandria,
Diabulus In Musica et
Amberian Dawn, la formation ibérique évolue dans un metal mélodico-symphonique gothique et progressif éminemment classique, aux riches harmoniques, aux lignes mélodiques épurées, conjuguant habilement le chant lyrique, une dense orchestration samplée et une fringante rythmique d'obédience heavy. Ce que laissent entrevoir les 8 pistes de « Soul's
Revenge » ; épique et pénétrante auto-production d'une durée de 37 optimales minutes, témoignant d'une ingénierie du son plutôt soignée, à commencer par un mixage bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation et la quasi absence de notes résiduelles. S'y ajoute une belle profondeur de champ acoustique dispensant un confort auditif certain, du moins suffisamment pour autoriser le parcours de l'oeuvre d'un seul tenant. Mais entrons plutôt dans les interstices du frétillant manifeste...
A la lecture de ses passages les plus offensifs, le combo développe une impressionnante force de frappe, mais n'a pu parfois empêcher quelques irrégularités dont ont à souffrir certaines sentes mélodiques. D'une part, s'impose sans mal à nos tympans l'entraînant «
Shelter » au regard de ses insoupçonnées variations rythmiques et ses intrigants changements de tonalité. Cependant, le traçage mélodique tend parfois à nous égarer et l'on pourra surtout regretter la présence de growls en clôture d'acte. D'autre part, on retiendra le ''xandrien'' «
Possessed » pour sa rythmique sanglante corroborée à une double-caisse enfiévrée, ses insoupçonnés ralentissements et ses saisissantes variations atmosphériques. Techniquement efficient, le méfait se plaît par ailleurs à complexifier son cheminement harmonique, témoignant également de tenaces linéarités mélodiques. De plus, le partage du micro entre les célestes volutes de la déesse et les serpes oratoires de son acolyte, au regard de l'inconsistance des impulsions de ce dernier, peine à porter ses fruits.
Lorsqu'il ralentit la cadence, le collectif serait plus à son aise, nous plongeant alors au coeur d'envoûtantes suites d'accords, dans l'ombre de ses maîtres inspirateurs. Ainsi, l'atmosphère du mid tempo « The
Rite », au regard de ses enveloppantes nappes synthétiques et de ses riffs plombants, n'est pas sans rappeler celle de « Angels
Fall First » de
Nightwish. A la sirène de par ses puissantes et chatoyantes inflexions de nous renvoyer à celles de
Tarja à ses débuts, et, par là même, de nous happer. Si l'exercice semble rôdé eu égard à la qualité de ses arrangements, l'instrumentation, quant à elle, reste résolument poussive et les refrains ultra convenus. Dans cette mouvance, l'aficionado de l'illustre formation finlandaise s'orientera davantage vers l'opératique «
The Prophecy » à la fois pour les confondantes envolées lyriques de la belle et le fin legato à la lead guitare dispensé.
Pour les amateurs de moments intimistes, nos compères ne les auront nullement laissés pour compte.
Plus encore, ils leur ont concocté un passage sensible jusqu'au bout des ongles, et ce, à l'instar du ''nightwishien'' « The Faithfull
King ». Ainsi s'offre à nous une infiltrante ballade a-rythmique, d'obédience cinématique et progressive, un brin altière, entonnée avec élégance et une confondante justesse par l'inspirée mezzo-soprano. Le violoneux corps orchestral tout de soie vêtu dispense, pour sa part, une subtile et prégnante gradation. C'est en totale apesanteur que s'effectue alors la traversée de cette plage ouatée, où l'émotion requise sera assurément au bout du chemin. On ne saurait davantage se soustraire aux délectables portées de «
Rebirth », touchante ballade romantique dans la veine de
Diabulus In Musica, enjolivée par les magnétiques inflexions d'une frontwoman au faîte de son art. Bref, une chatoyante aubade qui saura faire plier l'échine à plus d'une âme rétive...
Quand ils flirtent avec les plantureuses pièces en actes, sans s'avérer des plus novateurs, nos acolytes nous réservent toutefois quelques sémillants effets de surprise. D'une part, dans la veine d'
Amberian Dawn (première mouture), le polyrythmique « Valkyrie’s Pride » multiplie les changements de tonalité, les frasques de la maîtresse de cérémonie, d'ailleurs à son aise dans cet exercice, et nous octroie un final en crescendo des plus seyants. Et comment résister à l'appel de la sirène sur la somptueuse fresque « Soul’s
Revenge », envoûtante offrande symphonico-progressive gothique que n'aurait guère reniée
Nightwish ? En outre, d'opportuns breaks laissent entrevoir de délicats arpèges au piano doublés d'un gracile violon ; espaces d'expression relayés par de graduelles accélérations percussives, d'enveloppantes nappes synthétiques et l'insertion d'une fringante chorale. En dépit d'un sillon mélodique en demi-teinte, l'invitant cheminement harmonique finira par se jouer des plus tenaces résistances.
Au final, on parcourt une œuvre des plus enivrantes, jouissant d'une ingénierie du son sans aspérités, d'un bel élan d'inspiration de la part de nos compères, et des pénétrantes envolées lyriques de la déesse. En dépit de ses qualités, la rondelle accuse toutefois quelques bémols. En effet, on aurait souhaité, d'une part, une mise à distance plus franche de leurs maîtres inspirateurs et des lignes mélodiques moins convenues. D'autre part, s'observe une réelle carence en matière d'originalité et peu de prises de risques pour une galette qui, pourtant, renseigne déjà sur le potentiel technique de ses auteurs. On l'aura compris, à terme, nos acolytes ne pourront camper sur leurs acquis sans risquer une désaffection prématurée, notamment d'un auditorat déjà en phase avec les travaux de leurs sources d'influence. Un sursaut de sa part est donc requis pour que la troupe puisse définitivement sortir de l'ombre. Peut-être à l'aune d'un second album full length ?...
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