Pourvoyeur d'un nombre croissant en formations metal mélodico-symphonique à chant féminin depuis près de deux décennies déjà, le Chili en continue l'entreprise, portant, cette fois, le regard sur ce jeune quintet originaire de Santiago. Encore inconnu dans nos contrées et peu popularisé dans l'espace metal sud-américain, ce combo entend bien à son tour faire entendre sa voix. Dans ce dessein, le collectif nous immerge au sein d'un metal mélodico-symphonique gothique et atmosphérique teinté d'une touche latina, dans la lignée d'
Abrasantia,
Anabantha,
Fortaleza,
Silent Cry ou encore
Vandroya. Pour défendre ses chances, la troupe s'est attelée à la création de son premier album full length, le présent «
Sonetos », lui-même faisant suite à l'introductif et seyant single «
Tierra » sorti quelques mois plus tôt. A l'aune de cette première offrande, le groupe chilien aurait-il déjà les cartes en main pour s'imposer parmi les valeurs montantes de ce si concurrentiel registre metal ? Exploration...
Avant tout, des présentations s'imposent. A bord du navire, nous accueillent la frontwoman Yoselyn Reyes, Luis Rojas (guitares), Nicolás Escudero (basse), Braian Cárdenas (batterie) et Claudio Bli (claviers). Avec le concours, pour l'occasion, de Cinthia Santibáñez, frontwoman du groupe de metal progressif chilien
Crisalida et du batteur Gerhard Zenteno. Ce faisant, nos compères nous octroient une galette généreuse de ses 55 minutes sur lesquelles s'égrainent 10 pistes à la fois volontiers frondeuses, souvent enjouées, empreintes de sensualité, un brin romantiques, et exclusivement chantées en espagnol. Mastérisé et mixé par Luis Rojas, l'opus accuse un sévère manque de profondeur de champ acoustique, des finitions manquant à l'appel et quelques sonorités résiduelles. Mais entrons plutôt dans la cale du cargo en quête de pépites profondément enfouies...
Comme souvent dans ce registre, c'est à la lumière d'une brève entame instrumentale d'inspiration cinématique que débute notre traversée. Ainsi, dotée de délicats arpèges au piano, voguant sur une mer synthétique d'huile, libérant parallèlement un fin legato à la lead guitare, c'est à l'apaisant et sensible « Luz » d'ouvrir le bal...
Le manifeste aurait cette particularité de nous projeter le plus souvent sur des braises incandescentes tout en se faisant éminemment sensuel, offrant alors une ambiance à la fois enfiévrée, enivrante et mordorée. Dans cette mouvance, on retiendra l'entraînant «
Historias del Ayer » tout comme le pulsionnel « Trascendente » pour leur infiltrant cheminement d'harmoniques, que l'on croirait volontiers emprunté à
Vandroya. Deux tubesques offrandes enjolivées par les troublantes impulsions de la belle, susceptibles de happer le tympan du chaland sans avoir à forcer le trait. On ne saurait davantage éluder le vibrant single «
Tierra », et ce, tant pour son duo féminin, alors magnifié par les félines inflexions de Cinthia Santibáñez, que pour ses flamboyants soli de guitare. Enfin, calé sur des riffs grésillants, l' ''anabanthien'' mid tempo un brin latino «
Escape Cibernético » glisse sur une séduisante ligne mélodique mise en exergue par les chatoyantes patines de la déesse tout en nous octroyant une grisante énergie de fond.
Le combo a, par ailleurs, inséré une touche progressive dans son propos, parvenant alors à nous retenir, parfois un peu malgré nous. Ce qu'illustre « Destino », mid tempo progressif dans la veine d'
Abrasantia. Introduit par de fins clapotis pianistiques doublés des gracieuses volutes de la sirène, le méfait réservera une insoupçonnée et sidérante montée en puissance du corps instrumental, avec, pour effet, d'aspirer le pavillon.
Plus encore, au fil de ses 8:42 minutes, la luxuriante et épique fresque « El Faro de los Sueños » nous immerge au cœur d'un océan en furie, avec d'inattendues digressions et soudaines accélérations percussives au programme. A l'issue de la tumultueuse traversée, tant le navire que son équipage arriveront à bon port, après nous avoir offert un spectacle d'une rare intensité émotionnelle...
Lorsque la lumière se fait douce et que s'apaisent les tensions, la troupe trouve là encore les clés pour nous rallier à sa cause. Ce qu'atteste «
Sonetos », romantique ballade d'une sensibilité à fleur de peau, dans la veine de
Fortaleza. Calée sur un élégant et hispanisant picking à la guitare acoustique doublé de percussions d'une confondante légèreté et mise en habits de soie par les enivrantes modulations de la maîtresse de cérémonie, l'envoûtante sérénade fera plier l'échine à plus d'une âme rétive tout en magnétisant l'attention de l'aficionado du genre intimiste.
En dépit de ses mérites, l'opus accuse toutefois l'un ou l'autre bémol. Ainsi, calé sur une sente mélodique en proie à de persistantes linéarités, délivrant des séries d'accords à la discutable efficacité et des enchaînements intra-piste peu loquaces, le mid/up tempo « Mil Veces » peinera à se hisser au rang de ses voisins. Et ce ne sont ni le bref mais seyant solo de guitare ni un duo mixte en voix claire qui ne s'imposait pas qui sauveront l'embarcation du naufrage. On passera donc son chemin, cette fois.
Plus déconcertant encore, annonçant 10 minutes au compteur, « Paz » révèle une pièce en deux actes séparées d'un blanc de plus de 3:30 minutes, une éternité... Au airs d'une outro, telle un enchaînement de « El Faro de los Sueños », le premier acte révèle un bref instrumental aux inaltérables et sinueuses nappes synthétiques sur fond de houle marine. Puis, le néant... A mi-morceau, on découvre alors une ballade a-rythmique en guitare acoustique/voix d'une étonnante fluidité, à la mélodicité plutôt agréable, semblant s'étirer à l'infini.
Pas sûr pourtant d'y revenir poser une oreille...
On ressort de l'écoute de l'opus interpellé par les qualités mélodiques et techniques du combo chilien, ce dernier témoignant d'une inspiration féconde et d'un allant qui rarement ne lui a fait défaut. Toutefois, si le méfait s'avère diversifié sur les plans atmosphérique et rythmique, et si le combo sud-américain a consenti à varier son offre en matière d'exercices de style, on regrettera à la fois une ingénierie du son encore lacunaire dans son principe d'émission, d'impondérables baisses de régime et la manque d'épaisseur artistique accolée au projet. De plus, les prises de risques demeurent aux abonnés absents, le propos ne nous surprenant qu'en de rares occasions, et l'émotion requise n'est pas toujours au rendez-vous de nos attentes. Mais le combo a encore le temps de fluidifier ses gammes et d'affûter sa production d'ensemble, pour revenir dans la course mieux armé pour faire face à ses concurrents, toujours plus nombreux à se bousculer au portillon. La balle est désormais dans leur camp...
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