Allez, arrêtez de vous la raconter : des groupes de black slovaques, vous n’en connaissez probablement pas beaucoup et, je l’avoue humblement, je suis dans le même cas que vous.
Ceci dit, si vous voulez impressionner vos amis lors du prochain apéro/quizz metal du samedi soir, sachez que le one man band danois Udånde peut éventuellement être considéré comme slovaque, puisque Rasmus Ejlersen s’est récemment installé à Bratislava.
Blague à part, le Danemark se démarquant tout de même un peu plus que la patrie slave en matière de black metal, on ne s’étonnera donc pas de la qualité de ce
Slow Death - A Celebration of Self-Hatred, deuxième album sorti sous
Vendetta Records après un
Life Is
Purist en 2021 honteusement passé sous mes radars.
Maintenant que le décor est planté, penchons-nous plus sérieusement sur cette deuxième offrande : si la pochette est étonnamment sobre pour ne pas dire outrageusement minimaliste, la musique, simple en apparence, est belle, profonde et habitée et nous embarque sans peine dans ses méandres tortueux. Aux confins du black atmo, d’un doom rugueux et du death mélo (certains mid tempo font penser à
Amon Amarth même si l’esprit n’est pas du tout le même), ces 38 minutes nous offrent un superbe voyage dans les névroses d’un esprit torturé, celui de R. lui-même, qui exorcise sur ces six titres douze années de son existence particulièrement sombres durant lesquelles il aura souffert de crises d’angoisse et de dépression.
Vous l’aurez donc probablement compris, le ton général de la galette n’est pas vraiment à la fête (l’attaque death lourde et menaçante de Who Got Diagnosed Years Later, le riff terriblement lancinant qui ouvre and
Denied All Sense and
Reason, d’une beauté vénéneuse et morbide, l’intro grondante de Remember Not to Praise the False
King), et les notes de guitares, sombres et poisseuses, s’agglomèrent pour former des mégalithes à la noirceur anthracite, ceci dit, l’ensemble reste toujours mélodique et empreint d’une certaine lueur d’espoir qui luit faiblement dans ces ténèbres opaques.
Le chant de R., sépulcral et profond, est carrément typé death, et appuie l’accordage très grave des guitares, renforçant la noirceur ainsi que cette impression d’être comme enseveli, errant dans des boyaux souterrains à des kilomètres de la surface. Nénamoins, nos tâtonnements sont guidés par des moments de bravoure qui incarnent les sursauts d’une âme désespérée, gravant à jamais une sorte de grandeur et de noblesse dans la souffrance (le riffing conquérant du superbe We Should Welcome the Suffering). En effet, certaines notes à la pureté lumineuse semblent vouloir monter à l’assaut du ciel (le court riff central qui illumine ces parois d’obsidienne à 2,51 minutes de
And Denied All Sense and
Reason, la fin de I Mean, Who am I to
Blackout? aux mélodies oniriques presque post rock, ce merveilleux passage dès 4,34 minutes de We Should Welcome the Suffering ), même si leur ascension est constamment entravée par la lourdeur rythmique (soulignons le superbe jeu de batterie dense et fouillé, à la frappe lourde et aux sonorités souvent tribales) et la voix d’outre-tombe de R.
Pour utiliser une image parlante, c’est comme si la musique d’Udånde était constamment suspendue entre ciel et profondeurs, Rasmus Ejlersen marchant sur un simple fil tendu entre empyrée et abysses : le numéro de voltige est impressionnant car chaque morceau possède un équilibre parfait, tiraillé entre bourrasques de blasts, riffs grondants et dévastateurs et passages plus calmes et intimistes (les arpèges doux et mélancoliques qui ouvrent I’m Not a
Pessimist I’m a Realist et We Should Welcome the Suffering). Balloté par les émotions comme la tristesse, la souffrance, la résignation, la mélancolie mais aussi la détermination et l’espoir, le musicien tangue, vacille, et trébuche, continuant parfois sa route en rampant mais avançant toujours vaille que vaille et ne cédant jamais au pernicieux appel du gouffre qui entraînerait une chute fatale.
Voilà donc une musique atmosphérique très émotionnelle et bouleversante qui nous envoûte du début à la fin et pourra séduire les amateurs de groupes aussi divers que
Lunar Aurora, The
Ruins of Beverast, Cavernous
Gate, Tryptikon ou
Behemoth. Un vrai manifeste de résilience et de lutte contre la dépression, qui parvient à transcender la haine de soi, l’angoisse et les pulsions auto destructrices en une œuvre musicale superbe qui célèbre la vie.
The Slow Death, ou quand la mort lente devient une véritable renaissance…
Merci Icare de la chronique qui m'a poussé à découvrir cet album (ainsi que le "groupe") et je t'en suis reconnaissant car j'ai également fortement apprécié cette noirceur. Du coup, je viens de lancer leur album précédent, en espérant y retrouver cette même ambiance malsaine et dépressive !
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