Amaseffer est un projet ambitieux né de deux musiciens israéliens. Leur but, faire des concepts albums autour de l’ancien testament.
Plus qu’une simple inspiration, ce thème constitue la vraie raison d’être de leur musique, qui en devient presque cinématographique tant elle se plie à l’histoire racontée, et non l’inverse. Pour arriver à ce résultat, ils ont su s’entourer de personnalités reconnues. En tête de file, Mats Levin, qui a un passif de bon bourlingueur. Pour le seconder au chant, nul autre que Kobi Farhi d’
Orphaned Land, tout de même un symbole du metal made in israel. Celui-ci assurera d’ailleurs la partie disons traditionnelle du chant, celle qui dépayse et sort des registres habituels du metal. Avec ce petit monde au casting, nous sommes fin prêt pour une écoute qui s’annonce longue, mais divinement dépaysante et prenante. Le thème de cet album, l’épisode de l’exil.
Une page vierge que l’on installe, et un narrateur pose les premiers mots de l’histoire. Pour nous autres auditeurs, ces bruitages laissent presque immédiatement place à ceux d’une charrette tirée par un cheval, lentement, dans le désert égyptien. Une guitare acoustique et une vraie flûte arabe se charge de nous accueillir posément. La piste de loin la plus courte de l’album, mais une mise en route parfaite pour entrer dans l’atmosphère de ce contexte. « Slave For
Life » arrive alors, et avec elle le démarrage du power progressif, et des deux chanteurs. Cette chanson est une des seules à avoir un refrain, mais à part ça elle présente bien ce qui nous attend, à savoir du power assez lent pour le genre, et surtout très progressif et très ambiancé, via notamment un clavier omniprésent au sonorités variés, et de nombreux bruitages. Le thème des esclaves hébreux donnent logiquement une chanson assez douloureuse, très bien porté par les vocalises de fin de Farhi.
La piste suivante s’ouvre sur une orchestration qui bien qu’artificielle, ferait presque hollywoodienne pendant un moment, avant que les couleurs orientales ne ressurgissent. Et c’est sur ce qui aurait pu être un beau refrain simple de power (sauf qu’il ne reviendra pas par la suite), que le prophète voit le jour, avant que sa mère ne soit contrainte de l’abandonner aussitôt sur le Nil.
Des années après, «
Midian » présente Moïse qui entrevoie son destin, sur un bon mélange de parties métal posés et d’autres plus arabisantes. Un jour, celui-ci précipite ce destin en défendant une innocente maltraitée par 2 égyptiens. Un passage intense auquel participe brièvement Angéla Gossow (
Arch Enemy), pour une pointe de chant death, la seule. Le meurtrier, à grand renfort de bruitages et de voix, et contraint à la fuite.
Réfugié dans une oasis au milieu du désert, Moïse fait la connaissance de « Zipporah » (oui Sephora quoi), et c’est pour nous le temps de la balade.
Amaseffer évite là de la plus belle manière le piège de la ponte de chamalo en proposant une vraie balade du désert égyptien, avec percussion, guitare spécifique, et surtout chant féminin en langue originale (que je ne tenterais pas de nommer sous peine de me planter à coup sûr). Loin d’être un interlude, cette chanson est une vrai oasis même pour l’auditeur, un passage original et sacrément bien mené sur lequel les 3 voient s’entremêlent pour un résultat tout simplement enchanteur.
La seconde moitié du voyage, qui s’étend de l’apparition de dieu sous forme du buisson hardant («
Burning Bush »), jusqu’au voyage du peuple hébreux dans le désert, souffre de davantage de longueurs, la faute surtout à de trop longs passages instrumentaux où de chants orientaux. Si ces passages apportaient un plus par rapport au rôle tenu par les divers solistes sur le reste du disques, l’intérêt serait sauf, mais ça n’est pas franchement le cas. On aura quand même droit à dix plaies d’Egypte intenses musicalement et du point de vue mise en scène (si j’ose dire), et à un final digne de ce nom, usant de chœurs sur un refrain qui reflète l’espoir des exilés.
D’un point de vue plus global, comme le laisse entendre le tour d’horizon que nous venons de faire, la production est à la hauteur des ambitions. Sans les moyens d’un grand groupe de metal synpho,
Amaseffer parvient à nous emporter avec eux facilement. Les deux musiciens initiateurs du projet, batteur et guitariste du disque, ne donnent pas dans la démo de technique, préférant renforcer la patte metal oriental qu’on reconnaît bien. Même si la guitare sait se faire parfois plus tranchante, elle reste globalement très mélodique et tout à fait dans le ton. D’ailleurs, ceci permet adroitement de limiter les cassures entre les parties metal et les parties clavier, flutte et ambiance. Autre instrument de cohérence globale de l’album, Mats Levin dont il convient de souligner la prestation. Sa capacité à faire passer des émotions est plutôt remarquable. Des moments de désespoirs et d’autres plus lumineux côtoient des pointes plus intenses qu’on associera aussitôt à Tobias Sammet (
Edguy,
Avantasia) tant leur voix peuvent se ressembler parfois. Sans oublier « Zipporah » qui sort de tout registre heavy et où il se montre tout aussi émotionnel.
La formation visait haut, et globalement leurs épaules ont supporté le poids du défi. Certaines longueurs sont à déplorer, qui rende l’album difficile à digérer d’un trait, sans compter que le style progressif demande souvent un minimum d’écoute pour être pleinement apprécié. Mais le concept ambitieux, les moyens qu’ils se sont donnés pour le faire et l’envie certaine de bien le faire qui se dégage du disque le rende assez unique en son genre. Et après plusieurs années où on a pu croire le projet mourrant, un nouvel album devrait finalement voir le jour en cette année
2012, et on le souhaite au moins aussi bon et envoûtant.
Je préfère d'ailleurs à Orphaned Land, dont l'écoute d'un album entier est relativement difficile (mis à part peut être pour Mabool).
Le chant de Mats Leven y est pour beaucoup.
Merci pour la chro !
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