Skyscraper

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17/20
Nom du groupe David Lee Roth
Nom de l'album Skyscraper
Type Album
Date de parution 21 Janvier 1988
Produit par David Lee Roth
Style MusicalHard Rock
Membres possèdant cet album171

Tracklist

1. Knucklebones 03:18
2. Just Like Paradise 04:03
3. The Bottom Line 03:37
4. Skyscraper 03:38
5. Damn Good 05:49
6. Hot Dog and a Shake 03:19
7. Stand Up 04:39
8. Hina 04:40
9. Perfect Timing 03:41
10. Two Fools a Minute 04:28
Total playing time 41:23

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David Lee Roth


Chronique @ ZazPanzer

12 Avril 2014

Now that’s entertainment !

21 Janvier 1988. Le mythique Tower Records du Sunset Strip (RIP, novembre 1970 – Novembre 2012) se prépare à célébrer la sortie du nouvel album de David Lee Roth, «Skyscraper». Les fans sont agglutinés devant les portes, et une certaine tension commence à se faire sentir à l’intérieur du magasin, car ni Diamond Dave ni ses musiciens ne sont encore arrivés. Pourtant Dave est en bons termes avec la direction qui lui a fait une fleur la veille en l’autorisant à faire livrer et installer sur le toit une montagne enneigée en polystyrène haute de 8m50, spécialement fabriquée pour l’occasion par les designers du parc Disneyland californien. Le magasin ouvre mais toujours pas de nouvelles de Dave… Pourtant, 8 kilomètres plus loin, sur Broxton Avenue, c’est l’Anarchie. La célèbre fanfare de Los Angeles (University of Southern California Trojan Marching Band) vient de se mettre en marche pour rejoindre Sunset Boulevard en bloquant la circulation, provoquant bien évidemment tout le long de son périple une série d’embouteillage monstrueux et l’arrivée de plusieurs unités du LAPD. La fanfare (engagée par Dave, faut-il le préciser) arrive au pied du Tower Records dans un vacarme assourdissant, et l’ex-Van Halen surgit alors du haut de la montagne dans laquelle il était caché, entouré de petites alpinistes en bikini sexy. Les filles se trémoussent en agitant des piolets en plastique pendant que Dave, harnaché comme il se doit, descend la montagne en rappel, multiplie les poses et les cascades en saluant la foule hystérique. Magnifique.

Tower Records n’avait pas été informé de ce plan marketing purement hallucinant en plein cœur d’Hollywood. Aucune autorisation n’avait été délivrée, ni pour la pose de la montagne sur le toit, ni pour la manifestation du USC Marching Band. S’ensuivent une putain d’album-release-party, quelques amendes et ennuis juridiques dont Dave se fout éperdument et surtout un bel article dans le L.A. Times (800 000 abonnés). Si certains en doutent encore à ce moment, ils changent d’avis sur le champ : à l’instar de Napoléon ou d’Alexandre-Le-Grand, David Lee Roth figurera officiellement dans les manuels consacrés aux stratèges incontournables de l’Histoire, ou, a minima, sur la liste des quelques mortels dotés par la nature d’une paire de couilles XXXXXXXL.

Non, Dave n’appartient définitivement pas à notre misérable monde. C’est un artiste visionnaire qui vit dans une réalité parallèle. C’est un super-héros qui régit un univers rose fluo dans lequel évoluent des filles à poil, des guitaristes légendaires ou des bodyguards nains portant des uniformes du SWAT… Et quand parfois il nous fait l’honneur d’une visite, ce n’est pas lui qui s’adapte aux règles grisonnantes de notre société morose, mais elle qui se plie à ses extravagantes exigences colorées, et ce, depuis le tout début, bien avant que Van Halen ne connaisse la gloire et la fortune. En d’autres termes, Diamond Dave est ce qu’il est commun d’appeler un génie (ou un fou).

Certains haussent les épaules en objectant que l’argent achète tout ? Faux ! C’est depuis son enfance que Dave s’efforce de donner vie aux visions surréalistes qui l’habitent, et c’est grâce à cette personnalité larger-than-life que Van Halen connut le destin qui fut le sien. Une autre anecdote pour le plaisir ?

23 Septembre 1978, Anaheim Stadium, Californie. 45 000 rockheads sont réunies au Summer Fest pour assister aux gigs de Black Sabbath et Boston. Les opening acts ? Van Halen (et… Sammy Hagar !) Alors que la foule attend en soupirant que les premières parties expédient leurs sets vite fait bien fait pour profiter des têtes d’affiche, un bruit de moteur se fait entendre. Bientôt un avion survole le stade. Il vole très bas (sans autorisation bien entendu). Alors qu’il passe au-dessus de la scène, tous les yeux s’écarquillent pour être sûr de ne pas rêver : quatre types viennent d’être parachutés à très (trop) basse altitude et font une chute libre en gesticulant dans tous les sens. Le silence, puis les cris… Ils vont s’écraser ! Mais les gars déplient les parachutes au tout dernier moment, atterrissent en catastrophe derrière les amplis, et investissent victorieusement la scène en se débarrassant des parachutes encore accrochés sur leurs dos… Les promoteurs sont furieux, Boston et Sabbath écœurés, mais la foule exulte et mange dans la main de Dave pendant les neuf morceaux joués ce jour. Le groupe vient de gagner 45 000 die-hard fans. Ce n’est que 20 ans plus tard que le frontman avouera avoir engagé une patrouille acrobatique (les Sky Gods de Lancaster, Californie)! Les quatre parachutistes étaient soigneusement déguisés avec des perruques et les fringues de scène des musiciens; le groupe était caché derrière la scène sous une couverture avec des parachutes identiques à ceux de la patrouille. Une idée folle, absurde, mais magique, une idée parmi tant d’autres sorties de l’extraordinaire cerveau ravagé de Monsieur DLR…

Mais revenons aux sommets de nos montagnes... «Eat ‘Em And Smile» a fait un carton dans les charts US en obtenant deux fois la certification Platine, soit 2 millions de disques écoulés. La tournée (de folie) achevée, il est temps pour Steve Vai, Billy Sheehan et Gregg Bissonette de se remettre au travail afin de donner un successeur à leur génialissime premier full-length. Alors que Steve avait composé seul tous les titres de 1986 dans le sous-sol de Dave, l’écriture est cette fois partagée : les frangins Bissonette imposent l’opener «Knucklebones», tandis que Brett Tuggle, le claviériste au CV long comme le bras (Steppenwolf, Steve Lukather, Coverdale/Page, Whitesnake, Satriani, Chris Isaak, Tommy Shaw, Fleetwood Mac entre autres) engagé pour la tournée précédente propose à Dave trois morceaux très typés que ce dernier retient contre l’avis de Steve et Billy : «Just Like Paradise», «Stand Up» et «Perfect Timing». Steve déteste particulièrement «Just Like Paradise» qu’il essaie jusqu’au dernier moment de dégager de la tracklist finale sans parvenir à ses fins ! Il confirme cependant, malgré la concurrence, son statut de sous-chef en signant six brûlots de sa patte inimitable. De petites tensions apparaissent également avec Billy qui se sent mis à l’écart, aucun de ses titres n’ayant eu les faveurs du patron. Pas de portes claquées cependant : en grand professionnel, Billy reste à son poste jusqu’à la fin des sessions d’enregistrement avant de s’en aller fonder Mr Big. Le bass-hero quittera l’aventure en bons termes avec tout le monde et sera immédiatement remplacé par Matt Bissonette, le frère de Gregg, pour la tournée à suivre.

Ce métissage de compositions a bien entendu des conséquences sur la tonalité de l’album, qui prend une coloration particulièrement acidulée, très «Pop 80s», complètement en phase avec 1988. Brandon, Brenda, Kelly, Donna, ça vous dit quelque chose ? Oui, oui, bande de vieux, je parle bien de «Beverly Hills 90210» ! Le producteur qui à cette époque finalisait les premiers épisodes de la série avait contacté le management de Dave pour que «Just Like Paradise» en devienne le générique, ce qui donne une assez bonne idée du parti-pris assumé de certains titres, très «commerciaux». Pour finir l’anecdote, Dave n’apprit cette histoire que quelques années plus tard, car son manager avait estimé ridicule la somme proposée par Aaron Spelling et n’avait par conséquent pas jugé nécessaire d’en informer le boss !

Autre bouleversement de taille : pour la première fois de sa carrière, Dave ne fait pas appel à Ted Templeman et décide de produire «Skyscraper» avec Steve Vai. Le changement est radical : alors que les albums frappés du sceau Templeman sont caractérisés par un côté brut, live, «In Your face», Steve Vai, fidèle à son approche d’esthète perfectionniste polit le son de «Skyscraper» et le modèle à son image. Ce second opus est donc complètement surproduit, retouché de partout, regorgeant d’effets divers et de multiples couches de guitares (72 pistes sur chaque titre sauf «Two Fools A Minute»). Hey ! Tu vis à L.A., tu dois avoir un corps parfait, non ? Steve faisant partie des meilleurs chirurgiens en ville, le résultat est à la hauteur pour peu qu’on ne soit pas dérangé par le silicone. J’invite par contre les inconditionnels des poitrines naturelles et des filles légèrement maquillées à se réorienter sur le disque précédent, voire carrément à revenir aux origines du Mighty Van Halen

Pourtant, malgré tout ce qui énoncé plus haut aurait tendance à faire fuir les bad-ass-motherfuckers que nous sommes, «Skyscraper» sonne comme du Diamond Dave pur jus. Un disque irrésistible qui donne envie de sauter partout en se soulant comme un cochon, d’enfiler un Spandex pour fracasser des télés et des tables basses, de dépasser ses limites, de franchir des cols à pic sans filet, de mourir jeune et vite, et par-dessus tout de laisser derrière soi sa vie d’avant pour la réinventer en Californie. Pourquoi ? Comment ?

Parce que.

Parce que même si le synthé de Brett Tuggle nous ramène à l’époque des B.O. des buddy-movies, le temps glorieux où Riggs et Murtaugh faisaient la loi à L.A. en compagnie d’Axel Foley, Rosewood et Taggart, il est intelligemment mixé et sait se faire oublier pour laisser la place aux guitares flamboyantes du Dieu Steve Vai qui multiplie les prouesses.

Parce qu’on garde les repères essentiels sans lesquels un album de Diamond Dave n’en serait pas vraiment un, comme le rythme à la «Hot For Teacher» typique du grand Alex Van Halen qu’on retrouve ici sur «Bottom Line», ou comme le morceau Big Band final sur lequel Dave se la joue crooner. «Two Fools A Minute» sur laquelle Steve s’est éclaté avec les cuivres ne déroge pas à la tradition, même si je la trouve moins réussie que «That’s Life» sur «Eat ‘Em And Smile», peut-être ce côté funky qui fait très «Blood Sugar Sex Magik» avant l’heure grâce aux interventions de Billy…

Parce que Dave. Sa folie contagieuse, sa gouaille, sa bonne humeur, son humour, son style, sa classe. Aidé dans sa mission par l’appui de la coach vocale Deborah Shulman, Mister Diamond en fait des tonnes sur ce disque, encore plus que d’habitude : les lignes de chant s’entrechoquent, se superposent, et les «whoa» dont il a le secret s’accumulent, mais on en redemande.

Parce que Steve. Tout le monde garde ou gardera en tête les legato de «Just Like Paradise» sur la guitare triple manche en forme de cœur (designée par le luthier Mace Bailey) ou encore ses fameux tappings et le solo de folie de "Hot Dog And A Shake" qui commence avec une seule note étirée sur plusieurs mesures, ponctuée par des pêches puis reprise avec un vibrato mémorable et un lick joué à un tempo digne de faire pâlir Michael Angelo Batio… Le mythe de la note interminable par Vai ! Différent de la fameuse version live de «Parisienne Walkways» de Gary Moore («Blues Alive» / 1993), mais tout aussi poignant… La légende veut d’ailleurs que Steve ait terminé ce solo en toute hâte parce qu’il voulait absolument se rendre à un gig d’Alice Cooper qui allait commencer ! Steve ne mise bien sûr pas tout sur la vitesse et sait se montrer d’une subtilité prodigieuse, comme le montre «Hina» (déesse de la Lune en Polynésie), morceau tout au long duquel il utilise un Delay très court qui renvoie tout ce qu’il joue de l’enceinte gauche à celle de droite avec un décalage minime, qui s’harmonise pourtant avec la piste de départ. Du grand Art. Écoute au casque indispensable pour se retourner le cerveau.

Les bijoux de ce disque combleront donc les fans de Dave mais aussi ceux de Steve. À titre personnel, j’ai un petit faible pour deux d’entre eux, peut-être ceux que l’on remarquerait le moins lors d’une écoute informelle. Le titre éponyme tout d’abord, absolument majestueux, notamment grâce à cette intro en parfait accord avec la pochette (shootée au Parc de Yosemite) qui nous entraîne dans le froid et la solitude profonde que peuvent ressentir les alpinistes, mais aussi parce que c’est l’un des morceaux dans lequel la personnalité de Steve s’exprime le plus. Et la ballade «Damn Good», que je chéris également alors que beaucoup la considèrent comme un vulgaire filler. Ce morceau, dans lequel on peut déceler un poil de Led Zep fut écrit par Steve alors qu’il n’avait que 14 printemps. Il est sublimé par les lyrics de Dave, empreints de nostalgie, qui me parlent particulièrement : “Man, we was happy In our restless hearts; It was heaven right here on Earth… Yeah, we were laughin' as we reached for the stars; and we had some for what it was worth…” Il ne fallut pas moins de 12 guitares superposées, dont un sitar, pour obtenir ce son si particulier.

Disque léger mais essentiel, accessible bien qu’extravagant et renversant techniquement, symptomatique de cette vibe 1988 en somme, «Skyscraper» arracha des sourires à d’innombrables suicidaires, fit voler des centaines de déambulateurs dans les maisons de retraites à travers le monde et relança le taux de natalité japonais, ce qui lui valut bien entendu le prix Nobel de Chimie. L’album et le single «Just Like Paradise» se hissèrent au sixième rang des charts US, et Diamond Dave fit mettre au point pour partir en tournée une série d’accessoires à son image, parmi lesquels la fameuse planche de surf de 6 mètres de long suspendue par des câbles qui lui permettait de faire un peu d’exercice pendant les soli de Vai et Bissonette. Dave, à l’instar de Paul Stanley sur «Love Gun» (qui eut l’idée le premier ?) volait en effet à travers les salles (de la scène jusqu’à la table de mixage) pendant qu’une pompe à Jack Daniel’s arrosait la fosse, et ce sous le regard médusé de C.C. DeVille et Bret Michaels qui prirent une vraie leçon de Rock’N’ Roll lors de ce Skyscraper Tour pour lequel ils eurent l’honneur d’ouvrir pour le maître. «Because we're hittin’ the road and we're pumpin' thunder ! You can feel it right down to your Knucklebones

Dave, you’re the man.

13 Commentaires

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adrien86fr - 13 Avril 2014: Une chronique de tueur, tout bonnement époustouflante ; merci Zaz pour ces inestimables anecdotes et ce style personnel. Papier prescripteur qui me fait mettre ce 2nd opus de DLR sur ma wantlist.
MarkoFromMars - 13 Avril 2014: Un des rares showman qui peut porter les plus improbables tenues, spandex-string ou même une plume dans le derche ou que sais-je et continuer à avoir la classe. Hey, it's me, i'm Dave! Big mouth à l'énorme personnalité et au charisme indéniable et un album qui passe toujours aussi bien pour ma part.
Merci Zaz, la lecture de ta chronique était just like paradise avec l'album en illustration sonore, fun et show à l'Américaine.
swit35 - 17 Octobre 2020:

Je me délecte de ta chro plus que de ce disque, fort en couches comme tu le précises, du gros boulot de haute couture à n'en pas douter... ta chro est juste irresistible l'ami et donne du sens à ce disque complexe... je ne retiendrais qu'un conseil de sa lecture : "revenir aux origines du Mighty Van Halen…"

PhuckingPhiphi - 18 Octobre 2020:

C'est grâce au commentaire de Phil' ci-dessus que je découvre ta chronique Zaz'… Ben dis-donc, tu m'en copieras la recette, car c'est du grand art : en la lisant, j'avais l'impression d'avoir l'album dans les zoreilles, c'est dire ! Sacré disque putain, acheté à sa sortie et qui tourne encore plusieurs fois par an chez moi. Je me souviens de la séance d'escalade promotionnelle qui avait fait l'objet d'un entrefilet dans je ne sais plus quelle émission rock en France à l'époque, peut-être les "Enfants du Rock", mais je ne suis plus sûr… Hé oui, tout énorme qu'il fût, Diamond Dave n'a évidemment jamais fait les gros titres chez nous, mais là je n'apprends rien à personne.

Merci pour la (sky-)kro(-per) ! :)

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