Lorsqu'on parcourt tel ou tel magazine metal mensuel, quasiment quelqu'en soit l'époque, difficile de ne pas tomber sur le nom de
Celtic Frost. Le groupe Suisse est à l'origine de la création ou du développement embryonnaire de plusieurs courants musicaux : le black bestial avec sa première incarnation
Hellhammer et
Morbid Tales (1984) puis le dark metal (quelle qu’en soit l'appellation) avec Into the
Pandemonium dès 1987. Un réel maître ès création musicale, à l'instar de
Bathory par exemple, cité par énormément d'artistes comme influence notable. Son sens du groove malsain, son avant-gardisme ou tout simplement la qualité de l'ensemble de son oeuvre, élitiste s'il en est, fait référence et se reconnaît dès les premiers accords de n'importe quel album. Dès lors, pas étonnant de voir fleurir ça et là un paquet de suiveurs, décidés à perpétuer l'univers de ce groupe aujourd'hui réincarné via le
Triptykon de Thomas
Fischer. Souvent, c'est la période la plus noire qui est reprise (citons
Warhammer ou Apocalyptic Raids), avec plus ou moins de talent et plus ou moins d'authenticité.
Pas ici, puisque le groupe Brésilien Tyranno, composé de trois membres (Michelle
Diabolic à la basse, Dyd
Bastard au micro et aux guitares, et
Bitch Hunter aux fûts) a choisi non pas la période la plus expérimentale du groupe Suisse, sans doute impossible à égaler, ni la période
Hellhammer, mais la période intermédiaire. En gros, entre
Morbid Tales et l'album To Mega
Therion. Les 10 titres, construits globalement de la même façon reprennent l'héritage de cette période avec un chant medium, comme le faisait parfois alors Tom G.
Warrior sans fard ni effet. Le groove est bien présent ("
Satan's
Domain", "I'm Obsessed", le doomy "Black Soul of Discord", l'accélération de "
King", le final "The Great Homage
Night"), avec les "huh" chers à
Warrior compris. La foultitude de breaks frostiens est à l'avenant, et l'auditeur trouvera une similitude frappante dans le riffing et les phrasés déclamés de Dyd
Bastard, courts et proprement identiques tant en grain qu'en placement à ce que délivrait le défunt groupe helvète sur une partie de sa carrière.
Les nostalgiques, pas regardants ainsi sur l'originalité (quel mot honteux !) de cette livraison retrouveront donc ce qui faisait alors le charme de
Celtic Frost. Sans génie, ni faute de goût. Sans haine palpable mais de façon appliquée. Sans trop de variations entre les différentes pièces, doté de mid tempi assez rarement variés,
Skulls, Horns & Lust possède quelques moments remarquables renvoyant à To Mega
Therion (l'orgue de "I'm Obsessed", les chœurs plaintifs de "
Burned Alive"). Au rang des irritants, notons une caisse claire un poil synthétique également et une foultitude de plans proprement piqués ça et là directement du patrimoine de son inspiration principale, ce qui pourra gêner à force l'habitué de
Morbid Tales ou celui qui connaît chaque réédition d'
Emperor's
Return par cœur. On a même droit à un interlude qui précède le rapide "
Burned Alive", sorte de respiration entre les deux parties de l'album, à l'instar de ce que pratiquait la paire magique Ain/
Warrior.
Récréation sans prétention ou pompage éhonté, ce qui est sûr, c'est que Tyranno, avec sa jolie pochette (renvoyant à Sarcofago et son
Rotting) a trouvé un distributeur complice de son méfait avec le label PRC pour un format physique. Chacun pourra donc juger de la pertinence du propos, et de l'intérêt d'un énième copieur.
Argile avait fait plus personnel avec son premier album, par exemple. L'appréciation sera donc forcément assez subjective en fonction de chacun, comme souvent dans ce genre d'exercice. Là, on a un vrai clone respectueux ("The Great Homage
Night", titre révélateur, aux paroles pouvant être prises à double sens : "We celebrate... with astral energy, the spell to the monarch of hell"). Difficile dès lors de considérer ce
Skulls, Horns & Lust comme autre chose qu'un album sympathique, ersatz assumé et retranscrit avec tout le respect dû à l'ex-empereur. Huh.
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