Liste des groupes Black Atmosphérique Sun Of The Blind Skullreader

Etant un sempiternel adorateur (le mot est faible) de Darkspace et Paysage d’Hiver, l’avènement de Skullreader ne manqua pas de nourrir mes plus grands espoirs. En effet, ce jeune one man band suisse (et plus précisément fribourgeois), est le fruit d’une échappée en solitaire du co-guitariste/chanteur de Darkspace, Zhaaral. Après quelques trois années de périple astral ce nouvel ovni helvétique vint percuter notre sphère tellurique.

Il suffit de détenir l’objet entre ses doigts pour comprendre que cet album, très clairement conceptuel, est l’objet d’un travail des plus méticuleux. En effet, il s’agit d’un digipack, original quant à sa conception et épuré dans son esthétique, les teintes y sont de couleur sable où s’y détache un fragment de crâne blanchi. Force est de constater l’absence de livret, seules quelques bribes de phrases complètent la tracklist, très certainement dans le but de ne pas retreindre toute possibilité d’interprétation, car il s’agit bel et bien d’une musique que l’on appréhende avant tout par le ressenti. Ces quelques phrases prendront l’allure de clef de compréhension de l’œuvre ; nous relevons ainsi par ces quelques mots l’image du voyage d’une âme torturée errant sur les sentiers ardents et éparses bordant les frontières de l’Elysée (dernier lieu de repos des âmes chez les Grecs antiques). Ainsi Zhaaral nous amène tout en finesse aux portes d’un voyage introspectif au travers des plaines désertiques de son âme.

Le pressentiment d’une œuvre très personnelle se confirmera dès l’écoute de « Cursed Universe », et se révèle être une piste très envoûtante, entraînant immédiatement l’auditeur dans un univers aux ambiances sombres et épurées. Zhaaral nous guide ensuite toujours plus profondément dans cette univers onirique et désertique dont il est le seul maître ; les titres toujours très ambiants s’enchaînent dans une grande fluidité sans même que l’auditeur ne prenne garde aux transitions des morceaux, jusqu’au moment où, soudainement, la dernière piste touchera à sa fin et vous laissera absolument confus comme au retour d’un de ces mystérieux rêves mêlant songe et réalité.

Dans une approche plus technique, nous constatons quelques éléments caractéristiques de Skullreader : Tout d’abord relevons le grand travail porté aux parties de guitares et synthétiseurs, véritables piliers de cette musique clairement ambiante, les riffs et lignes de guitares, somptueusement mélodiques et aériens, sont ni rapides, ni très techniques mais planants et accrocheurs au possible. Les plages de synthétiseurs aux allures très spatiales sont quant à elles les principales bases sur lesquelles se reposent les guitares, mais savent également émerger de la masse grésillante des cordes pour renforcer une fois de plus le côté ambiant de la musique. Cette déconcertante maîtrise instrumentale permet alors à Zhaaral de jongler subtilement avec divers genres musicaux ; que ce soit de l’Atmospheric Black Metal, du Shoegaze, en passant par le Dark Ambient, et le Doom (dans une moindre mesure), ceci toujours sur des bases psychédéliques.

Le second point marquant, réside dans les lignes de chant : très intelligemment mises en retrait, elles ont pour effet de transformer le chant Black Metal en une sorte de cri murmuré aux allures lointaines qui charrie l’esprit de l’auditeur toujours plus profondément dans cette odyssée musicale.

D’un point de vue plus global, saluons le travail minutieux conféré à chaque piste se reflétant à merveille au travers d’une excellente production. Aboutissement : Un enregistrement éblouissant de pureté.

Nous sommes agréablement amenés à conclure que cette œuvre n’a rien à voir avec un quelconque « Darkspace Bis ». Sun of the Blind n’est peut-être pas aussi magistral que son aîné, mais possède une âme bien personnelle, et n’a au final pas grand-chose à lui envier. Ce travail, intelligemment mené, innovant, et emprunt de cette si jouissive magie nous faisant voyager très loin au fil de la musique, malgré toute sa complicité, demeure facile d’accès.

Avantgarde Music est un label italien d'exception. Ne serait-ce que par les groupes qu'il protège, promouvoit et soutient : Darkspace, Nehëmah, Forgotten Tomb et Lifelover, jugez du peu. Darkspace en tête, bien entendu, dans la liste comme dans mon coeur, car selon moi le groupe le plus talentueux de toute la sphère Black Metal. Dans ce groupe, il y a trois membres : Tobias Möckl, qui officie dans le bien-connu Paysage d'Hiver, Zorg, qui n'a aucun projet parallèle (du moins, pas à ma connaissance), et Zhaaral, qui joue dans Sun of the Blind.

C'est le simple fait que le guitariste de Darkspace ait monté son groupe qui m'a fait acquérir cet album les yeux clos. Un homme aussi talentueux, au service du trio de blackeux cosmonautes ne pouvait pas, certainement pas, produire quelque chose de mauvais. Et bien entendu, ce "Skullreader" est un album excellent. Je suis d'ailleurs surpris que personne n'ait encore pris la peine de chroniquer, de raconter ce disque.

Remarquons d'abord l'artwork, abstrait à souhait, bien loin du minimalisme glacial de Darkspace. C'est d'ailleurs là la seule différence notable entre ces deux groupes. Au risque de me faire insulter, voire lapider pour avoir osé proférer une telle ineptie, Sun of the Blind n'est rien d'autre qu'un ersatz de Darkspace, en plus accessible cependant.

Laissez moi finir, jeunes fougueux, avant de démarrer les hostilités envers moi. certes, Sun of the Blind est un ersatz. Mais pas un ersatz sans talent. Bien au contraire, Zhaaral a su tirer parti de son expérience au sein de Darkspace pour tisser son projet personnel. Et puis, pour un premier album, "Skullreader" est foutrement bon. Beaucoup de jeunes groupes devraient en prendre de la graine.

Au niveau du son des guitares, ça sonne déjà beaucoup moins massif que Darkspace. La drumbox est, quant à elle, mise bien plus en avant que dans ce dernier. Pour ce qui est de l'ambiance générale des titres, on repassera question originalité, car les riffs, les lignes de guitares aigues et distordues, les claviers de choeurs sont du Darkspace pur et dur. Mais, comme je l'ai dit, accessible au plus grand nombre : la "faute" à une production bien plus soignée, sonnant bien moins dure et "raw" que dans le trio cosmique.

C'est moins glacial, moins énervé, moins talentueux, moins tout qu'un Darkspace. Mais sans pour autant sentir le réchauffé, le plagié, le copier/coller. Soyons clairs. "Skullreader" n'est pas un mauvais album. "Fire and Thirst" et "Ornaments" sont deux exemples qui montrent le potentiel incroyable de Zhaaral à la composition et aux arrangements, tantôt cryptiques, tantôt aériens, mais toujours percutants et tranchants comme des éclats d'os.

Cependant, SotB est encore bien trop proche de son aîné, la faute peut-être à son jeune âge ? Un disque cependant excellent dans le genre, qui renvoie jouer aux billes tout les pseudos groupes de Black Atmosphérique sans saveur qui pullulent sur la toile comme des mouches sur une charogne. Un disque que j'ai pris, personnellement, comme une manière agréable d'attendre ce monolithe que s'annonce être "Dark Space IV", et que j'attends avec fièvre depuis maintenant deux ans.