Jeune groupe de metal symphonique péruvien venu de Lima,
Crownless se pose en véritable outsider dans un registre metal déjà surinvesti et galvaudé. Mais, loin de se départir de cette volonté qu'il faut pour s'afficher au risque d'une inconvenante dénonciation d'une pâle caricature d'un modèle existant, le valeureux quartet entend s'imposer parmi les formations montantes d'Amérique du Sud. Tout comme
Abrasantia,
Tetriconia ou Elessär, et bien d'autres de ses compatriotes et homologues stylistiques, ce collectif a été inspiré par l'univers power symphonique mélodique de
Nightwish. Pour preuve, cet introductif et généreux EP auto-produit de six titres d'égale durée, se déversant sur une bande de près d'une demi-heure, inclut une reprise de leur source d'influence principale en outro.
Dans cette mouvance, le combo n'a manqué ni d'inspiration, ni de qualités techniques, ni de lumière mélodique pour nous octroyer de sculpturales et délicates compositions aux textes finement élaborés. En outre, le parcours auditif de l'opus ne souffre que de peu d'accrocs, si ce ne sont quelques finitions qui restent encore à éradiquer pour en faire une œuvre irréprochable. De plus, la qualité d'enregistrement tout comme celle du mixage n'ont pas à rougir face à une concurrence locale pourtant logistiquement plus affutée et de plus en plus prégnante. L'artwork épuré et figuratif de la pochette, à l'image d'un solide et circulaire bouclier sobrement représenté, renseigne déjà sur les intentions du groupe de ne pas rester bien longtemps en retrait de cette scène metal là.
Sur la majeure partie du propos, on reste rivé à une entraînante et magnétique onde vibratoire, aux nombreuses séries d'accords sécurisants, voire convenus. Une truculente orchestration et une charismatique onde vocale évoluent de concert et sur un schéma percussif à la frappe sèche et musclée, signé Fred Aching. Bref, on est bien dans l'esprit du modèle principal, sans réel détachement artistique, avec une once d'
Ancient Bards dans le riffing et les ponts. Fort de ce background musical, le combo péruvien n'a éprouvé, semble-t-il, aucun complexe à distiller ses portées. Et pour cause... Aussi, découvrons sans plus attendre le message musical contenu dans cette offrande.
On ressent l'empreinte du groupe finlandais, en filigrane, et ce, dès l'entame de la rondelle. Ainsi, «
Dead Poetry Oath » délivre une rythmique roborative, des riffs acérés ainsi qu'un tapping martelant, le long d'un invitant et inaltérable tracé synthétique. Tout comme leurs illustres maîtres inspirateurs, couplets et refrains s'enchaînent de façon cohérente et affichent une parfaite santé mélodique. Ce faisant, ils offrent un visage séduisant à une piste qui ne manque ni d'aplomb, ni d'effets de surprise, la sirène MariVE B Iglesias, dans le sillage d'une certaine
Tarja, contribuant à rendre le moment plus infiltrant encore. Rares sont les moments d'accalmie et ce n'est pas le voisin de piste qui fera démentir ce constat. En effet, une lead guitare en liesse, estampée Paul Ungaro, laisse les fûts se faire chahuter à l'entrée du puissant et mordant « Transmutation », véloce titre power symphonique au corpulent tapping et aux riffs corrosifs, non sans renvoyer à
Ancient Bards. Sans y perdre en luminescence harmonique, l'instant posé fait s'exprimer les organiques claviers et les cordes à leur guise pour se livrer à un corps à corps sans merci sur un petit mais sémillant pont. Suite à un break opportun, le corps percussif reprend du service et la déesse le flambeau pour faire glisser ses angéliques impulsions dans nos tympans alanguis. Le tout finit crescendo. Epoustouflant instant suspendu. Enfin, un serpent synthétique infiltre «
Corsair's
Threnody », entraînant titre power symphonique ne lâchant pas la bride d'un iota. Envoûtant par son atmosphère un poil éthérée sans pour autant céder du terrain sur son axe percussif, la montée d'adrénaline a bien lieu. Qui plus est, la ligne mélodique n'a nullement été sacrifiée au profit de joutes instrumentales proprement technicistes. Sans oublier la présence vocale de l'interprète qui ne saurait laisser de marbre, loin s'en faut...
D'autres moments à l'instrumentation tout aussi pléthorique ont joué sur les nuances atmosphériques pour nous rallier à leur cause. Ainsi, un flamboyant convoi orchestral s'anime sur « Sailing the
Dark », imposant titre power symphonique bien enlevé, offrant d'heureuses variations de tonalité. Non sans rappeler les premières heures de
Nightwish, la piste déploie des couplets bien ciselés, bénéficiant d'arrangements de bonne facture et d'une section rythmique indéfectible, assistée d'un inaltérable et enivrant riffing. On aborde alors un immersif refrain qu'on ne quitte qu'à regrets. Un corpulent pont technique insérant une dense et enjouée orchestration s'intercale avant que la déferlante n'arrive à l'instar d'une fouettante et enveloppante reprise sur le refrain précisément, la sirène se faisant alors escorter par une chorale inébranlable, pour finir, une fois de plus, crescendo.
Plus encore, résonnent les tambours et flamboient les frasques synthétiques sur le cinglant « Travelers of Time », où la maîtresse de cérémonie ne tarde pas à faire ouïr ses célestes inflexions. Difficile d'échapper à cette profusion d'effets et d'oscillations harmoniques quand un break vient rompre l'embardée. Et ce, pour mieux lâcher les chevaux sur la reprise, habilement mise en relief par les hypnotiques envolées lyriques de la princesse.
Pour signifier leur adhésion aux gammes et aux arpèges de leur illustre source d'influence, la troupe n'a pas tremblé pour se fondre dans le moule de l'une de leurs compositions. Ainsi, « Stargazers » est repris de main de maître par nos acolytes, avec une instrumentation fort efficace. De son côté, la belle se montre à son aise dans cet exercice pourtant ô combien périlleux, affichant sa personnalité avec de superbes montées et une remarquable tenue de note dans les plus haut perchées, et ce, sur un titre où l'ombre de
Tarja semble omniprésente. Qu'à cela ne tienne, le groupe s'est approprié une pièce maîtresse sans la dénaturer tout en y imprimant sa patte. Exercice rondement mené et artistiquement intéressant.
Au final, on passe une demi-heure de moments mélodiquement savoureux, ne manquant ni de caractère, ni de finesse dans les suites d'accords. Cependant, il faudra que le combo veille à diversifier son offre et qu'il s'affranchisse plus nettement de son modèle identificatoire pour nous montrer qui il est vraiment. Pour l'heure, il bénéficie du brio technique de ses membres et de ce jouissif élan d'inspiration qui nous ont poussés à l'adhésion à ses gammes et ses arpèges. Gageons qu'ils se posent déjà comme de sérieux concurrents pour leurs compatriotes de la même trempe. Aussi, nul doute que cet album pourra lui aussi rencontrer un public séduit par le metal symphonique à chant féminin dans la veine de ses illustres inspirateurs. Désormais, on attend la réalisation d'un album full length où nos acolytes pourront plus encore livrer leur personnalité artistique.
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