Encore un énième groupe de metal symphonique à chant féminin, sans doute voué comme tant de ses pairs à une disparition prématurée des tabloïds, me direz-vous, et vous auriez sans doute raison... à quelques nuances près toutefois ! Ce serait faire fi de la féroce détermination à en découdre, de l'indéfectible ténacité comme des talents savamment conjugués de ce quartet de metal symphonique, né en 2021 à Rouen, sous l'impulsion de Vicky, le batteur, et actuellement basé à
Paris. De sa première collaboration avec Med Amine Benabdelmoumen, le claviériste du groupe de power progressif marocain Kawn, émaneront deux des onze pistes du premier et présent album du groupe, «
Shondha », auto-production sortie quelque trois années suite à sa sortie de terre ; lui succédera Lionel Vercellone, l'actuel compositeur officiel du combo et orchestrateur de l'opus. Ce faisant, les 48 minutes de ce premier mouvement permettront-elles au collectif français de se hisser dès lors parmi les sérieux espoirs, et, par là même, de tenir la dragée haute aux jeunes loups aux dents longues, si nombreux à affluer dans cette foisonnante arène metal ?
L'idée première consistait à fusionner d'enveloppantes orchestrations symphoniques, l'élégance et le charisme du chant lyrique, la fougue des riffs metal et de puissants roulements de tambour. Dans ce dessein, le maître d'œuvre a intronisé la soprano Chloé Leruth, dite ''
Lady Nether'', Basile Brille, à la guitare, et Joseph Chauve (ex-Antarctican), à la basse. Avec la participation, pour l'occasion, de la violoniste Aline Deglos (Cattle Grid). De cette étroite collaboration émane un propos metal mélodico-symphonique aux relents progressif, opératique, power, heavy et folk, dont les sources d'influence seraient à chercher du côté de
Nightwish (première période),
Visions Of Atlantis,
Xandria,
Amberian Dawn (première mouture),
Diabulus In Musica,
Sirenia et consorts, la touche personnelle en prime.
Pour sa mise en musique, ce premier mouvement jouit d'une production d'ensemble de fort bonne facture : enregistré par Vicky, mixé et mastérisé tout comme pour
Sirenia,
Mercyless, Catalyst,
Dysylumn, entre autres, par le vocaliste et instrumentiste Niko ''HK'' Krauss (ex-
The Order Of Apollyon, feu-
Livarkahil), et ce, dans son propre studio, le Vamacara Studio, l'opus n'accuse pas l'ombre d'une sonorité résiduelle, équilibre lignes de chant et instrumentations à parités égales tout en offrant une belle profondeur de champ acoustique. Il semble donc que le temps ait joué en la faveur de nos inspirés créateurs, tous les voyants étant au vert pour nous promettre une croisière des plus sécurisantes. De quoi nous intimer d'aller explorer plus attentivement la cale du navire, avec le secret espoir d'y déceler quelques gemmes intimement enfouies...
A la lumière de ses pistes les plus éruptives, c'est d'un battement de cils que le combo trouve les clés pour nous retenir plus que de raison. A commencer par «
Queen of the Witches », solaire et ''nightwishien'' up tempo aux riffs acérés adossés à une frondeuse rythmique ; pourvu de couplets aussi finement ciselés qu'enivrants, relayés chacun d'un refrain immersif à souhait mis en habits de lumière par les pénétrantes ondulations d'une interprète bien habitée, et ne relâchant pas son étreinte d'un iota, le ''tubesque'' élan générera un headbang bien senti et quasi ininterrompu. Dans cette dynamique, au regard de ses féroces et inaltérables coups de boutoir, de séquences d'accords finement esquissées et des plus prégnantes, et de grisants changements de tonalité, l'opératique et impulsif « Last Three » générera une énergie aisément communicative. Enfin, au carrefour entre
Xandria et
Sirenia, le pulsionnel «
Shondha » ne saurait être omis au regard de son refrain catchy sur lequel semblent danser à l'envi les hypnotiques impulsions de la princesse. Autre hit en puissance à mettre à l'actif de nos compères, qui pourrait bien laisser quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le tympan !
Ayant, par ailleurs, et le plus souvent, varié ses phases rythmiques à l'envi, la troupe se jouera là encore des plus tenaces de nos tentatives de résistance à l'assimilation de leur propos, et ce, de trois manières différentes.
Ce faisant, c'est, tout d'abord, dans un registre heavy symphonique que l'on évolue. Ainsi, « Time » se pose tel un mid tempo progressif aux riffs épais, ''nightwishien'' en l'âme, recelant de sémillants harmoniques mis en exergue par les poignantes envolées lyriques de la sirène, de saisissantes montées en régime du corps orchestral ainsi qu'un bref mais vibrant solo de guitare à mi-morceau. Et la sauce prend, in fine. Dans cette mouvance, on ne saurait davantage esquiver le mid/up tempo « Yellowstone », eu égard à l'une des sentes mélodiques les plus enveloppantes, alors magnifiée par les ensorcelantes modulations de la diva, et au judicieux positionnement d'accélérations headbangantes à souhait.
Dans cette logique, une perspective power symphonique a également fait l'objet d'une incursion de la part de nos inspirés concepteurs. Ce qu'atteste, en premier lieu, « Socrates », rayonnant mid/up tempo opératique, dans la lignée d'
Amberian Dawn ; surmonté d'un léger et frissonnant tapping, et glissant le long d'une radieuse rivière mélodique qu'empruntent les fluides inflexions de la déesse, ce hit en puissance poussera assurément à y revenir sitôt l'ultime mesure envolée. Dans cette veine, on retiendra également l'altier « Pompeii », à la fois pour les opportunes incursions d'un violon libertaire et sensuel, la qualité de ses arrangements orchestraux et pour son soufflant final en crescendo.
Répondant à un souci de diversification atmosphérique, deux pistes de cet acabit nous immergent au cœur de terres folk ; deux espaces d'expression susceptibles d'aspirer le pavillon sans avoir à forcer le trait. Ainsi, «
Janus » s'offre tel un entraînant et orientalisant mid/up tempo aux riffs crochetés à mi-chemin entre
Xandria,
Nightwish et
Visions Of Atlantis, sous-tendu par un duo mixte en voix claire en parfaite osmose et des chœurs aux abois. Investi d'un coup d'archet d'une confondante délicatesse, variant ses phases rythmiques à l'envi et recelant un pont instrumental inscrivant deux poignants soli de guitare dans sa trame, le seyant méfait ne se quittera qu'à regret. Un petit frisson étreindra non moins le chaland à la lecture de «
Land of the
North » ; introduit par de pénétrantes percussions et vocalises tribales, et ponctué de magnétiques séries de notes émanant d'une cornemuse samplée, ce mid/up tempo folk symphonique à la fois jovial et intrigant ne saurait davantage être éludé.
Quand la cadence de leurs pas se fait un tantinet plus mesuré, nos acolytes parviennent là encore à nous assigner à résidence. Ce qu'illustre, d'une part, «
Excalibur », mid tempo à la confluence de
Nightwish,
Visions Of Atlantis et d'
Amberian Dawn, doté d'enchaînements intra piste ultra sécurisés ; un break bien amené sous-tendu par un fin legato à la lead guitare que suit un violon mélancolique se verra balayé par une bondissante reprise sur la crête d'un entêtant refrain. Et la magie opère, une fois encore. Dans cette énergie, c'est cheveux au vent que l'on parcourra « Lone
Dreamer », mid tempo aux riffs émoussés, dans le sillage de
Visions Of Atlantis. Ponctué par de fugaces montées en puissance du dispositif instrumental, sans y perdre ni de son invitant substrat mélodique ni de son caractère romanesque que renforcent de délicats arpèges pianistiques, le romanesque méfait ne se quittera que pour mieux y revenir, histoire de plonger à nouveau dans cet océan de félicité.
Au final, on effeuille une rondelle à la fois volontiers pulsionnelle, souvent rayonnante, fortement chargée en émotion, et ne concédant pas l'once d'un bémol susceptible d'affadir l'attention du chaland. Cela étant, le quartet français interpelle par cette rare faculté à accoucher de ces séries d'accords qui, peu ou prou, s'inscriront durablement dans les mémoires. Varié sur les plans atmosphérique et rythmique, cet initial opus se fait, en revanche, moins diversifié quant aux exercices de style investis, instrumentaux, ballades et autres fresques manquant à l'appel. Il conviendrait également de digérer plus encore les vibes des sources d'influence convoquées pour permettre au projet de gagner en épaisseur artistique. Jouissant néanmoins d'une ingénierie du son coulée dans le bronze, d'une technicité instrumentale éprouvée, d'une identité vocale déjà affirmée et de mélodies bien inspirées, ce premier effort constitue dores et déjà un arsenal défensif suffisamment efficace pour porter nos compères parmi les sérieux espoirs de cet espace metal. Bref, une œuvre forte et subtile en guise de message de bienvenue...
De nos jours, rares sont les groupes symphoniques qui utilisent encore une chanteuse de style opéra! Retrouver ce chant lyrique un peu oublié fait vraiment plaisir!
Il faut que je mette la main sur cet ouvrage! Une fois de plus, un grand merci pour cette découverte!
Plus je l'écoute, plus je l'apprécie, ce premier album d'un groupe au fort potentiel technique et auteur de mélodies finement ciselées et des plus immersives. Et comme tu le dis si justement, ce chant lyrique-là, typé Tarja et consorts, semble, hélas, un peu en retrait aujourd'hui. Et nos acolytes lui rendent justice d'une bien belle manière! Sans doute la première page d'une histoire au long cours écrite par la formation française...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire