Oh, ne vous y méprenez pas trop, en y repensant, il ne fait pas très bon d'être chanteur dans un groupe de grunge à l'approche de ces maudites 90's. Et lorsque ces formations de proto-grunge apparues au cours des eighties (
Soundgarden,
Green River, les Melvins etc...) tentent de s'abriter bien au chaud et de se construire un abri assez solide pour tenir le cap tant redouté de 1991, d'autres comme Sub Pop, fidèles à eux-mêmes, se sentant parfois invincible devant tant de gloire et de succès continuent invraisemblablement leur ruée vers l'or à la recherche de petits bijoux crasseux (ou au moins symboliques) qu'ils ne tarderont bientôt pas à dégoter à commencer par le son brute et typique qui plaisait tant sur le « Bleach » de
Nirvana. Maintenant, prenez donc un brin d'excentricité, pensez à y ajouter une bonne dose de mysticisme habillée d'un costume mi-glam/mi-hippie et d'une esthétique quasi-androgyne, vous obtiendrez le résultat d'un personnage haut en couleur, Andrew Wood, guide spirituel du grunge aux références vocales bien marquées, première idole charismatique du mouvement de Seattle à s'être fait remarquer avec
Malfunkshun (
1980-1988) et ses quelques compos passées sous l'ombre et le silence des 80's et finalement, le symbole d'une carrière-grunge type et d'une lutte poignante et douloureuse contre les drogues qu'endureront une poignée d'années plus tard,
Kurt Cobain ainsi que Layne Staley, entre autres... En somme, «
Shine » est la promesse d'une prodigieuse mais courte carrière pour
Mother Love Bone qui ne tardera pas à se stopper net avec un énième malheureux événement.
Historiquement parlant, cette sortie arrive à se faire une place, plutôt bien intercalée entre l'EP six titres « Superfuzz Bigmuff » soit le premier objet révolutionnaire de
Mudhoney et le second album essentiel de
Soundgarden qui répondra au nom de « Louder Than Love » ou bien « Bleach » de
Nirvana... ceci pour déjà vous faire une petite idée du cadre. Côté line-up : des membres, ex-membres plutôt très influents de
Green River,
Malfunkshun ou de
Skin Yard, ayant tous été présents (pour la majorité) sur la compilation « Deep
Six » délivrée en 1986, année même de la fondation du label Sub Pop et de la sortie symbolique du « Sub Pop 100 ». De ce fait, malgré son format EP réduit en l'espèce de quatre/cinq titres tout au plus, ce «
Shine » (tout de même signé chez Mercury Records) reste suffisamment important pour qu'on y perçoive d'ores et déjà la lueur de grandes formations grunge qui n'émergeront réellement que peu de temps après le début des 90's (
Nirvana,
Candlebox,
Alice In Chains...) et de sons ou d'influences plus anciennes telles que
Kiss (plutôt pour la face théâtrale) ou Led Zep.
Premièrement, mis à part « Thru Fade Away » qui ouvre le bal avec une basse bien lourde et qui sonne d'ailleurs un peu plus comme un cru de hard ou de heavy metal classique par rapport aux autres morceaux de cet EP, on ne peut, pour l'instant, pas vraiment comparer
Mother Love Bone à
Malfunkshun pour la simple et bonne raison que ce dernier possède un côté plus pervers, sale et sombre (la première partie de «
Capricorn Sister » tente parfois de s'en rapprocher, mais rien de bien évocateur de ce côté-là). Du moins, si l'on se réfère aux quatre seuls titres publiés durant l'activité du groupe avant leur split en 1988 pour laisser place à MLB (cf. « My Only Fan » ou « With Yo'
Heart (Not Yo'
Hands) » en guise d'exemple). Ce qui n'empêche pas d'y retrouver de légers phrasés, aux consonances assez dures, à la Layne Staley sur certains points ou passages très précis du titre introductif sus-cité.
Andrew Wood n'était pas un acteur, c'est certain, mais il aurait pu l'être, rien qu'en se remémorant les prestations scéniques imprévisibles de
Malfunkshun où il se métamorphosait en un personnage nommé "L'Andrew the Love Child" ou bien des maquillages et des costumes qu'il aimait tout particulièrement revêtir aux côtés de son frère, Kevin Wood, notamment. C'est sans doute pour cela que l'ouverture de « Mindshaker
Meltdown » est en somme plus théâtrale que le reste de cette production... soutenue par les petites frappes appuyées du batteur Greg Gilmore (un des seuls Français présents sur la scène grunge de Seattle). L'influence glam, au même titre que « Half
Ass Monkey Boy » est de toute façon très présente ici et nous est surtout offerte par des chœurs qui se chargent de maintenir le dynamisme d'une pièce quelconque & l'allure générale hard-rock/pop des deux morceaux, et évidemment, Wood n'aurait pas renié s'être laisser inspiré ou influencé par
Paul Stanley dans sa plus pure jeunesse. Fidèle à son style vocal toujours, sur le glam-punk « Mindshaker
Meltdown » - on retrouve les traces d'un futur
Candlebox bien groovy et le côté tranchant et éraillé d'un
Nirvana en pleine fougue. De plus, sur ce «
Shine » et plus précisément sur « Mindshaker
Meltdown » - notre vocaliste fait jouer ou associe la face un peu diabolique de son timbre avec le côté déjanté de sa personnalité, en témoigne une fois de plus aussi le « Half
Ass Monkey Boy » marchant sur les traces d'un hard-rock bluesy façon
Led Zeppelin ou avec la pièce cachée « Zanzibar » (qui est en fait la seconde partie de la piste bonus «
Capricorn Sister ») qui balance un punk-noisy plutôt très étrange.
Articulée autour d'une essence mystique, atmosphérique et planante, « Chloe
Dancer/
Crown of
Thorns » représente ce que sera en quelque sorte, la touche grunge, celle à ne louper sous aucun prétexte sur un full-length, un pouvoir émotionnel qui nous hôte presque les mots de la bouche... même type d'intensité qui sera par ailleurs relayée deux ans plus tard par la formation-hommage
Temple Of The Dog sur le classique « Hunger
Strike » (entre autres). Une pièce de génie, oui, contenant un piano étincelant et larmoyant propulsée par un Andrew Wood brillant de mille éclats sur les huit minutes spirituelles que compte l'oeuvre où se côtoie même une amorce de chant guttural. Un essentiel où Wood se révèle plus touchant que jamais.
En fait, «
Shine » constitue déjà une petite partie de la genèse du grunge, un peu loin d'être un classique certes, mais déjà très prometteur.
Plus que ça, cet EP est l'unique production vécue par Andrew Wood au cours de sa vie post-adolescence et c'est peut-être ce qui fait qu'au final, il est aussi important et précieux qu'un «
Apple » aux yeux des fans.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire