Si vous suivez un minimum ce qui se dit en ce moment au sein de la communauté metal, vous aurez peut-être remarqué à quel point certains fans ont l'air blasés de leur propre musique. Et je suis moi même passé par là, faisant un peu trop de vent sur certains forums par rapport à mon taux personnel de saturation. Donc, la réaction que j'ai développée suite à ça, comme beaucoup d'autres fans de black metal, fut de faire le tri. D'une certaine manière, j'évitais tous les nouveaux groupes de black metal formés dans les années 2010, lorsque Youtube démocratisait l'écoute à la chaîne d'albums, disponibles en entier sans payer le format physique ni même télécharger gratuitement. Pour moi, c'est une des causes de cette lassitude généralisée que j'ai évoquée plus haut. Et de base, MEPHORASH, un groupe de black metal occulte suédois comme il en existe des milliers d'autres partout dans le monde, faisait partie de ce genre de formations black metal fourmillant désormais sur Youtube, Bandcamp et tout ce que vous voulez.
MEPHORASH pourrait symboliser cette idée de quantité prenant le pas sur la qualité. Ils ont déjà sorti trois albums et l'album que je vais chroniquer,
Shem Ha Mephorash, est leur quatrième album en moins d'une décennie. D'un côté, ça fait beaucoup, et de l'autre, ils en veulent. En regardant leurs pochettes et en étant informés, on peut deviner que MEPHORASH évoque le thème de la Kabbale Traditionnelle, le mysticisme juif développé à partir de la fin du Moyen-Âge. Je parle de la fin du Moyen-Âge, mais certains mystiques de la kabbale la remontent au temps de Moïse, voir d'
Abraham, voir d'Adam. Et
Shem Ha Mephorash, dans cette tradition mystique, est le nom ineffable de Dieu. On s'attend donc à un black occulte bien sacralisé, voir intouchable. De base, je ne voulais même pas perdre mon temps à découvrir leur musique, mais je me suis tout de même lancé cet été, avant de les voir à Méan, une ou deux semaine après avoir découvert cet album.
Et ce que j'en pense ? Et bien, je pense que leur musique vaut le coup ! Malgré les idées préconçues que je m'étais faites sur les nouveaux groupes, il faut dire que ce
Shem Ha Mephorash est plaisant à écouter. C'est un bon album, mais jusqu'à un certain point seulement !
Leur black metal occulte, inspiré en partie par la scène polonaise, voyage et fait voyager.
Shem Ha Mephorash nous propose un voyage du côté d'une musique ritualiste analogue aux nouveaux albums de ROTTING CHRIST. Chaque titre de cet album est vraiment plaisant à écouter, à commencer par le premier, "
King of
Kings,
Lord of Lords", avec ses « alleluia » hurlés, vraiment poignants à écouter, et ses changements de hauteur qui passent vraiment bien pour ce style de black metal. "Sanguinem", le morceau clippé de l'album, est également poignant avec ses chants féminins qu'on retrouve à partir de "Chant of
Golgotha", et surtout présents sur le milieu de la tracklist. Un sentiment de drame et de tristesse très fort, voir éprouvant, se dégage de la musique de MEPHORASH. Et l'expérience en vaut la peine. Le dernier titre, long d'un quart d'heure, vaut aussi la peine d'être écouté, avec ses «
Shem Ha Mephorash » clôturant l'album, répétés en chœurs masculins graves, et ses « agnus dei » en chant féminin.
La théâtralité des vocaux, eux, renvoient à ceux de DODSENGEL, et un peu à ceux de HETROERTZEN, période
Ain Soph Aur. Les vocaux, tous plus divers les uns que les autres, sont certainement un des points forts de l'album, comme souvent dans le black occulte. Sur "
King of
Kings,
Lord of Lords", au milieu du morceau, lors de la montée, on a même droit à des passages non-identifiés où le chanteur semble s'étrangler, s'étouffer ou même se noyer dans l'eau. Cette théâtralité complète assez bien l'aspect rituel de la musique de MEPHORASH, et devient la deuxième carte la plus jouée par le groupe dans le jeu de tarot que représente cet album.
Mais alors, qu'est-ce que cet album est long ! Il fait 75 minutes, c'est la même tranche de durée que Si
Monumentum Requires, Circumspice. Sauf que Si
Monumentum est l'un des albums les plus fameux du black orthodoxe, sorti en 2004, et là, on est en 2019.... Et à part le côté ritualiste pas toujours représenté dans le black occulte malgré l'omniprésence de cette notion - comme celles de tristesse et de théâtralité - la musique de MEPHORASH ne réinvente pas non plus l'eau chaude. Néanmoins, malgré la durée et le manque d'innovation, chaque titre de cet album est très bon, voir excellent. Et au final, peut-être que j'exagère et que cet album possède une force cachée sur le long terme...
Shem Ha Mephorash est donc un album de black occulte comme il en existe des légions entières sur Youtube en ce moment, et si vous êtes férus de ce courant du black metal, vous pouvez toujours tester. Comme j'ai dit, les titres dans leur individualité sont très plaisants à écouter, ceci dit, si j'ai envie de m'enfiler un très long album de black occulte, je préfère Si
Monumentum de DEATHSPELL OMEGA pour son côté novateur et visionnaire. Un bon album malgré tout.
EXCELLENTE CHRONIQUE!! Merci!
Je trouve tes explications très intéressantes. Oui, l'album est long, mais on sent qu'ils essaient de poser une base, une structure qui permet de finir les chansons avec une puissance incroyable. Personnellement, je ne suis pas un grand fan de ce style de Black. J'aime quand ça pulse, ça envoie la sauce, ça démembre à tout va, mais là, je reste scotché par les ambiances. Certains passages me filent la chair de poule et comme tu dis, les chants féminins apportent un petit quelque chose en plus qui fait vibrer!! Franchement j'adore et ça mérite largement un 18/20. Quelle découverte! Ils sont forts ces suédois ;-) ...
Excellente chro et parcours inverse au mien concernant le groupe: je l'ai découvert à l'occasion de leur prestation au métal Méan et claque immédiate! Un des styles de black que j'adore car certes l'album est long, mais les ambiances développées, le contraste entre la musique/le chant et les choeurs éthérés c'est ... beau et envoutant... Achat de leurs cd's au stand dans la foulée et en attente de la suite. 18/20 pour ma part.
Merci Ghul !
Je l'avais à écouter (ce qui ne veut pas dire que je vais l'écouter un jour, il y en a tellement ;-))
Donc ta chronique a un peu "forcé" son destin et j'ai passé un bon moment. Je faisais autre chose en parallèle de l'écoute, ce qui n'a pas empêché ces Suédois de me sortir de mon autre occupation en attirant mon attention, notamment avec les titres "Epitome I" et "Sanguinem". Pas de souci pour la durée. Un jour j'écouterai sans doute leurs opus précédents.
Une bonne découverte en attendant.
Content de t'avoir poussé à t'intéresser à ce groupe, Jibe ! La chronique sert avant tout à ça
Fufupue : Je comprends ce que t'as ressenti à Méan devant Mephorash. Pour ma part, la découverte de ce groupe avec Shem Ha Mephorash, quelques semaines avant leur prestation, a été tout un événement. En plus d'un black occulte plus théâtral que la moyenne, ce groupe joue beaucoup sur l'imagerie.
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