Liste des groupes Metal Symphonique SheWolf SheWolf

Encore un énième groupe de metal symphonique à chant féminin, sans doute voué comme tant de ses pairs à une disparition prématurée des tabloïds, me direz-vous, et qui, en ces temps agités par une féroce concurrence dont ce registre fait l'objet, pourrait songer à vous donner tort ? Ce serait faire fi de l'indéfectible détermination à en découdre pour certaines formations, dont ce quartet britannique sorti de terre en 2021 à Southampton, lieu de résidence de sa tête pensante, la mezzo-soprano grecque aux chatoyantes inflexions Angel-Wolf Black (ex-Seduce The Heaven, ex-Bare Infinity, ex-Triaxis, guest chez AfterTime, Vivaldi Metal Project...). Boostés par un soudain élan d'inspiration, la belle et ses acolytes – le bassiste The Predator, le guitariste The Hunter et le batteur The Alpha –, nous livreront leur premier et présent album studio, « SheWolf », un an plus tard, à peine. En quoi les 11 pistes de cette galette signée chez le puissant label italien Frontiers Records pourront-elles nous rallier à la cause du combo d'outre-Manche ? Seraient-elles à même de le singulariser de ses si nombreux homologues, et faire de lui un sérieux espoir de cet espace metal ?

Ce faisant, nos quatre valeureux gladiateurs nous guerroient au cœur d'un environnement rock'n'metal mélodico-symphonique aux relents power/heavy et folk, dans la veine coalisée de Bare Infinity, Elysion, Lacuna Coil, Delain, Ancient Bards, Lyriel, Dark Princess, Eluveitie et Evanescence. Dans ce dessein, le combo a accordé une attention particulière à la qualité de sa production d'ensemble. Aussi, les 49 minutes du méfait ont-elles été coproduites par Marco Pastorino (vocaliste/guitariste et producteur de Temperance, Fallen Sanctuary et Light And Shade) et Michele Guaitoli (vocaliste de Temperance, Visions Of Atlantis, Kaledon et Overtures) ; tout comme pour Celtic Hills et Silent Opera, ce dernier a notamment enregistré, mixé et mastérisé ce premier opus. N'accusant pas l'ombre d'une sonorité résiduelle tout en bénéficiant d'une belle profondeur de champ acoustique, cette rayonnante et troublante offrande offre dès lors un confort auditif susceptible de nous mener à bon port. Mais montons sans plus attendre à bord du navire, en quête d'îlots de prospérité...


Le combo interpelle tout d'abord par sa faculté à accoucher moult séries d'accords finement sculptées, mais aussi et surtout d'une redoutable efficacité. A commencer par ses plages les plus abrasives, au sein desquelles, « The One You Feed », un vibrant up tempo heavy symphonique à l'enivrante touche folk, à mi-chemin entre Bare Infinity et Eluveitie, Disséminant un refrain immersif à souhait mis en exergue par les fluides inflexions de la sirène et de prégnantes stridulations échappées d'une flûte gracile, le tubesque effort ne se quittera qu'à regret. Dans cette dynamique, et non sans rappeler Elysion, le trépident et organique « Welcome to the Pack », pour sa part, essaime une énergie aisément communicative. Et ce ne sera pas l'éblouissant solo de guitare qu'il renferme qui empêchera ce hit en puissance de pousser le chaland à une remise en selle sitôt son ultime mesure envolée.

Dans une visée plus power que heavy, le collectif britannique ne nous rallie pas moins à sa cause. Ce qu'atteste, d'une part, « Lone Wolf », volcanique effort au martelant tapping, au carrefour entre Ancient Bards et Dark Princess. Nous livrant d'engageants couplets relayés chacun d'un refrain catchy, mis en habits de lumière par les poignantes impulsions de la déesse, ainsi qu'un fin legato dispensé par le lead guitariste, le fringant manifeste ne saurait être éludé sans éprouver de tenaces regrets. Difficile également d'esquiver l'impulsif « Moonbound » tant pour son infiltrant cheminement d'harmoniques et sa chatoyante touche orientale que pour la soudaineté de ses accélérations et son final en crescendo. Et comment ne pas se laisser porter par la mélodicité toute de fines nuances cousue de « The Thrill of the Chase », truculent up tempo dans la veine coalisée d' Ancient Bards et Bare Infinity ?

Quand elle flirte avec la fibre progressive, la troupe ne s'est guère avérée plus malhabile, loin s'en faut. Ainsi, c'est d'un battement d'ailes que le tympan se verra aspiré par les vibes enchanteresses essaimées par « Home » ; un ''lacunacoilesque'' mid/up tempo syncopé recelant d'aussi insoupçonnées que grisantes montées en régime du corps orchestral, et encensé, là encore, par les sensuelles modulations de la princesse. Un poil plus complexe, « Falling without You » se pose tel un mid tempo progressif aux riffs corrosifs que n'auraient renié ni Delain ni Elysion. Octroyant un refrain, certes, convenu mais des plus efficaces, le graduel et invitant mouvement ne ratera pas davantage son effet.

Plus volontiers rock mélodico-symphonique que proprement metal, d'autres pistes trouveront non moins matière à nous retenir plus que de raison. Aussi, c'est cheveux au vent que l'on parcourra « Safe in the Dark », up tempo dans la veine coalisée de Dark Princess et Delain ; aisément inscriptible dans les charts eu égard à un chapelet d'arpèges d'accords des plus enveloppants, et recelant deux brefs mais seyants soli de guitare, l'entraînant méfait ne relâchera pas sa proie d'un iota. Dans cette mouvance, on ne saurait davantage se soustraire ni au souriant paysage de notes esquissé ni à la puissante et inaltérable charge percussive délivrée par le pulsionnel « My Prayer ». Mais nos acolytes n'ont pas là décoché leur ultime argument...

Que l'aficionado de moments intimistes se rassure, nos compères ne l'auront nullement laissé pour compte. Ce qu'illustre, en premier lieu, l'''evanescente'' ballade progressive « Nothing Is Forever » ; instillée de gammes pianistique d'une confondante délicatesse et mise en habits de soie par les caressantes volutes de la maîtresse de cérémonie, la tendre aubade se charge en émotion au fil de sa progression, atteignant alors son point d'orgue dès la densification du convoi instrumental. Ce faisant, le délectable instant privilégié fera plier l'échine à plus d'une âme rétive au moment même où il ravira le pavillon du féru du genre. La version orchestrale de « Lone Wolf », quant à elle, transforme le mordant effort en une ballade a-rythmique pétrie d'élégance ; une violoneuse alternative où s'invite une flute libertaire, nous menant alors vers des rivages à la fois apaisants et souriants. Une manière habile de refermer le chapitre.


Résultat des courses : le quartet d'outre-Manche nous livre une œuvre aussi enjouée que solaire, un brin romantique, n'accusant pas l'once d'un bémol susceptible d'émailler la surface de la galette. Jouissant d'une ingénierie du son rutilante doublée d'arrangements instrumentaux de bonne facture, variant ses phases rythmiques et ses exercices de style à l'envi, le poignant opus l'est, en revanche, bien moins au regard de ses ambiances et de ses lignes de chant. D'aucuns auraient probablement espéré un zeste d'originalité supplémentaire pour se sustenter. Ayant toutefois savamment sculpté ses sentes mélodiques et déployé une technicité instrumentale parfaitement huilée sans pour autant se montrer ostentatoire, et pouvant compter sur les qualités d'interprétation de la diva, le collectif peut dès lors caresser l'espoir de se hisser parmi les sérieux espoirs de ce registre metal. Il en a l'étoffe. Bref, une entrée en matière sur des chapeaux de roue, laissant augurer une aventure au long cours pour le groupe britannique...