Il y aurait eu tant de choses à dire. Il y aurait eu tant de choses à faire. Tant de mélodies et de mots à écrire dans lesquels l'esprit de ce peuple amérindien, celui-là même au cœur de ce disque, aurait plané. Tant de fantômes, tant de larmes, tant de sang et tant de souffrances à évoquer de cette histoire resurgie du passé. Tant de maux...Tant de possibilités...Tant de légendes... Et
Shadow Train s'applique avec un acharnement admirable à ne rien exploiter de cette essence de laquelle, pourtant, il y avait tant à tirer.
Mais revenons donc à la genèse de ce projet. Revenons à ce documentaire,
Shadow Nation, œuvre de
George Lynch et de Mark McLaughlin. Durant un peu plus d'une heure, il nous narre l'histoire d'un groupe de musiciens renommés emmené par l'ancien guitariste de
Dokken qui, pendant une journée entière, va traverser certaines réserves indiennes du Sud-Ouest américain et des Grandes Plaines. Ce faisant ils vont découvrir les exactions et les injustices dont furent victimes les tribus de ces contrées. Une répression et des abus qui conduiront ces ethnies vers la pauvreté et l'alcoolisme. Une déchéance qui, aujourd'hui encore, perdure en ces lieux où survit une population indigène décimée. Le film s'attachera ensuite, au travers des interventions du philosophe Noam Chomsky, de musiciens militants tels que Tom Morello,
Serj Tankian ou Ted Nungent, à déplorer la disparition presque totale de cette culture et à démontrer l'absurdité d'un monde actuel à la vision matérialiste effrénée.
Au-delà du sujet abordé par ce film, dont il appartiendra à chacun de juger de l'intérêt, le traiter par l'angle de la musique et des musiciens peut sembler curieux. Mettre ici des hommes, fussent-ils chanteurs, bassistes, batteurs ou non, là où, plus simplement, l'essentiel était de parler de l'histoire tragique des Indiens d'Amérique peut, en effet, paraître étrange. Cela étant, soyons honnêtes, et ne faisons pas démesurément le procès d'un ouvrage sans l'avoir vu et surtout sur ce qui, peut-être, et sûrement d'ailleurs, n'est qu'un prétexte pour parler de cette tragédie.
Quoi qu'il en soit, afin d'accompagner au mieux ce plaidoyer cinématographique, le guitariste
George Lynch entouré du chanteur Gregg Analla (
Slavior, ex-Seventhsign, ex-Tribe of Gypsies...), du bassiste Gabe Rosales (Ex-
Lynch Mob, Vital Nonsense,
Prashant Aswani Trio...), du claviériste Donnie Dickman (
KXM,
Lynch Mob...) et du batteur Jimmy D'Anda (
Bullet Boys...) aura décidé de nous proposer un album,
Shadow Train, constitué de pas moins de 18 morceaux.
La décence voudrait qu'on n'insistât pas sur le manque cruel d'âme de cet album, déjà révélé au début de ce pamphlet, mais il est pourtant si incroyable et si incompréhensible qu'il nous faudra à nouveau l'aborder. Comment donc est-il possible de construire un manifeste entier sur les Indiens d'Amérique sans y intégrer aucun, ou quasiment aucun, élément propre à cette culture? Comment parler des Sioux, des Apaches, des Comanches et de la
Nation Indienne sans incorporer à son travail la moindre psalmodie chantée, le moindre instrument tribal, la moindre crécelle traditionnelle ou le moindre souffle de ces peuplades? C'est proprement hallucinant!!!!
Au-delà de cette déception déjà mordante, il y en aura, malheureusement, quelques autres toutes aussi cinglantes. Si certains titres seront plutôt plaisants, apparaissant, au mieux, comme du
Lynch Mob essoufflé (
Power and
Resistance,
Fight No More, Blinded, Glitter, World on
Fire...) d'autres seront, quant à eux, assez détestables. Lourds, maladroits et inutilement complexes, ils seront difficilement défendables (l'horrible
Ghost et ses couplets aux phrasés pénibles, l'atroce Prayer
Mechanism à l'air étouffant et aux ailes arrachées, le fatigant Sioux
Wake Up...).
Décidément, entre un
Shadow Train très moyen et un Rebel guère plus réjouissant, il semblerait que
George Lynch éprouve quelques difficultés à trouver l'inspiration ces derniers temps. Il serait peut-être judicieux qu'il s'abstienne d'en faire trop en multipliant les projets et en sortant trop vite un énième album de ce genre-là. La prochaine marche pourrait être la dernière avant la chute.
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