Dans l'actuel foisonnement des vertes formations metal symphonique à chant féminin, quel espoir un énième groupe aurait-il de se démarquer de ses pairs, ou même simplement d'émerger sans risquer d'essuyer une disparition prématurée ? Une question qui se pose d'autant plus que la concurrence reste féroce, les
Beyond The Black,
Walk In Darkness,
Sleeping Romance ou
Metalwings ne laissant qu'une infime marge de manœuvre à leurs cadets pour exister. C'est dire que l'accès au rang de valeur montante dans ce registre metal demeure un sérieux enjeu de luttes entre groupes. Conscient de cet état de fait, Midnight Sinfini a pourtant tenté de relever ce redoutable défi, et ce, non sans armes pour assurer sa défense...
Ainsi, la sensible frontwoman et violoniste Zara
Stone et ses acolytes -William Wade (batterie), Janne Tamminen (basse et claviers) et Ozzy Inatullaev (guitare et growls)- se sont lancés dans l'aventure avec détermination mais non sans faire preuve d'une certaine prudence. Aussi, en guise de message introductif, nous livrent-ils cet EP répondant au nom de «
Shadow Borne » ; auto-production de sept grisantes pistes s'égrainant sur un ruban auditif d'une demi-heure tout au plus. A l'aune de ce modeste mais seyant opus rock'n'metal mélodico-symphonique, aux accents électro, inspiré par
Delain,
Sirenia et
Amaranthe, le combo américain a soigné son ingénierie du son, à commencer par un mixage bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation, et ce, même si les finitions comme les enchaînements restent encore à parfaire.
C'est dans un tourbillon de saveurs exquises que nous mènent le plus souvent nos quatre gladiateurs, et cela, sur un mode enjoué et un tantinet acidulé. Ainsi, marchant dans les pas de
Delain, dont il emprunte quelques harmoniques pour habiller ses sulfureux refrains, le pimpant « Ravenqueen » accrochera sans l'ombre d'une difficulté le pavillon du chaland. Variant ses séquences rythmiques et atmosphériques à l'envi, voguant sur d'enveloppantes nappes synthétiques, le souriant effort se pare en prime d'une ligne mélodique poussant irrémédiablement à une remise du couvert. Et comment ne pas se laisser transporter par les vibes enchanteresses de « Sanctuary », aérien et rayonnant mid tempo pop metal symphonique enjolivé par les limpides et charismatiques volutes d'une princesse touchée par la grâce ?
Parfois, nos acolytes ont opté pour des espaces d'expression un poil plus offensifs, tout en s'étant montrés tout aussi impactants. Ce que révèle, d'une part, l'impulsif et ''sirénien'' « Drifting in a
Dream ». Recelant des couplets bien ciselés relayés par des refrains d'une efficacité redoutable, et un magnétique legato à la lead guitare couplé à une basse résolument vrombissante, l'offensive offrande ne laissera que peu de répit à nos cervicales. Non moins percutant et octroyant des riffs crochetés adossés à une rythmique frondeuse, le magmatique «
Wheel of Time » s'avère, lui aussi, propice à un headbang bien senti. Mais le spectacle est loin d'être terminé...
Dans une énergie électro symphonique, le collectif étasunien recèle également quelques pépites. Ainsi, à mi-chemin entre
Sirenia (troisième mouture) et
Amaranthe, le tempétueux « In the
Night I Come Alive » dissémine ses riffs corrosifs adossés à une rythmique saillante. Techniquement bien enlevé, ce mordant propos ne se révèle pas moins impactant eu égard à ses ragoûtantes séries d'accords. Afin de le rendre plus incisif encore et fort en contrastes, le méfait s'est calé sur le schéma de la Belle et la Bête, les claires et magnétiques inflexions de la sirène n'ayant de cesse de donner le change aux serpes oratoires de son acolyte de growler, pour un rendu des plus saisissants. Dans cette perspective, on ne pourra éluder l'enjoué «
Beast Within » à la fois pour ses truculentes rampes organiques, ses gimmicks guitaristiques, son tapping martelant et ses soudaines accélérations. Un cheminement mélodique éminemment catchy inondant le brûlot, on ne quittera l'incandescent manifeste qu'à regret.
A la lumière de ses moments tamisés, la valeureuse troupe serait dans son élément de prédilection. Aussi dévoile-t-elle une sensibilité à fleur de peau corrélativement à de délicats harmoniques sur «
Grey Returns », ''delainienne'' ballade aux fondants refrains et que n'aurait nullement reniée son modèle identificatoire lui-même. Rafraîchissant, convenu et un tantinet mielleux, cet instant privilégié demeure néanmoins fortement chargé en émotion. Du moins devrait-il laisser quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront goûté, et plus particulièrement les aficionados du genre.
A l'issue de notre parcours, un agréable sentiment de plénitude finit par nous gagner, le combo nord-américain ayant déjà trouvé les clés pour nous rallier à sa cause. Plutôt bien inspiré, accrocheur et cohérent, ce message musical aurait donc les qualités esthétiques et techniques requises pour espérer toucher l'amateur éclairé de rock'n'metal symphonique à chant féminin. Cependant, en dépit de son caractère enjoué et de son aura mélodique, quelques sonorités résiduelles, un manque de prise de risques et d'épaisseur artistique viennent parallèlement émailler la surface de la goûteuse galette. De plus, on aurait espéré davantage de diversité vocale, quelques harmoniques moins édulcorés, des exercices de style moins stéréotypés et surtout une mise à distance plus probante de leurs illustres maîtres inspirateurs. Néanmoins, pour un premier jet, et malgré ses irrégularités, nos quatre jeunes mousquetaires s'en sortent honorablement, laissant augurer une aventure au long cours les concernant. Du moins, on ne peut que le leur souhaiter...
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