Toute la difficulté est dans le premier album, il n'y a pas à tergiverser là-dessus. Quand on commence, tout est plus difficile ; et dans le monde de la musique, prendre un bon départ est plus que primordial. Tout d'abord, il faut réussir à se faire connaître sans même avoir produit quoi que ce soit, puis ensuite réussir à fabriquer une musique originale et qui plaira (tout cela n'est valable que dans la sphère du metal), tout en n'ayant la plupart du temps que peu de moyens et donc en s'occupant seul de tout. Il est enfin nécessaire d'avoir une bonne dose de chance, car sinon ce serait trop facile. Ceci est donc la liste non-exhaustive des difficultés que rencontrent ceux voulant laisser leur trace dans l'histoire du metal.
Et pourtant, il y en a qui s'en sortent ; il y en a qui s'en sortent, et même très bien. Je ne sais pas si ce sont les plus acharnés ni les plus chanceux, une chose est sure, il s'agit de ceux qui croient le plus en leur musique. Et je n'ai pas écris tout ce baratin pour dire que
Siren's Cry dont il est question aujourd'hui n'y croit pas. Car quand on sort un disque comme Scattered
Horizon, c'est que l'on croit très fort en sa musique. Quand on sort un premier album directement chez
Nightmare Records, c'est que d'autres personnes y croient aussi. Et quand l'album est composé de neuf titres dont une introduction et deux titres longs dits épiques (donc un pari risqué, vu le nombre de groupes s'étant cassé les dents sur cet exercice), c'est que la confiance en son travail est totale.
Et quand on y croie, évidemment, cela se voie à quelques détails. Prenons par exemple l'aspect visuel du produit : la pochette de
Scattered Horizons est une splendeur, une salle de spectacle à l'abandon, un piano bancale, le tout baignant dans une ambiance bleutée à la
Nightwish … Le piano est aussi représentée comme une porte ouverte vers l'espace avec la vue d'une galaxie. Cet argument est parfaitement subjectif, mais personnellement j'adore les artworks de ce genre.
À
Introitus est confiée la difficile tâche d'ouvrir l'opus, tâche dont il s'acquitte à merveille. L'auditeur est instantanément plongé dans un monde fantastique incroyable et fascinant, à grand renforts de clavier et d'orchestrations. L'auditeur est donc mis dans les meilleures conditions possibles pour apprécier ce
Scattered Horizons. La première chanson se nomme S3V3N, un titre très étrange et mystérieux, que je serais malheureusement bien incapable d'expliquer. Et c'est un riff magistral et formidable qui nous arrive en pleine figure. Mis en valeur par le son d'un étrange instrument à cordes (clavecin, harpe ?), ce riff est encore plus puissant et efficace.
Viens le tour du chant (féminin). Celui-ci est d'un haut niveau, et bien maîtrisé. J'aime beaucoup personnellement ce chant, mais je sais qu'il s'agit surtout d'une question de goût, certains n'appréciant pas du tout le chant féminin. Les lignes vocales sont toujours justes, ce qui peut sembler évident, mais c'est un défaut que l'on retrouve parfois chez les groupes vraiment débutants. Ceux qui ont écouté le premier album de Poetica cette année savent de quoi je parle. Le chant est donc très agréable, assez chaleureux, et comble du luxe, la chanteuse est même capable de petites incursions dans un registre lyrique très aiguë ; c'est le cas vers la fin de S3V3N.
Suivent ensuite cinq titres de durées conventionnelles, puis deux autres compositions dépassant les formats habituels. Parmi les cinq, tous sont d'excellente facture, et pas un seul n'est en-dessous des autres. La mention spéciale revient à l'imprononçable
Elegy of
R'lyeh, et à son magnifique refrain. Le début du morceau est aussi très appréciable, avec sa voix ténébreuse secondée en arrière-plan par un piano discret. Comme sur tous les titres de l'opus, le riff est catchy à souhait, et le refrain est calibré pour rester dans les esprits.
Serpents of
War est lui aussi pas mal dans son genre. Le riff est cette fois-ci hyper tranchant, dévastateur ; c'est le morceau le plus puissant de l'album entier. La guitare se fend ensuite d'un solo démentiel, parfaitement exécuté, s'approchant un brin de la démonstration technique, jusqu’à ce que le clavier prenne le relais. Surgit alors un magnifique passage (éclair), avec un duo chant-piano de toute beauté, d'une extrême délicatesse. Tout repart finalement vers un refrain grandiose soutenu par une guitare surpuissante. Si ce titre se trouve légèrement au-dessus question qualité, c'est surtout parce qu'il propose une alternative par rapport aux autres morceaux qui ont tendance à se répéter un tout petit peu au niveau des riffs et des parties de batterie. On arrive maintenant au deux pièces plus longues, Controversial Mind et
Sahara Sagas, qui est un très beau morceau aux sonorités orientales, divisé en plusieurs (cinq) parties.
Siren's Cry a beau être un groupe autrichien, ils réussissent néanmoins à nous transporter en un temps record vers des contrées plus chaudes. Une petite minute de musique orientale sympathique pour poser le décors, et ça démarre. Un riff assez basique se fait entendre, puis la voix, faisant l'effort de se rapprocher des sonorités orientales le temps des couplets, puis après lors d'un superbe passage calme. Tout repart de plus belle, d'autres instruments orientaux s'ajoutent à ceux déjà présents, et l'on s'approche ainsi du style de musique joué par les tunisiens de
Myrath. On retombe alors sur le (très bon) refrain des premières parties de la chanson, et c'est finit.
Sahara Sagas est le plus long titre de l'opus, mais paradoxalement c'est aussi celui qui paraît le plus court : il y a tellement d'idées dans ce morceau qu'en les développant toutes, on aurait pu tenir facilement cinq minutes de plus, avec la même qualité de composition.
Controversial Mind a l'immense honneur de faire office de titre final. Quelques accords à la guitare sèche, un peu de chant doux et langoureux, et c'est parti, on branche les guitares électriques.
Plus de musique orientale maintenant,
Siren's Cry semble officier cette fois dans le plus pur metal progressif. Les mélodies sont un peu plus froides, à l'image de ces parties parlées (criées) après le premier refrain. On a même le droit à quelques expérimentations métalliques suivant un petit solo de guitare. Quant au vrai grand solo, il se trouve peu de temps après, il faut simplement que la chanteuse donne l'autorisation … Go ! La guitare peut enfin se déchaîner, suivie de près par le clavier. Et les autrichiens continuent comme ça sur le même rythme jusqu'à la toute fin de l'opus.
Quel talent tout de même concentré en seul album, qui est en plus le premier du combo !
Siren's Cry est certainement un groupe avec un grand avenir devant lui, en espérant pour eux une percée vers un public plus large (dans le metal bien sûr), car
Scattered Horizons a vraiment tout pour plaire aux amateurs de toutes sortes de metal mélodique. Quant aux aficionados de power metal, de metal à chant féminin, et de metal progressif, ils ont aussi de grandes chances d'apprécier. Pour la suite on attend donc de la part des autrichiens une certaine continuité par rapport à cet album, en essayant bien évidemment de faire "plus". Alors plus de quoi ? La chanteuse a un excellent niveau, mais elle est jeune, ce qui veut dire qu'elle peut encore faire d'énorme progrès en chant lyrique.
Plus d'originalité au niveau des riffs, mêmes si ceux-ci sont pour l'instant convenables (et même très efficaces). Un premier album percutant, fourmillant de bonnes idées, et qui laisse juste une marge de progression suffisante pour la suite (bah oui, c'est pas rigolo si on est au top dès le début).
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