Bénéficiant d’une carrière musicale exemplaire en accumulant succès après succès, les quatre Américano-arméniens de
System Of A Down décident, après la grande tournée qui a suivi la sortie du désormais culte double album Mezmerize / Hypnotize, de faire une pause afin que chaque membre puisse s’adonner à d’autres projets musicaux. Ainsi,
Serj Tankian, le chanteur principal, a débuté une brillante carrière solo avec la sortie en 2007 d’Elect
The Dead, un excellent album que je recommande très fortement à tous ceux appréciant sa très belle voix. Shavo Odadjian, le bassiste, a lui préféré se concentrer sur la production, en produisant notamment certains artistes de hip-hop. Restent alors Daron Malakian et John Dolmayan, respectivement guitariste/chanteur et batteur. Les deux comparses ont choisi d’unir leurs forces pour sortir le premier album de leur groupe
Scars On Broadway, qui n’est pas totalement nouveau à proprement parler puisqu’il a été officiellement formé en 2003.
La mise en suspens des activités de SOAD s’est présentée comme une occasion en or pour enfin se concentrer pleinement sur le projet, dont le premier et seul album paru jusqu’à aujourd’hui est sorti en 2008. D’autres musiciens ont alors été recrutés pour Scars On Boradway, à savoir : Dominic Cifarelli à la basse, ex-guitariste de
Pulse Ultra (un groupe canadien de metal alternatif criminellement sous-estimé qui a fait quelques premières parties de SOAD à l'époque de Toxicity, malheureusement séparé en 2004) ; Franky Perez à la guitare rythmique, qui sera plus connu par la suite pour être le chanteur d’
Apocalyptica ; et Danny Shamoun aux claviers.
Les expérimentations farfelues et les structures tantôt progressives, tantôt alternatives des derniers SOAD, laissent place ici à des structures modern rock plus traditionnelles. Mais l’âme du groupe continue de planer dans les compositions et certaines chansons montrent clairement des influences directes. Aussi, on aurait juré avoir écouté sur « Whoring
Streets » la voix de
Serj Tankian en harmonie avec celle de Daron, comme ils avaient l’habitude de le faire sur les deux derniers opus ; il en est de même avec la musique, parfaitement dans le style ballad rock développé dans Mezmerize / Hypnotize (ressemblant pas mal à «
Soldier Side » et «
Lonely Day »). « Stoner
Hate » contient le grain de folie si caractéristique du groupe, en reprenant un rythme euphorique et rapide ainsi que le côté psychédélique dans les paroles et le chant. « Cute Machines », quant à lui, renoue avec des compositions totalement imprévisibles avec un passage accéléré en blast beats et une voix schizophrène passant du aérien au subitement hurlé.
Mais
Scars On Broadway est loin d’être une simple version revisitée de
System Of A Down par Daron. Il nous prouve, avec sa manière de chanter si personnelle et unique, qu’il peut être un très bon chanteur grâce à sa capacité à développer de belles et accrocheuses mélodies. «
Insane » en est la preuve : le refrain y est parfaitement chanté et parvient à transmettre des émotions avec ses paroles qui traitent d’un sujet sérieux sous un ton ironique, qui plus est, accompagné d’un très beau solo en plein milieu. On retrouve ce même chant dans «
Babylon » avec plus de vocalises, et l’on constate alors qu’une importante amélioration est à noter dans ses capacités vocales. Il avait certes déjà montré ce dont il était capable sur Mezmerize / Hypnotize en prenant plus souvent la place derrière le micro, mais c’est sur cet opus qu’il confirme le grand potentiel dont il avait déjà fait preuve. C’est là que l’on comprend alors que
Scars On Broadway répond à un besoin de Daron de sortir un nouveau disque où il laisse tout son talent artistique et vocal s’exprimer sans contrainte, mais surtout, comme il n’avait pas pu le faire avec SOAD. « Enemy » est, quant à lui, très accrocheur ; une envie irrésistible de chanter ou de hocher la tête en rythme nous vient dès l’écoute des premiers riffs et du chant bien en rythme, sans parler du pont mélodique au milieu de la chanson où il nous fait une belle performance de ses capacités vocales. Enfin, «Serious » témoigne de son aisance à passer d’un verset chanté rapidement et intensément à un refrain mélodique et posé, faisant d’elle une très bonne chanson pour débuter l’album.
S’il s’est montré convaincant eu égard à ses capacités vocales, il en a fait de même avec les compositions. Si certaines chansons suivent des structures rock modernes traditionnelles, souvent avec une grande efficacité («
Kill Each Other –
Live Forever », « Exploading / Reloading »), d’autres contiennent divers arrangements, les rendant plus intéressantes. En plus des déjà cités « Stoner
Hate » et « Cute Machines », c’est aussi le cas du très bon «
World Long Gone », qui, en plus de servir de bons gros riffs tout au long de la chanson, contient aussi des passages aux claviers hypnotiques pour un résultat fort intéressant. Des bons riffs, il y en a à la pelle, allant de ceux, puissants et dansants, du tube «
They Say » à ceux, plus nerveux et metal, de « Stoner
Hate ». On comprend que l’opus est une véritable ode à l’art du riff. Mais « 3005 » va plus loin en s’aventurant dans la rock ballad, avec ses synthés rétro et ses sonorités rock western, apportant un petit vent de fraîcheur à l’album.
N’oublions pas que John Dolmayan fait également partie du groupe. Son jeu de batterie se veut évidemment moins nerveux qu’avec SOAD, mais avec lui, l'opus se dote d’une variété inédite. On reconnait néanmoins quelques éléments qui lui sont propres, comme son vivifiant jeu de cymbales sur « Funny », son jeu mid tempo sur les ballades « Whoring
Streets » et « 3005 » ou encore sa puissance de frappe sur « Cutes Machines ». Quant aux autres musiciens, s'ils se montrent plus discrets, font néanmoins parfaitement bien leur boulot.
Pas besoin d’être déjà un fan de SOAD pour apprécier cet album :
Scars On Broadway est suffisamment solide et inspiré pour que n’importe quel amateur de bon gros rock y passe de bons moments. Les chansons sont construites avec passion et ne font preuve que d’une rare baisse de niveau («
Chemicals » qui en fait un peu trop avec ses sonorités électro et son côté déjanté plutôt dispensable ; «
Universe » qui, sans être mauvais, n’accroche pas plus que ça). Les plus critiques diront que l’ensemble est un peu trop monotone, tant pour les compositions, malgré l’effort de variété, que pour le chant (les passages hurlés, déjantés et expérimentaux restent minoritaires). Ce n’est peut-être pas complètement faux, mais je pense qu’en multipliant les écoutes, chaque chanson finit par dégager une petite intimité qui lui est propre. Ce petit défaut est aussi révélateur d’un potentiel, laissant augurer de futures compositions dans d’éventuels prochains albums plus variés et plus personnels.
Des futurs albums qui, malheureusement, ne vont probablement jamais arriver,
Scars On Broadway étant au point mort depuis bien des années. En effet, un second album a bel et bien été enregistré quelques années plus tard, et était censé sortir vers
2012. La page d’accueil du site web officiel du groupe à l’époque montrait un court extrait d’une nouvelle chanson de l’album, extrait qui m’avait fait littéralement saliver à l’époque. Depuis, plus rien, aucun signe, nada de nada. Pire encore, les membres ont, un à un, quitté le navire, excepté Daron Malakian qui reste encore à ce jour le seul membre présent dans la formation. John Dolmayan est le premier à l’avoir quitté en
2012, juste après l’enregistrement du mystérieux second album, pour se dédier à son projet de vente en ligne de comics et consacrer exclusivement sa vie musicale à
System Of A Down. Dominic Cifarelli, pour sa part, s’est concentré sur la composition de nouvelles musiques pour son groupe de metal progressif Chronicles Of Israfel, où il officie en tant que chanteur/guitariste. Franky Pérez, quant à lui, a collaboré avec plusieurs noms de prestige comme
Slash avant d’être recruté en tant que chanteur officiel d’
Apocalyptica. Tout cela semble indiquer qu’une reformation reste assez compliquée, et que le matériel inédit enregistré n’est pas vraiment prêt de sortir.
Qu’est-ce qui a poussé les membres à soudainement quitter le groupe ? Pourquoi le second album a-t-il été enregistré sans jamais sortir ? Y a-t-il un avenir pour
Scars On Broadway ? Tant de questions sans réponses. Quoiqu’il en soit, ce premier opus est un coffre qui renferme des chansons bien inspirées, destinées à être longuement savourées, et c’est déjà très bien comme ça.
Merci pour cette chronique. On a ici un bon album de '' Néo '', du System of a Down mais plus posé, avec un peu de pop et d'electro. La sublime voix de Malakian tient très bien la route seule.
Très bon pour ma part, dommage effectivement qu'il n'y est pas eu de second album...
Par contre j'adore '' Universe '' haha
De rien, merci à toi d'avoir lu la chronique !
Oui, la voix de Malakian est poussé à ses limites dans cet album, il s'est vraiment donner la peine de montrer tout ce dont il est capable, ce qui justifie amplement l'intérêt du disque.
Universe est tout sauf une mauvaise chanson. À vrai dire, moi aussi je l'aime bien. Le seul soucis c'est que devant la grande quantité de chansons que l'album a la générosité de nous offrir, il passe assez inaperçue et ne se démarque à mon goût que trop peu par rapport aux autres. La chanson en soi est intéressante (j'aime bien le travail de la basse), si tu l'écoutes à part s'en est une bonne, mais dans l'album c'est de ceux qui marquent le moins.
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