Les membres de
Napalm Death ont toujours su voler de leur propres ailes pour créer des projets intéressants. Justin Broderick avec
Godflesh, Lee Dorian avec
Cathedral, Mick Harris (pas Mitch !) avec
Scorn... Jusqu'à récemment lorsque le bassiste Shane Embury s'est essayé avec brio à l'ambient avec le superbe album de
Dark Sky Burial.
Mitch Harris, guitariste New Yorkais de
Napalm Death depuis 1990, a d'abord fait partie des très recommandables
Righteous Pigs, et régulièrement eu des activités extérieures : citons notamment
Defecation et
Meathook Seed, qui ont sorti des albums marquants à plus d'un titre.
Après vingt-cinq ans de bons et loyaux services, Mitch a quitté officiellement ses compères de
Napalm depuis 2014, ne pouvant plus tourner pour des raisons familiales, même s'il enregistre toujours les guitares sur leurs albums.
Depuis 2018, sa vie personnelle a pris un nouveau départ, et il a pu se pencher sur les chansons qu'il avait glanées de son coté (certaines ont plus de vingt ans), et composer du nouveau matériel en vue de monter un groupe. L'idée lui est naturellement venue de faire appel au batteur Dirk Verbeuren (
Megadeth,
Devin Townsend,...) qu'il connaissait de longue date. Les parties de batterie ont été enregistrées à
Los Angeles, et plus tard, alors qu'il mettait en boîte les vocaux, il a opportunément pensé à un autre de ses amis, un certain Logan Madder (
Machine Head), pour s'occuper du mixage. L'enregistrement a pris trois semaines, entre
Los Angeles, Las Vegas, et chez Mitch où quelques vocaux et la basse ont été captés.
Pas moins de seize chansons ont été enregistrées, dont onze ont été gardées pour l'album. Celui-ci, nommé "
Scarcity" sort le 2
Octobre 2020 chez Mission
Two Entertainment, hasard du calendrier dirons-nous, quelques semaines après le monumental dernier album de la bande à
Barney.
Contrairement à ce qu'on aurait pu penser,
Brave The
Cold ne fait que rarement penser à
Napalm. Ne plus avoir à composer pour eux lui a donné plus de liberté pour exprimer la musique qui lui tient le plus à cœur. On y retrouve une énergie très brute, avec l'urgence bouillonnante qui secouait la musique extrême de la fin des années 80.
Certes, il y a du grind, il y a du Death, mais la sécheresse du son, tassé dans les médiums, l'accordage standard en Mi, ainsi que la frugalité des compositions, renvoient plutôt à un
Extreme Noise Terror, ou à des groupes Thrash, crust et hardcore. L'objectif musical n'est clairement pas la rapidité à tout prix, mais de privilégier l'énergie.
Les riffs sont très simples et découpés à la hache ("Hallmark of
Tyranny","
Monotheist", le riff imparable de "
Upheaval"). Il y a peu de fanfreluches ou d'effets superflus. Le dénominateur commun de la musique de
Brave The
Cold serait un Thrash orthodoxe, inspiré des premiers
Slayer,
Overkill,
Kreator, Mitch Harris avouant aussi des influences telles que Crypic
Slaughter ou Voivod.
La batterie de Dirk Verbeuren fait dans le bétonnage efficace, carré et puissant. Si le rythme est souvent mid tempo, ça démarre souvent pied au plancher ( "Apparatus", "
Refuge","Shallow
Depth",...), avec des passages rapides et grind, avant de poser le jeu sur la fin des morceaux.
L'album est court -38 minutes, avec des titres oscillant entre deux et trois minutes en majorité.
On trouve aussi des passages plus intrigants, qui viennent donner un peu d'air et d'inattendu aux compositions. Des dissonances voivodiennes (le superbe "Retrograde" qui nous ramène aux belles heures de "
Dimension Hatröss"), ou des ambiances mystiques produisent des fractures mélodiques bienvenues, dans une succession de parpaings aux arêtes abruptes. Mitch change alors totalement de voix avec un chant clair aux multiples variations, entre les registres de Burton C Bell, Trent Reznor et Greg Puciato ("Hallmark of
Tyranny","Retrograde",...). S'il n'a pas encore l'assurance de ces derniers dans son placement vocal, cet aspect de son chant et de sa musique est intéressant, d'autant plus qu'il n'hésite pas à expérimenter et à surprendre.
Il n'en reste que la plupart du temps, les vocaux de Mitch Harris sont aussi abrasifs que du papier émeri grain de 60, à la manière d'un Mille Petrozza qui irait du hardcore au black metal, avec des relents de Bobby Blitz ( "
Dead Feed").
Tout cela rend ce "
Scarcity" très compact, presque éprouvant (j'ai pensé aux Italiens d'
Infection Code), mais il réjouira certainement les adeptes d'un métal qui décape en profondeur les conduits auditifs, à la sauce
Old School. Il y a fort à parier que ce ne sera pas un one shot, car on sent que le petit Mitch s'est bien fait plaisir, a encore plein d'idées, et qu'il a trouvé avec ce binôme la formule qui convient à son épanouissement musical.
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