Le légendaire combo de heavy metal américain
Manilla Road, les thrashers progressifs allemands de
Mekong Delta, les godfathers finlandais du sleaze
Hanoi Rocks, le coloré et émouvant
X Japan, les entités de hard rock FM
Bangalore Choir et
China Sky, les légendes oubliées de la NWOBHM
Tokyo Blade et Tokyo
Rose, l’éphémère quartette de power metal anglais
China Beach ainsi qu’un certain
Saigon Kick entre autres… Nombreuses sont effectivement les entités décibellisées à la gloire et à la reconnaissance historique plus ou moins proéminentes qui se sont inspirées de la géographie du continent asiatique le moment venu on ne peut plus crucial de choisir un nom de guerre alors empreint d’un certain exotisme sous lequel investir fièrement une scène ou sortir un support discographique fruit d’une motivation sans limites et d’un imaginaire fertile garant espérons-le d’une démarche créatrice originale.
Saigon Kick voit le jour en 1988 à Miami autour du vocaliste/poète Matt Kramer, du guitariste
Jason Bieler, du bassiste Tom Defile et du batteur Phil Varone (futur Prunella Scales,
Skid Row). A défaut de constituer un énième combo de sleaze rock/hair metal stéréotypé à l’instar de son excellent voisin
Roxx Gang,
Saigon Kick se veut être l’auteur d’une démarche plus originale et recherchée que celle émanant de ses nombreux confrères de l’époque plus enclins à un épicurisme rock n’ roll primaire et à l’immédiateté du succès qu’aux tergiversations philosophiques et existentielles propres au torturé Matt Kramer. Objet d’une réputation scénique locale devenue quasi infaillible et sortant particulièrement de l’ordinaire grâce à la singularité de sa personnalité et de son concept,
Saigon Kick signe son record deal tant espéré en 1990 avec le label Third
Stone Records ; propriété du géant
Atlantic Records. Enregistré en onze jours au
Scream Studios de Studio City en Californie et accessoirement produit par le mythique et référentiel Michael Wagener (
Dokken, Mötley Crüe,
Great White,
Keel,
Stryper,
White Lion,
Extreme,
Skid Row…), l’éponyme «
Saigon Kick » investit les bacs de tous les records stores dignes de cette appellation le 15 février de l’année 1991.
Un souffle glacial ponctué de crissements industriels, une introduction musicale d’obédience orientale suivie d’une rythmique tribale témoin d’un Matt Kramer possédé en pleine incantation mystique ; nul doute qu’au vu de ce décor auditif pour le moins solennel et conditionnant, «
Saigon Kick » ne s’avérera certainement pas être une expérience musicale quelconque mais constituera a contrario et à très juste titre un voyage irrationnel dans l’univers cérébral et inspiré d’un combo pour le moins unique et difficilement classable. Ainsi, la très bien nommée « New World » permet à l’auditeur d’entrevoir la personnalité relativement complexe et originale de
Saigon Kick se voulant être particulièrement représentative du début des années 90 alors coincées entre la flamboyance esthétique de la décennie précédente et la névrose à venir des années grunge. Du riffing lourd et puissant du guitariste
Jason Bieler qui physiquement ressemble étrangement au six-cordiste
Marty Friedman alors dans
Megadeth, à la rythmique lancinante et on ne peut plus hypnotisante de la paire Defile/Varone en passant bien entendu par les vocaux planants et mélancoliques de Kramer, le tout produit de façon optimale par l’inénarrable Michael Wagener ; il est dès lors tout à fait légitime de ressentir cette ambivalence de style ou plutôt de personnalité dans la musique du quartette de Miami tant l’exercice de rapprocher
Saigon Kick de
Ratt et assimilés ou d’
Alice In Chains s’avère être digne d’une véritable torture mentale. A défaut de souligner un manque d’identité suicidaire quant aux qualités musicales intrinsèques de ce premier effort éponyme marqué avouons-le d’une agréable singularité, cette dualité apparait plutôt comme un facteur de richesse et de variété conférant effectivement à «
Saigon Kick » une figure des plus intéressantes. Single du disque, le fédérateur et relativement énergique «
What You Say » semble représenter le côté hard rock/heavy metal classique du groupe au mêmes titres que les très bons et peut être formatés « Love of
God », « Month of Sundays », « Ugly » et autres « I.C.U. » ; titre-épilogue de l’opus par ailleurs.
Dans un registre plus atypique imprégnant indubitablement ce full length initiatique de son caractère unique et original, relevons la somptueuse « Colors », véritable et inestimable perle de nacre de l’album explicitant au travers d’une complainte belle et mélancolique le tourment des âmes fortes mais paradoxalement fragiles composant le combo floridien qui sera d’ailleurs objet dans le futur d’un split particulièrement abrupt et douloureux. Dans un esprit relativement proche, relevons la psychédélique « Coming
Home » qui planante à souhait justifierait sans doute chez certaines personnes dont nous occulterons volontairement l’identité la consommation d’un savoureux mélange de tabac et de résine de cannabis le temps de son écoute répétée. A mille lieux pourtant du délire « sex, drugs and rock n’roll » primaire et irréfléchi faisant en 1991 encore et toujours les choux gras de la presse et des émissions de télé spécialisées à l’instar de
Hard N’ Heavy Video Magazine, la dimension sexuelle de «
Saigon Kick » existe bel et bien quoiqu’on ne peut plus subtile, notamment au travers de l’énigmatique «
Down by the
Ocean » traitant de l’identité sexuelle ambiguë d’un certain Johnny ; thème également abordé dans les lignes de l’extravagante « What Do You Do ». Symbole ultime de l’originalité et plus largement de la Vision avec un V majuscule de cette entité extraordinaire au sens propre du terme que constitue
Saigon Kick, louons l’excellente et surprenante facture de « My
Life », titre relativement hors du temps, singulier et unique au possible n’étant pas sans rappeler les hymnes enjoués et intemporels des immuables Beatles notamment ; influence musicale et plus globalement conceptuelle majeure du quartette de Miami selon les propres dires de Matt Kramer et de
Jason Bieler qui ne se sont anecdotiquement d’ailleurs jamais reconnus dans le rock dur et le metal lourd des immuables années 80. Au Panthéon des inoubliables et sibyllines pièces musicales de cette première galette éponyme de grande classe, mention spéciale à la relativement neurasthénique «
Come Take Me Now » au sein de laquelle un Kramer bouleversant et gorgé d’émotion implore son Seigneur de l’ôter du monde des mortels dont il n’a, comme quelques autres, jamais fait vraiment partie.
Au-delà d’une personnalité générale on ne peut plus riche oscillant habilement et impénétrablement entre la flamboyance et l’innocence des années 80 et la névrose existentialiste propre à la décennie de la musique populaire dégénérée qu’il vient pourtant d’investir avec brio et insolence,
Saigon Kick signe avec son premier disque éponyme un effort sincère de grande qualité et des plus inspirés qui ravira sans doute les amateurs de démarches musicales racées et originales ; uniques en somme. Œuvre talentueuse relativement complexe et peut être assez difficile d’accès à la première écoute chez qui privilégie l’efficacité immédiate du rock n’ roll et dérivés, «
Saigon Kick » et ses quatorze pistes constitue un opus nécessitant et méritant peut être un certain effort avant de pouvoir révéler au grand jour l’intégralité de son opulence artistique intrinsèque. N’ayant malheureusement jamais vraiment obtenu le succès ni la gloire escomptés,
Saigon Kick et son délicieux premier album éponyme méritent cependant et incontestablement un intérêt post mortem de la part des fanatiques de perles oubliées de l’âge d’or et emperesque du rock n’ roll.
En relisant mon com précédent, je rajoute que j'ai également racheté "Psychoschizophrenia" de Lillian Axe qui me plaît déjà plus, mais ce n'est vraiment pas mon style, même avec quelques années de plus.
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