Explorer les terres méconnues du style musical qu'on connait que superficiellement apparaît bien moins dangereux que la quête qui a animé le colonel Fawcett. Car, même si parfois on perd un peu son chemin et son temps sur des groupes/albums moyens, le bénéfice des découvertes est somme toute très enrichissant.
Donc ici pas de recherches fatales d'une hypothétique
Eldorado ni de jungle peuplée de dangers, juste une bonne formation néerlandaise nommée
Komatsu. Née en 2010 à Eindhoven autour Mo Truijens (guitare, chant) et Martjin Mansvelders (basse), le groupe va connaître publier un EP et 3 albums tout en connaissant quelques changements de line-up (batterie surtout). Renforcé par l'arrivée de Mathijs Bodt (guitare) et du nouveau frappeur Jos Roosen, les voilà prêts à présenter leur nouvelle galette en ce début 2021, "
Rose of Jericho".
Tout comme la selaginella lepidophylla (nom scientifique de la "rose" de
Jericho), la musique de
Komatsu s'épanouit dans les déserts arides et connaît plusieurs incarnations différentes. On y trouve celle bien stoner/sludge sur les affriolantes "Solitary Cage"et "
Blood Moon", morceaux au riffing tranchant et où la voix juste de Truijens se montre agressive. Un côté bluesy pêchu vient enrober "Son of Sam", renvoyant aux déambulations meurtrières de David Berkowitz par une habile construction mélodique. Du blues encore la plus apaisée "
Blackbird", qui dispense un groove sexy qui réveille (essaye plutôt héhé) le Travolta qui sommeille en chacun de nous.
Contrebalançant cette débauche d'énergie tellurique, les Néerlandais se parent des oripeaux heavy psych en plaçant judicieusement quelques titres planants tels "The Suit" ou la magistrale "Call of the Wolves" aux belles lignes mélodiques de guitare. À noter aussi le travail de voix judicieux de Truijsens qui, malgré une tessiture limité, sait parfaitement poser ses lignes vocales avec efficacité.
Soulignons aussi le cachet progressif du titre instrumental éponyme, où la ligne de basse en boucle fait penser à la musique du générique de "
Stranger Things". Un morceau qui, comme la série, laisse peu à peu rentrer la terreur grâce à de grosses guitares saturées tout en passant par différents strates musicales (tout comme la plante citée plus haut et ornant l'artwork, capable de se régénérer après une longue déshydratation). La pièce finale "Om", provenant du même tonneau, joue plutôt sur l'alternance entre parties nerveuses où résonne un mantra chanté en boucle et parties aériennes propices à l'apaisement. Un beau résumé des qualités de cet album.
À l'image des engins de chantier japonais du même nom,
Komatsu s'offre un beau terrassement sonore dû aux travaux de Peter van Elderen (enregistrement, mixage) et Pieter Kloos (mastering). Le son est bien équilibré entre les instruments et la coloration métallique sonne naturelle.
Intégrant avec ce "
Rose of Jericho" une autre équipe italienne de poids, Heavy Psych Sounds,
Komatsu se fend ici d'un bien bon album en ce début 2021. Preuve concrète de la surprenante richesse de la scène stoner européenne dont je ne cesse de découvrir les ramifications. Reste à espérer que, telle cette plante du désert étonnante, des jours meilleurs attendent la scène musicale dans un avenir proche.
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