Formé la même année que les légendaires suisses
Samael,
Master’s
Hammer voit le jour en 1987. Les tchèques font ainsi figures de précurseurs dans leur pays, emboîtant le pas à
Bathory et
Celtic Frost. Après quelques démos enregistrées à la fin des eighties, le combo du fantasque Tomáš Kohout (plus connu sous le pseudo
Necrocock) décroche un contrat avec l’obscure maison de disques Monitor Records et y enregistre son premier full lenght intitulé
Ritual (1991, comme
Samael encore une fois).
Vu la notoriété quasiment nulle du label et la distribution inexistante qui va avec, tout était réuni pour que le quintet reste à jamais confiné dans l’underground de leur Tchécoslovaquie natale, d’autant qu’avec l’intégralité des titres et des paroles en Tchèques, le potentiel d’exportation était limité.
Mais le monde change, l’oppression touche à sa fin (meurt, pourriture communiste !
Hail Václav Havel !), le bloc de l’est vacille et commence à s’ouvrir. Quelques années plus tard la Tchécoslovaquie de
Master’s
Hammer devient la République Tchèque, et, hasard complet ou bienfait du libéralisme naissant : la musique de
Master’s
Hammer arrivent jusqu’aux oreilles de Hervé Herbaut le boss de
Osmose Productions, label phare de l’époque en matière de Black
Metal. Ce dernier décide alors de leur offrir la possibilité d’enregistrer un second full lenght (mais ce n’est pas le sujet ici) et dans la foulée lance une réédition de leur méconnu premier disque en
1994.
A plus d’un titre,
Ritual est donc en balance entre deux époques, au moment de sa conception la première vague Black
Metal est agonisante, et la seconde pas encore en place malgré quelques soubresauts en Norvège et en Grèce. Fort logiquement, le Black
Metal de
Master’s
Hammer est encore très imprégné de compositions Heavy / Thrash, le tout baigné dans des atmosphères occultes mises en exergue par le clavier étrange de Vlasta et le chant torturé de Franta Štorm.
Bien sûr et malgré un nouveau mastering de
Osmose, le son manque quelque peu de puissance, mais c’est bien connu : on ne fait pas d’un âne un cheval de course, l’enregistrement de base n’étant sans doute pas idéal pour proposer un son de guitare écrasant et crasseux comme ce fut le cas pour
Samael (décidément…). Mais l’important est ailleurs : les guitares et le clavier épiques de Pád modly, dans le chant halluciné de Štorm sur Každý z nás...! , dans les parties de clavier envoûtantes de Geniove, dans la furie de Jáma pekel dont la violence primaire rappel
Impaled Nazarene, etc…
Difficile d’affirmer avec certitude que
Master’s
Hammer était en avance sur son temps, mais géographiquement ils avaient compris avant tout le monde (en compagnie de
Tormentor) comment jouer du vrai Black
Metal à l’est, et ce avant même que leurs surestimés compatriotes
Maniac Butcher n’existent. D’aucun regretteront l’absence de ce côté poignant que proposera bientôt la trémolo team norvégienne, j’y vois de mon côté un signe de singularité. D’autant que niveau occultisme le compte y est, notamment grâce à la prestation remarquable du chanteur, délivrant des parties criardes infernales (pendant que
Darkthrone se contentent pour le moment du growl Death
Metal).
Bien sûr
Ritual est loin d’être parfait, (il ne manquerait plus que ça pour un vieux album de Black digne de ce nom), on note parfois quelques longueurs (V??ný návrat), mais il est de bon aloi de pardonner les petites erreurs de ceux qui déboisent le terrain. Le côté fun et théâtral est également omniprésent sur cet opus, surtout dans le livret où nos lascars posent avec bières et cannes devant un
Pentagram sur un backdrop à moitié tendu par 4 épingles, je vous recommande la grimace de
Necrocock… Là encore, ne cherchez pas où
Maniac Butcher a déniché son amour du second degré.
Ritual n’est donc pas un monstre d’occultisme comme A
Blaze in the Northern Sky, ce n’est pas non plus un condensé de brutalité inédite comme Under the
Sign of the Black Mark, et encore moins un monument de haine comme
Pentagram, mais c’est simplement un témoignage d’une authenticité rare, de la part de musiciens prenant du plaisir.
Ils ne cherchent pas à se la jouer pseudo misanthropes à deux balles, invocateurs de démons en noir et blanc, ni mongoles néo-nazis prétentieux qui pensent que leur musique est suprême parce qu’ils ont réussi à aligner deux riffs (presque) sans faire de pain et qu’ils ont cité Nietzsche (sans savoir comment ça s’écrit) dans une interview. C’est peut-être ça la vrai démarche anti commerciale.
BG
La claque ! Enfin, en recommençant par le début et en donnant à ce Ritual toutes ses chances le déclic s'est fait et je trouve cet album terrible (dans le bon sens du terme héhé).
"D’aucun regretteront l’absence de ce côté poignant que proposera bientôt la trémolo team norvégienne"
Ce n'est pas mon cas ! Tu prends un titre comme Pad Modly qui fait monter la sauce avec un début jouissif avant de lacher la variation qui tue (vers 1:20) avec ces claviers aériens et ce riff mélodique qui apparaît, ça me prend bien plus aux tripes que n'importe quoi d'autre ce genre d'arrangements. D'ailleurs pour moi c'est clairement ce qui fait la force de ce genre d'album ce type de compositions qui s'enchaînent sans coup férir durant 50 minutes et qui arrivent toujours à te lâcher le petit détail qui tue(d'ailleurs même les morceaux que tu citent comme rajoutant de la longueur me comblent, comme quoi ! ). Même le chant de Storm qui faisait parti des éléments qui me rebutaient est désormais à mes yeux une particularité de qualité.
Bref, un excellent album et j'espère que les autres me combleront autant. Bonne chronique d'ailleurs BG, c'est toujours agréable de lire des écrits tels que celui-ci sur de vieilles oeuvres aussi bonnes.
Et désolé si ça fait un pavé au final...
Val'
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