L'underground a ses raisons que la raison ignore. Et par delà le simple fait de s'en revendiquer ou non, ou de pratiquer une musique qui n'a qu’extrêmement peu de chances de s'imposer comme référence, ni de pouvoir plaire au delà de l'amateur éclairé dont les pérégrinations impulsives viendraient au hasard des chemins l'amener à rencontrer et apprécier tel ou tel groupuscule inconnu dont les démos vendus à 66 (
Satan oblige!) exemplaires en
1994 dans la banlieue de Lima ou le bootleg live enregistré lors d'un concert-événement à la MJC de Saint-Chély d'Apcher en plein cœur de la Lozère, se pose la question du but et du jusqu'au-boutisme de la démarche... On a ainsi vu maintes fois des groupes supposés underground changer totalement d'attitude ou d'objectif, avec l'arrivée d'un degré même extrêmement minime parfois de reconnaissance. A l'inverse, il est des groupes dont la popularité et l'ancienneté les font citer régulièrement et même parfois jouer dans des événements tout à fait majeurs, sans que leur statut d'underground ne puisse être remis en question au vu de leur attitude, Swans,
Earth ou
Rome, par exemple...
Pour ce qui est de
Dead Procession, au nom on ne peut plus cliché dans la scène metal extrême, on est obligé d'y plonger tout droit...
Déjà, le fait qu'on soit face à du drone portugais est assez évocateur, puisque que ce soit le style ou le pays (si on excepte
Moonspell et à la limite
Ava Inferi), il nous évoque assez peu les hautes sphères de la culture pop... Mais si on ajoute que le combo, dont l'identité des membres est inconnue, sort son premier véritable « album », si je puis dire, après trois démos sorties à 33 exemplaires en 2009 et en split, en format cassette... Étonnamment par contre, la bête bénéficie d'un label, en l'occurrence
Labyrinth, la sous-branche doom du label local Altare Productions.
Il y aurait donc peu de choses à dire sur ce groupe, si ce n'est qu'à l'écoute, on sent que les gaziers (ou le ?) ont éprouvé leur recette et que, du coup, leur musique en a sous la pédale. En effet, ces « Rituels et Mantras de Peur » comme signifie, de manière éloquente le titre de cet album dans la langue de José Saramago, Linda de Suza, et Joao Pinto, arrivent dans un registre où il est peu évident de se démarquer, à ressortir.
Il faut dire que pratiquer une musique atmosphérique et noire, avec une production amateur et des touches de clavier ambiant, peut très vite nous faire virer dans le ridicule et les tréfonds des sous-projets des légions noires. D'ailleurs, sur le court morceau qui sert d'introduction, «
Mantra de Sombras », il y avait de quoi avoir peur...
Mais par la suite, ce qu'on nous délivre, c'est une musique qui a ce côté « languissant », lent (très!!!) et atypique, qui fait que la scène dont on peut le plus rapprocher le combo, c'est probablement le drone, un drone nourri à
Burzum,
Hypothermia et Deep-Pression, mais qui, au-delà de son esprit qui se rapproche naturellement du black metal, est sensiblement plus varié dans les modes d'expression que la norme du genre, au moins dans les trois morceaux centraux qui sont les plus longs et constituent le cœur de l'oeuvre...
Déjà, on a cette batterie minimaliste qui peut presque être vue comme un unique son de tambour tribal sur lequel un musicien aborigène frapperait le tempo. Et cette batterie marque à elle seule les montées d'intensité, la basse/guitare n'étant qu'un long grincement où la notion de riff est complètement étrangère, pas forcément si loin d'un
Sunn O)))... La voix est claire et mixée de manière à ce qu'elle ne semble qu'une prière psalmodiée au loin, ce qui, combinée avec le fait qu'elle soit dans une langue inhabituelle, peut faire penser à un Solstafir dans une version underground et dépressive. L'aspect psalmodique de cette voix, combiné aux sonorités d'orgue du clavier, lui confère une solennité quasi religieuse, ce qui est probablement l'effet recherché. Le titre le plus abouti et personnel est probablement « No Labirinto », dont l'aspect rythmique sur le clavier final, qui sonne année 70, a quelque chose d'un Pink Floyd période Ummagumma...
Dead Procession ne sera, au final, jamais un groupe-phare, ni une référence, tant il s'adresse à un public de niche. L'aspect très dark et la production tout comme le mode de sortie (petit label, format tape) leur vaudront sûrement la majorité de leur public chez les amateurs de true black undergound, notamment de black atmosphérique. Pour autant, leur musique personnelle, sorte de résidu d'un doom crasseux aux aspects doom qui croise sur sa route du black metal et de l'horror rock (on pourrait penser à Goblin parfois) a plus à offrir que ce que faisait escompter le coffret qui le contient, et un certain nombre d'amateurs de raretés bizarroïdes et de sonorités « a-populaires » pourront y dégoter une musique d'une certaine valeur. Bref, s'il n'y a pas de raison pour que la carrière des Portugais perce à un moment ou à un autre, il n'y a aucune raison de cracher sur cet objet. On a vu des plats bien plus insipides servis sur des présentoirs bien mieux sertis.
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