Il est certes difficile d’être irréprochablement objectif sur son travail. Cependant, il y a des musiciens qui brillent par le manque de conscience de leur propre œuvre, se gargarisant parfois de multiplier les projets sans pour autant multiplier radicalement les exercices de style.
Oh, il ne s’agit certainement pas de prétention, ou même de pédanterie ; simplement d’un manque cruel de recul et de discernement.
Alex Beyrodt, puisque c’est de lui qu’il est question ici, à l’heure de remonter
Silent Force (splitté depuis 2007) dévoile donc que
Primal Fear,
Silent Force et
Voodoo Circle, ses trois groupes, sont si différents les uns des autres qu’il est très facile de composer pour les uns ou les autres. Si l’on admettra pour le dernier des trois cités, les deux autres brillent actuellement pour leur vision on ne peut plus académique et traditionnelle du power metal allemand, sans créer forcément de vagues.
Certes, il est évident que
Silent Force possède une atmosphère sensiblement plus progressive mais le fait d’avoir rempilé avec Matt
Sinner à la basse (
Primal fear), André Hilgers à la batterie (
Rage) et
Michael Bormann (carrière solo, ex
Bloodbound) laisse tout de même entrevoir une nouvelle orientation 100% teutonne. "
Rising from Ashes" (tiens donc) sera-t-il aussi évident qu’il n’y parait ?
"Caught in Their Wicked Game" lance la machine très rapidement et le son est d’entrée de jeu énorme. Peu de surprises à ce sujet, mais cela fait toujours un grand plaisir à entendre. Et surtout, pour ceux qui avait pris l’habitude d’entendre D.C Cooper au chant, il faut avouer que le spectre vocal de Bormann risque d’en surprendre plus d’un, tant il se veut plus varié, riche et surtout puissant. Fini le côté rugueux et légèrement âpre de son prédécesseur, place à un power mélodique puissant et ultra racé, aux claviers moins envahissants et surtout aux lignes vocales ahurissantes de puissance et de mélodie. La patte technique d’Alex se reconnait assez aisément (les petites descentes de gammes placées de ci de là), très fluide, et colle à merveille avec le timbre chaud et naturel de Michael. On n’aurait pu rêver meilleure entrée en matière, qui, si elle n’est pas légendaire, a le mérite de dépoussiérer les cages à miel de fort belle manière.
Le clavier se fait déjà plus présent sur "There Ain’t no
Justice", plus mid tempo et retrouvant la verve plus progressive des anciens albums, utilisant même une talkbox pour enrichir quelque peu le spectre sonore du morceau. Un air parfois hard rock mélodique pointe le bout de son nez grâce au timbre de Michael qui, tout en étant réellement beau, apporte une accessibilité supplémentaire, un côté presque américain parfois (on sent également qu’il aime doubler ses lignes de chant, afin de créer une densité supplémentaire).
On retrouve cependant du matériel tout droit sortie des fonderies allemandes, comme "Before you Run" qui débute sur un énorme riff rouleau-compresseur pour finalement continuer sur des couplets très mélodiques, plaçant le chant au centre du titre, jusqu’à un refrain plus intense et taillé pour le live où seul le synthé sera cette fois de trop. La technique du combo fait mouche sur chaque partie soliste où Alex et le jeune Alessandro del Vecchio se donne à cœur joie de démontrer leur virtuosité.
Bien qu’il ne surprenne pas toujours, "
Rising from Ashes" tire sa force d’une plume expérimentée, maitrisant autant la rapidité métallique des 80e que les mid tempo plus prog et modernes, tel que l’entêtant "
Circle of
Trust", qui ferait presque penser (Bormann toujours…) au dernier opus de Mr.Big. Ce genre de refrain simple qui vous colle à la tête dès la première écoute et qu’on se prend à chantonner dès le second passage de refrain. On regrettera peut-être que les claviers mélodiques soient si souvent pauvres (parfois même énervants) alors qu’ils brillent sur les phases solistes. C’est un peu le cas sur l’intro de "
Born to Be a Fighter" par exemple, symptomatique d’une seconde partie d’album en roue libre qui ne parvient pas à retrouver l’énergie et la fougue des cinq/six premiers morceaux.
"Turn me Loose" sort du lot grâce à son côté beaucoup plus vintage mais il est également cruellement seul au milieu du reste de l’album. L’orgue Hammond surprend et si l’interprétation est toujours aussi impeccable, on peut douter de l’utilité d’une telle composition, un peu perdue au milieu des autres. Là aussi, le côté hard ressort avec force mais la production power metal très propre et lisse fait difficilement passer le bon feeling.
Silent Force, que l’on croyait donc définitivement arrêter (d’autant plus que
Primal Fear ne prend que peu de vacances) revient donc avec un cinquième album probant mais qui ne bousculera que peu les habitudes ou la hiérarchie établie. On a plus l’impression d’un album entre potes, Alex Beyrodt ayant ramené ses vieilles connaissances autour de lui pour faire renaitre son propre projet qui avait coulé suites aux exigences salariales de ses anciens compares (c’est moche quand on en arrive là…). Bref, "
Rising from Ashes" fait son job mais ne cherche pas réellement à faire des heures sup’. Il y a peu de chances qu’on en parle encore réellement dans plusieurs mois…
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