Rien Ne Suffit

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18/20
Nom du groupe Plebeian Grandstand
Nom de l'album Rien Ne Suffit
Type Album
Date de parution 19 Novembre 2021
Style MusicalBlack Avantgardiste
Membres possèdant cet album4

Tracklist

1.
 Masse Critique
 03:28
2.
 A Droite du Démiurge, à Gauche du Néant
 07:21
3.
 Tropisme
 02:51
4.
 Part Maudite
 04:19
5.
 Angle Mort
 04:23
6.
 Espoir Nuit Naufrage
 07:51
7.
 Nous En Sommes Là
 03:45
8.
 Rien N'Y Fait
 04:22
9.
 Jouis, Camarade
 05:13
10.
 Aube
 06:53

Durée totale : 50:26

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Plebeian Grandstand


Chronique @ Scoss

29 Novembre 2021

Un album qui semble repousser les barrières à l'instar de 'Fas, Ite, Maledicti, In Ignem Aeternum'

Plus grand, plus haut, plus fort, plus rapide, plus souvent, plus spectaculaire, plus amusant, plus rentable, plus productif, plus puissant, plus, toujours plus et encore plus... L'histoire du progrès humain est également celle de notre avidité, de notre insatisfaction constante, de nos désirs matérialistes, de nos conquêtes et de notre aveuglement devant ces vices qui semblent nous conduire à pas galopants vers notre perte, tant et si bien que l'épitaphe de notre espèce pourrait se résumer à ces trois mots : « Rien Ne Suffit ».

« Rien Ne Suffit », c'est également le titre simple et sarcastique, accusateur et résigné, du quatrième album des Toulousains de Plebeian Grandstand. Bien que relativement discret, le quatuor formé en 2005 s'est frayé un chemin sur la scène extrême et dissonante, d'abord avec le hardcore chaotique de leur premier album, mais grâce à la mue entamée en 2014 sur le second album, "Lowgazers", et achevée en 2016 avec leur troisième album, l'acclamé "False Highs True Lows", il est devenu une référence du style depuis (ndr : Lorsque Liam Wilson, le bassiste de feu The Dillinger Escape Plan, arbore le T-Shirt de votre groupe en interview ou que vous êtes souvent comparés musicalement et qualitativement parlant à Deathspell Omega, c'est un gage de qualité non?).
C'est donc 5 ans après leur dernier méfait que Plebeian Grandstand nous revient, avec une œuvre ambitieuse, décrite comme une sorte de film auditif ou bien encore un « miroir des tourments actuels, globaux et sociétaux ». Alors que le groupe était déjà allé assez loin dans l'expérimentation sur leur dernier album (notamment "Tame the Shapes" explorant les possibilités dissonantes des micro tonalités et la chaos de l'aléatorisation), le groupe va la pousser dans ses derniers retranchements sur ce nouvel album.

Tout commence avec "Masse Critique", introduction pesante où le bourdonnement incessant des cuivres n'a d'égal que la rythmique sourde et déstructurée de la batterie d'Igo Kaltchev et les hurlements écorchés d'Adrien Broué rejoint sur la fin du morceau par des cris de patients en détresse psychologique. Alors que l'horreur se dissipe à peine, le temps pour l'auditeur de reprendre ses esprits, que « À Droite du Démiurge, à Gauche du Néant » envoie ses blasts furieux et parties de guitares dissonantes sans crier gare. Mais alors que les trois premières minutes du morceau semblent vouloir mettre l'auditoire K.O., Plebeian Grandstand ralentit soudainement la cadence et laisse des synthétiseurs distordus donner le La d'une « cacosymphonie » industrielle et tribale, marquée, encore une fois, par une rythmique très hachée, avant de monter en puissance pour délivrer le final absolument terrifiant de ce roller coaster nihiliste.
En à peine deux morceaux, PG, a montré à quel point les Toulousains étaient prêts à explorer et casser les codes du Metal Extrême pour proposer leur vision d'un monde en déclin. Si on notera l'usage des cuivres, de synthétiseurs et de samples comme nouvelles armes dans l'arsenal du quatuor, on ne pourra que rester également pantois devant le travail original et déstabilisant réalisé sur les parties de batterie.

Et pourtant, ce sont loin d'être les seules surprises que le groupe a disséminées tout au long de l'album. Entre l'électro/indus polyrythmique de « Tropisme », les superpositions rythmiques sur les blast beats de « Angle Mort », les applaudissements inquiétants qui introduisent « Espoir Nuit Naufrage », la narration désabusée de « Nous en Sommes Là » sur fond de drone et percussions glitchées absolument surréalistes, ou bien la fin jazzy de « Jouis, Camarade », le groupe ne s'est imposé aucune limite stylistique. Mais le plus bluffant reste la manière avec laquelle tous ces éléments cohabitent au sein de ce long et même morceau que constitue « Rien Ne Suffit ». Car oui, sur « Rien Ne Suffit » tous les morceaux s'enchaînent les uns après les autres, chaque nouveau morceau étant le prolongement du précédent (un peu à la manière du "Catch 33" de Meshuggah ou du cruellement méconnu et sous-estimé "The Long Procession" d'Amia Venera Landscape), formant un tout cohérent, malgré le chaos jeté froidement au visage de l'auditeur. Tour à tour atmosphérique et inquiétant, déstructuré et terrifiant ou tout simplement brutal et punitif, « Rien Ne Suffit » semble se vivre plus qu'il ne s'écoute.

Si décrire le travail de composition semble être vain, tant le groupe est détaché des standards de la musique actuelle, celui-ci n'aurait pu être réalisé sans le talent des musiciens derrière la « Tribune Plébéienne ». On notera au chant la performance d'Adrien Broué qui a étendu son registre et ne se contente plus seulement de ses hurlements traditionnels, ajoutant growls, screams emo ansi que des parties narrées, susurrées voire éructées pour coller aux différentes ambiances proposées par l'album.
Les parties de guitare sont également très riches et variées, rappelant fortement le riffing d'un certain "Hasjal" de Deathspell Omega, mais piochant également dans le hardcore chaotique ou le jazz.
Néanmoins, c'est bien Igo Kaltchev à la batterie qui impressionne le plus, tant son jeu précis, rapide et puissant donne aux morceaux la frénésie qui les anime. Que ce soit les parties complètement déstructurées et aléatoires de « Masse Critique » ou la puissance hallucinante des blasts beats de "Part Maudite" et "Angle Mort" (le pont d'"Angle Mort" avec le gravity blast notamment), sa maîtrise et son endurance derrière les fûts laissent absolument perplexe du début à la fin.
Bien évidemment, une telle complexité n'aurait aucun sens sans une production adéquate ; et heureusement, celle-ci est incroyable, chaque instrument, chaque son, trouvant sa place dans ce magma bouillonnant et en perpétuel mouvement que nous livre le groupe.

Soyons honnête, début 2021, personne n'attendait Plebeian Grandstand et personne n'aurait misé sur la formation toulousaine, et pourtant... Discrètement, sans promo, ou presque, le groupe a délivré ici une leçon de nihilisme, de désespoir, de puissance, mais également de composition et de musicalité, détruisant les barrières stylistiques et faisant de l'expérimentation la pierre angulaire d'une œuvre jusqu'au-boutiste. « Rien Ne Suffit » est l'album le plus ambitieux du groupe, mais également l'un des plus ambitieux et novateurs du style ; un album qui semble repousser les barrières de la même manière qu'un certain « Fas, Ite, Maledicti, In Ignem Aeternum » l'avait fait en son temps, une œuvre majeure et terrifiante qui demandera de nombreuses éprouvantes écoutes pour en apprécier toutes les subtilités. Seul le temps nous le dira, mais il semblerait bien qu'en cette fin 2021, l'album de l'année s'écrive « Rien Ne Suffit ».

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