A une époque on ne peut plus prolifique en projets metal symphonique à chant féminin sud-américains, souvent inspirés par
Nightwish et consorts, bien rares sont les collectifs uruguayens à sortir de l'ombre. Cependant, à l'instar de ses compatriotes de
Crystal Gates, ce jeune sextet créé en 2010 et répondant au nom de
Fallen Symphony est de ceux-là. Encore inconnu hors de sa terre natale, ce combo originaire de Montevideo est toutefois déjà à la tête d'une démo « Démo
2012 » et, mû par une graduelle énergie, a cherché à faire évoluer son art. Soucieux de ne pas brûler les étapes, ce n'est que deux ans plus tard qu'il revient, et ce, avec son premier album full length sous le bras intitulé «
Revelations » ; auto-production de 9 titres à la verte logistique, se succédant sur un ruban auditif généreux de ses 53 minutes. Un énergique et sensible opus metal symphonique gothique et progressif qui nous renvoie aux premiers travaux de
Nightwish,
Xandria,
Epica, entre autres.
On appréciera la richesse et la variété de composition de la galette tout comme la qualité de ses arrangements instrumentaux. Une pléthorique rondelle que l'on doit à l'étroite collaboration entre : Vale
Fallen, mezzo-soprano dans la lignée de
Tarja ; Rafa Medero aux grunts ; Dan Carreras à la guitare et aux choeurs ; Juan José Leyton (
Crystal Gates, Sound
Anima) aux claviers ; Martin Cantarini à la basse, au violoncelle et à la contrebasse ; Zhian Caballero à la batterie. Si les enregistrements octroyés ne trahissent pas de défauts majeurs, on pourra néanmoins déplorer un manque de profondeur de champ acoustique ainsi qu'un léger sous-mixage des lignes de chant (suivant le schéma de la Belle et la Bête) et des finitions en-deçà des attentes d'un public déjà sensibilisé aux œuvres des cadors du genre. Mais entrons plutôt dans la goélette...
Comme souvent dans ce registre, le groupe n'a pas dérogé à la règle consistant à nous inviter à entrer dans la danse par une classique entame instrumentale. Laconique, cinématique et progressif morceau d'ouverture dispensé par des arrangements nightwishiens, simulant notamment une imposante muraille de cuivres à l'unisson, «
Revelations » nous donne le sentiment d'être aux prises avec une grosse production hollywoodienne. On regrettera toutefois la brutale clôture d'un acte ayant tout au plus valeur de hors-d'oeuvre.
C'est dans les passages étirés, foisonnant en variations rythmiques et témoignant d'une certaine flamboyance progressive, que le groupe marquera le plus aisément les esprits. Ainsi, marchant sur les traces d'un
Nightwish des premiers émois, à l'époque de «
Angel Fall First », la puissante fresque symphonico-progressive «
Winter Leaves » ne manque pas de séduisants atours pour nous retenir. Ses saisissants gimmicks à la lead guitare, ses subtiles variations atmosphériques, ses stupéfiantes accélérations et ses breaks opportuns, sont autant d'armes aptes à nous faire plier l'échine. Sur une rythmique un tantinet syncopée, le convoi orchestral se plaît à nous bringuebaler, parallèlement à un duo mixte en voix de contrastes que n'aurait nullement renié leur illustre source d'inspiration. On ne sera pas moins happé par l'ambiance hispanisante du voluptueux et graduel « In
Sacrifice » ; altier titre symphonique aux intarissables frappes lourdes de fûts, où vrombit une basse offensive et où une grisante triangulation s'opère entre les félines inflexions de la belle, les growls saillants de la bête et les attaques en voix claire d'Eduardo
Deathbringer. Bref, une réelle invitation au voyage inspirée par l'orchestration et constamment réalimentée par une parfaite harmonie du trio.
Le collectif a également veillé à étoffer son offre sur le plan atmosphérique, à l'instar d'un enchanteur et plantureux espace d'expression. Ainsi, dans la lignée d'un
Epica estampé « The Divine
Conspiracy », l'orientalisant et puissant «
Dark Veil » se pose tel une luxuriante et magnétique fresque. Ce faisant, ce truculent passage laisse échapper une suave ligne mélodique au fil des pérégrination d'une déesse bien inspirée qui, par ses claires volutes, fait écho aux serpes oratoires de son ombrageux compère. Une affaire rondement menée et apte à éveiller d'authentiques plaisirs.
S'il est un secteur où l'art semble plus naturel qu'ailleurs, celui des moments tamisés serait de ceux-là. Quelle que soit l'orientation du propos, les accords souvent font mouche et l'émotion rarement ne fera faux bond à l'aficionado de l'exercice de style. Ainsi, on ne pourra que malaisément se soustraire aux délicats accords de l'intimiste « Every
Rose Has
Thorns », délicieuse ballade gothique progressive que pourraient leur envier
Xandria ou
Delain. Un poil tourmentée, cette douce offrande est mise en relief par de saisissants contrastes vocaux entre une gracile sirène et son comparse de growler. On aurait peut-être souhaité moins d'effets de compression sonore, l'ensemble tendant à une déconcertante uniformisation entre instrumentation et lignes de chant.
Les mots bleus se font plus pénétrants encore à la lumière de deux ballades non progressives, dont l'une en habits de soie, la seconde aux airs d'un slow qui emballe. Dans cette mouvance, de soyeux arpèges au piano infiltrent «
Frozen Tears », émouvante ballade a-rythmique livrant de subtils harmoniques et témoignant d'une confondante profondeur d'âme. Câlinant instant où les angéliques ondulations de la mezzo-soprano font mouche et que l'on quittera avec l'indicible espoir d'y goûter à nouveau. Et que dire du troublant «
Silent Path » aux airs d'un « The
Islander » de
Nightwish ? Un fin legato à la guitare acoustique, sur fond de percussions tribales d'une régularité métronomique et aux sonorités sourdes, corrobore les sensuelles patines oratoires de la sirène. Là encore, la magie opère...
Malgré ses mérites, cet effort n'est pas exempt de quelques baisses de régime altérant d'autant sa portée. D'une part, difficile d'échapper aux riffs épais et en tirs en rafale du mid tempo progressif « Breath Before
Fall », à mi-chemin entre
Nightwish et
Xandria. Si l'on restera pris sous le joug d'un refrain immersif, mis en exergue par les fines modulations de la déesse, on pourra plus aisément se détacher de couplets résolument linéaires et de phases de ralentissement accusant d'éprouvantes longueurs. Mais le spectacle s'avère plus déconcertant encore lorsque la belle laisse vagabonder son acolyte de growler en solo et que le cheminement mélodique se fait plus tortueux. Parmi les bémols du méfait, se classe notamment « Chains Shall Be Broken » ; piste doom gothique qui, en dépit de son caractère bien trempé et de ses riffs électrisants, n'a pu éviter l'écueil d'un manque de cohérence eu égard à ses glissantes séries d'accords. L'égarement pointe alors le bout de son nez, voire un mortifère ennui, préalable annonciateur d'une désaffection prématurée du chaland.
Au final, on effeuille une œuvre pléthorique aux compositions vitaminées, parfois bouillonnantes, voire tumultueuses, mais jamais saillantes, ni insolentes. Dotées en prime d'une sensibilité à fleur de peau et témoignant d'un regard pluriel quant à ses ambiances, ces pistes trouvent un positionnement optimal dans la tracklist, nous incitant à suivre le propos d'un seul tenant. Se révélant mélodiquement accessible, techniquement affûté, vocalement rôdé, le manifeste concède toutefois un manque d'épaisseur artistique, une production d'ensemble en-deçà des standards actuels du genre en
Europe, peu de prises de risques et demeure éminemment classique dans son concept. Nos acolytes ont beaucoup appris de leurs aînés, mais pas encore totalement digéré leurs sources, au point de ne pouvoir encore personnaliser leurs travaux. Bref, un fringant et enivrant manifeste d'une formation encore en quête de repères...
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