Rares sont les groupes qui arrivent à me faire voyager et m’emmener loin de ce monde, j’en vois beaucoup éclore, se revendiquant dans le mouvement Shoegaze, post-rock, metal atmosphérique, sans l’être réellement. A croire que parfois les artistes ne connaissent pas réellement les genres dans lesquels ils officient. Ils sont peu nombreux à avoir réussi à me mettre une claque, je peux les compter sur les doigts de la main, alors quand un groupe a l’audace de mélanger tous ces genres mais qu’en plus il le fait à merveille, je ne peux que m’incliner devant celui-ci.
Je vous présente donc Cernà, one man band créé par Cody McCoy. Il s’agit d’un groupe de black avangardiste totalement instrumental fondé dans le Michigan en 2011. J’ai rarement eu de tels albums entre les mains, la musique que produit l’artiste est très aérienne et je suis toujours assez excité par la découverte de ce genre de production, j’ai toujours l’espoir d’avoir une bonne surprise et je peux dire que je l’ai eu avec
Restoring Life. L’album débute sur l’intro Woken in Prague, qui nous fait entendre le tic-tac d’une horloge, auquel vient s’ajouter un son de guitare saturée pour retomber sur quelques arpèges en sons clairs. Une très belle manière de nous ouvrir la porte sur le titre Spole?n? découpé en cinq parties.
Ces cinq parties sont indissociables les unes des autres et forment un morceau fleuve dont les instruments nous dépeignent ce qui pourrait ressembler à l’existence entière d’un être humain dans ce monde, de sa naissance jusqu’à sa mort. La première partie
Shy Sun commence sur un très gros son de guitare typiquement Shoegaze, la batterie qui l’accompagne est puissante, on peut donc constater une excellente production, nous donnant une impression de lourdeur. Les riffs de cette première partie sont assez chaleureux, rien de dépressif, c’est plutôt une sensation d’espoir qui nous enveloppe, mais cet espoir est de courte durée, cette première partie est très courte, moins de trois minutes et se termine de façon abrupte pour laisser place à la deuxième partie Laying
Down in the
Rain.
Il s’agit là de mon morceau préféré de l’album, il débute à peu près comme le précédent, toujours avec ces riffs chauds, mais qui cette fois-ci apportent une touche de mélancolie, le premier groupe à me venir en tête à ce moment-là est
Alcest, même manière très aérienne d’attraper notre âme pour la faire voyager et nous remettre en tête toutes les choses bonnes ou mauvaises qui ont pu nous arriver dans notre existence et faire ce que nous sommes aujourd’hui. Puis la batterie prend un rythme plus typé post-rock en mid tempo, celle-ci devient très entrainante on en est presque rendu à headbanger sur un morceau qui à la base se revendique atmosphérique. Et c’est ça qui fait toute la force de Cernà, réussir à mélanger les styles, passer du Shoegaze au metal de cette manière est une prouesse en ce qui me concerne. Si bien que l’ennui n’a jamais sa place dans cet album, tous les titres ont cette aptitude à passer en revue ces différents styles et chaque instrument est utilisé à merveille pour arriver à nous y faire voyager que ce soit sur des murs de sons de guitares utilisés dans le Shoegaze ou dans les parties plus calmes où seuls quelques arpèges en sons clairs font leur apparition comme sur la partie centrale du titre Embrace the Stars.
On notera quelques touches de piano qui viennent se superposer sur le son puissant des guitares dans la dernière partie du titre
Night Sounds et les synthés ainsi que les arrangements font également très bien leur travail en ce qui concerne toutes les parties atmosphériques. Le titre
Lullaby n’est presque exclusivement composé que d’une guitare acoustique délivrant quelques notes accompagnée du son de la pluie tombant sur le toit d’une maison. On aurait presque l’impression de se retrouver sous notre véranda par une soirée orageuse d’été à contempler la pluie notre guitare à la main.
Le titre éponyme
Restoring Life est une sorte de condensé de tous les titres précédents nous faisant passer par tous les styles évoqués précédemment, on passe donc en un peu moins de dix minutes, de l’espoir à la mélancolie, de la nostalgie à la tristesse, de la sensation de bien-être à celle d’être la dernière personne sur cette terre, avec nos joies et nos regrets mis à nus. Le tout se clôture magnifiquement sur le titre
Isa, il nous faut bien les dernières cinq minutes de ce titre pour nous extirper du voyage que nous venons d’effectuer et nous ramener à la dure réalité de ce monde. Le silence qui suit la fin de ce dernier morceau ne nous donne qu’une seule envie, remettre le tout à zéro pour repartir dans un second voyage.
Cody McCoy a donc réussi avec Cernà ce que je n’attendais plus depuis longtemps, mélanger les genres avec brio en nous délivrant un album à la fois mélancolique, chaleureux, dark, nostalgique, ambiant et atmosphérique et réussir à nous faire dépeindre notre propre existence avec tous les choix bons ou mauvais que l’on a pu faire. Ces choix qui nous ont conduit à être ce que nous sommes aujourd’hui. Sa plus grande prouesse est de l’avoir réalisé en ne faisant parler que ses instruments, comme quoi nous avons la preuve que dans le monde de la musique, aucune voix n’est vraiment nécessaire pour créer des émotions.
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