Comment se démarquer lorsqu'on navigue entre plusieurs styles, disons par exemple post hardcore et postmetal, auquel on pourrait rajouter une louche débordante de screamo ? En faisant à sa manière son savant mélange, sans trop s'occuper de ce que font les petits concurrents à côté.
Né en 2009, 20 Seconds Falling Man a concrétisé en 2011 sa formule par un premier EP sombre et torturé nommé en toute simplicité "
EP #1". Après un hiatus entre 2011 et 2017, les affaires ont repris sérieusement, avec en 2018 un deuxième EP, je vous le donne en mille, "
EP #2", ainsi qu'une surprenante reprise d'un morceau de The Cure, "
A Forest", en 2019. 2021 a été une année remplie avec au mois d'août un "
Live at Le Ferrailleur" pour le Hellfest From
Home, suivi d'un premier LP avec très bon "
Void" en novembre 2021. Adeptes des formats courts, mais des morceaux relativement longs, ils proposent des disques denses et intenses reconnaissables par de beaux artworks à l'encre noire et blanche.
Les nantais ont pu aussi jouer sur de grandes scènes, au Hellfest et au Motocultor, en 2022. Côté line up, le groupe se compose actuellement d'Arnaud (Chant),
Gregory (Guitare), Pierre-Denis (Guitare), Maxime (Basse), et Alain (Batterie).
L'idée de "
Resilience" est née en même temps que "
Void", pour en faire un album qui y réponde d'une certaine manière, avec plus de nuance... et quelques notes d'espoir.
Ils ont sont restés fidèles à Christophe Hogommat (
Dust Lovers, Mad Foxes,...), déjà au manettes sur le premier LP, pour enregistrer et mixer "Résilience", et c'est Thibaut Chaumont (
Carpenter Brut,
Hypno5e,...) qui l'a masterisé au
Deviant Lab. On doit la belle pochette à Jeff Grimal, dont le style pointilliste noir et blanc irait tout aussi bien pour un tatouage. Autoproduit, l'album est sorti le 2 février 2024 et distribué par
Blood Blast Production.
Les compositions de 20 Seconds Falling Man sont volontiers complexes, sur la longueur dans le sens Opethien du terme -il y a donc aussi un peu de prog, suivant un rythme lourd et orageux.
Pas de redondance, il est difficile de prévoir ce qui va arriver dans les instants qui suivent, l'auditeur suit un chemin tourmenté où les accalmies succèdent aux montées successives de violence. On le voit dès "In the Bloom" qui change complètement d'ambiance en son milieu, où la rage désespérée laisse place à une plage de tranquillité. J'ai pensé à
Cult Of Luna, à
Kruger, ou aux
Deftones sur "In the
Gloom", et il y a pas mal d'accords où les disonnances virent à la noise ("Our
Life Is Now").
Si je parlais de screamo plus haut, c'est bien sûr en référence au vocaux d'Arnaud, qui pète les taquets au max avec des éructations inhumainement rauques et éraillées, avec les cordes vocales poussées à l'échec, comme on dit en muscu.
Ralentissant presque doom avec mélancolie sur "
Resilience" et "
Crossroads", 20 Seconds Falling Man avance de manière plus soutenue sur certains titres comme "Fear of the Unknown" et surtout "
Shadow of the
Past" qui vous charge en trottant à l'allure d'un hippopotame en rut, et je trouve que c'est dans ce registre plus brutasse que 20 Seconds Falling Man fait des merveilles ; pour ne plus rien gâcher, ils mêlent de belle manière dynamique et intensité, Arnaud variant bien les types de chant sur ce titre.
L'opus se termine avec un instrumental crépusculaire, "new
Moon", qui aurait aussi bien pu servir d'introduction. Je trouve d'ailleurs judicieux de mettre ce genre de titres en fin de disque, en ces temps où les auditeurs volatiles zappent ailleurs à la première occasion...
Les guitares jouent sur une large gamme de crunch lourd et de saturations chaudes, alors que leurs premiers disques avaient des guitares plus métalliques. Ils n'ont rien perdu de leur lourdeur et de leur noirceur, cependant. Assez souvent, on a une guitare rythmique bien plombée en couple avec la basse, alors que l'autre guitare est éthérée en mode noisy, ou même frénétiquement black façon Nature Morte.
Christophe Hogommat a sur faire évoluer leur son vers quelque chose de plus organique et nuancé. Si le rythme général est plutôt mid tempo, la section rythmique n'en est pas pour autant linéaire, et participe grandement aux cassures et changements de climats des morceaux.
Les sept pièces qui composent "
Resilience" confirment que ce quintette nantais sait où il va, et a de quoi imposer sa personnalité sans se cantonner dans un genre précis. Et avec des morceaux particulièrement accrocheurs comme "In the
Gloom" et "
Shadow of the
Past", il ne serait que justice pour eux de glaner de nouveaux fans.
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