Nouvel entrant dans un registre metal gothique à chant féminin déjà surinvesti, cet expérimenté duo chilien créé en 2018 à Santiago par le guitariste/vocaliste et programmeur Marco Cusato (
The Fallacy,
Warpath) et la soprano Caterina Nix (
Chaos Magic, guest chez
Vivaldi Metal Project,
Timo Tolkki's Avalon...) entend pourtant sérieusement en découdre. Conscient des risques encourus à se lancer tête baissée dans l'arène, le combo s'est montré prudent dans sa démarche, n'accouchant de son introductif et présent album studio, «
Remain », que trois ans plus tard, et ce, via le puissant et éclectique label grec Sleaszy Rider Records. Le temps pour nos acolytes de peaufiner leurs gammes et de soigner leur production d'ensemble, à commencer par un mixage bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation, ce dont témoigne chacune des neuf pistes égrainées sur les 36 minutes de la galette.
Avec le concours, pour l'occasion, du batteur Andrew Scott, le collectif nous plonge dans un propos rock'n'metal atmosphérique gothique à la fois frissonnant, volontiers aérien, parfois énigmatique et un brin romantique, dans la lignée de
Theatre Of Tragedy,
The 69 Eyes,
Beseech,
The Gathering,
Trail Of Tears et
Lacrimas Profundere. Contrairement à nombre de leurs homologues, le plus souvent rivés sur des duos mixtes en voix de contraste, nos deux compères ont ici uni leurs empreintes vocales pour l'octroi de duos en voix claires sur la majeure partie de notre parcours. Bien leur en a pris. Mais suivons plutôt nos hôtes dans leurs pérégrinations...
Passé la brève et dispensable entame instrumentale, «
Pyre », les hostilités ne tarderont pas à démarrer. Aussi, lui emboîtant le pas, et non sans rappeler simultanément
The 69 Eyes et
The Gathering, le vigoureux «
Emptiness » révèle une mélodicité toute de nuances brodée ainsi qu'un refrain immersif à souhait mis en exergue par un duo en parfaite osmose. D'autre part, dans la lignée de
Lacrimas Profundere, l'incisif «
Sad-
Revenge » délivre ses riffs acérés, sa basse claquante tout en alternant opportunément breaks finement esquissés et saisissantes phases d'accélération. Et la sauce prend, une fois encore. Enfin, s'il se révèle plus énigmatique, le ''gatherien'' «
Hard to Believe » n'en recèle pas moins un infiltrant cheminement d'harmoniques doublé de riffs crayeux et de sensibles arpèges au piano. Mais le magicien a encore bien d'autres tours dans sa manche...
Quand le convoi instrumental ralentit sa cadence, le combo trouve à nouveau et sans mal les clés pour nous assigner à résidence. Aussi, dans l'ombre de
Beseech se glisse le félin « Under This
Rain », un seyant mid tempo aux délicates gammes pianistiques, crochetant ses riffs, recelant de sémillants gimmicks guitaristiques et, là encore, mis à l'honneur par les volutes unifiées de nos deux inspirés tourtereaux. Dans la mouvance de
The 69 Eyes et
Theatre Of Tragedy, on retiendra non moins l'évanescent « Coven » eu égard à son fondant refrain qu'encensent les caresses oratoires d'une frontwoman bien habitée, que l'on croirait volontiers empruntées à
Liv Kristine, rien de moins.
Lorsqu'ils nous mènent en d'intimistes espaces, nos compères en viennent à nous adresser leurs mots bleus les plus sensibles, générant alors la petite larme au coin de l'oeil que l'on tenterait bien d'esquiver, en vain. Ce qu'atteste, d'une part, «
What Tomorrow Brings », une poignante ballade atmosphérique gothique, romantique jusqu'au bout des ongles, et mise en habits de soie par un duo en parfaite harmonie, que n'auraient nullement reniée ni
Lacrimas Profundere ni
Trail Of Tears. On ne saurait davantage passer sous silence « You Don't Belong Here », une frissonnante power ballade gothique dans le sillage de
The 69 Eyes. Sous-tendue par un fin picking à la guitare acoustique, évoluant sur un riffing émoussé doublé d'une basse éthérée et développant de sémillantes harmoniques, l'instant privilégié saura à son tour faire chavirer plus d'un cœur en bataille.
Mais ce serait à la lumière de leur pièce en actes d'obédience rock'n'metal symphonico-progressive gothique que nos compères révèlent leurs plus séduisants atours. Ainsi, la fresque romanesque « The
Spell » déroule ses quelques 7:15 minutes d'une piste aussi tortueuse et enivrante qu'éthérée, où moult subtilités mélodiques s'invitent au bal. Nous enveloppant de ses deux suaves empreintes oratoires et recelant de frémissants arpèges échappés du maître instrument à touches, ce touchant low tempo progressif à mi-chemin entre
Theatre Of Tragedy,
The Gathering et
Lacrimas Profundere ne se quittera qu'à regret.
A l'aune d'un premier essai à la fois, sensuel, enfiévré et enivrant, force est d'observer que le duo chilien parvient à maintenir l'attention constante de bout en bout de notre parcours. Témoignant d'une ingénierie du son plutôt soignée mais nullement aseptisée et d'une féconde inspiration mélodique de ses auteurs, dévoilant également un potentiel technique efficient et judicieusement exploité, et ce, sans concéder l'ombre d'une zone de remplissage susceptible d'en altérer la portée, les armes de cet introductif message musical sont donc loin de manquer à l'appel. D'aucuns auraient sans doute espéré l'une ou l'autre prise de risque et une mise à distance plus franche de l'empreinte de leurs maîtres inspirateurs dont ce set de partitions se fait l'écho. Néanmoins, la qualité des enchaînements intra pistes et des finitions aidant, ce troublant effort serait dores et déjà en mesure de placer le combo parmi les espoirs de ce registre metal avec lequel la concurrence devra composer. Wait and see...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire