Liste des groupes Thrash Metal Killer Be Killed Reluctant Hero

Quand Killer Be Killed sort son premier disque, il semblait acté qu’il serait le seul. Malgré la bienséance évidente des membres qui évoquait un « vrai » groupe et l’envie de jouer ensemble sur scène malgré des emplois du temps surchargé (ce qui arrivera un an et demi plus tard), il paraissait peu probable que l’éponyme ait un successeur.
Comme bon nombre de « all-star-band » depuis quelques années, celui-ci en était un de plus, ayant en revanche le bon gout de proposer un album en béton ultra efficace et diablement bien écrit. La réunion entre Greg Puciato (The Dillinger Escape Plan) et Max Calavera (Soulfly), rejoint ensuite par Troy Sanders (Mastodon) et Ben Koller (Converge) était une véritable bombe à la croisée des chemins du thrash, du stoner, du rock agrémenté d’une patate d’enfer et d’une rage communicatrice.

Six ans plus tard : le successeur arrive.
Greg débarrassé de ses contraintes, Mastodon en pause et Max toujours entre deux feux, le moment est venu pour Killer Be Killed de revenir sur le devant de la scène, toujours épaulé par Nuclear Blast bien évidemment.
Le premier album éponyme semblait être un savant mélange entre toutes les influences des membres, que ce soit la rage schizophrénique de Greg, le côté primaire de Max ou encore l’aspect plus stoner et shamanique de Troy. Sans surprise, "Relectant Hero" est du même acabit, d’une efficacité redoutable et d’une précision d’écriture chirurgicale. On ressent forcément d’avoir affaire à des pros mais surtout à des amis se faisant plaisir ensemble, le projet étant un exutoire sans frontières, défouloir logique de membres parfois enfermés dans les carcans de leur propre groupe à succès, engendrant attentes et réactions parfois excessives de fans. Killer Be Killed est donc un terrain de jeu idéal pour avancer en totale liberté.

Sans complexe, "Deconstructing Self-Destruction" nous replonge dans ce son gras et mordant, entre metal et stoner, relativement rond avec un certain grain. C’est Troy qui nous fait l’honneur de lancer les débats vocaux, puisque Killer Be Killed avait surtout fait parler de lui pour sa polyvalence vocale entre les trois amis qui se partagent constamment le micro à l’intérieur des titres. Posséder trois chanteurs aussi singuliers et talentueux dans un même groupe n’est pas une chose courante et autant dire que le groupe en profite allègrement ! Max se veut forcément plus sauvage et primaire tandis que Greg alterne le chant clair plus mélodique (c’est de lui que parte la plupart des refrains) ou alors les hurlements déchainés qui ont fait sa renommée. Troy apporte quant à lui l’aspect posé, parfois même mystique malgré la technique toujours élevé des musiciens, notamment un Ben Koller tentaculaire derrière ses futs.
"Dream Gone Bad" suit et, une fois de plus, c’est Troy qui semble prendre plus d’épaisseur dès le début du titre. L’ombre de Mastodon plane à chaque instant où il chante, les riffs se voulant à cet instant souvent plus gras et lourd. Greg accélère et complexifie la composition quand il arrive tandis que Max se taille un passage beaucoup plus percutant et thrashy dans la pure veine d’un Soulfly de ces dernières années. L’intensité grimpe tout au long du titre pour finir sur des hurlements salvateurs de Greg. Là où Killer Be Killed a encore gagné, c’est dans la cohérence de ses compositions. Car si, tel que décrit dans ce texte, on pourrait avoir la sensation de plans successifs sans queue-ni-tête évoquant les groupes des compositeurs sans liens, il n’en est rien. Tout se tient incroyablement bien et les transitions entre les moments sont redoutablement bien foutus tout en conservant un côté chaotique qui sied parfaitement au groupe.

"Inner Calm from Outer Storms" dévoile un côté beaucoup plus sombre, notamment dans sa première partie. Il s’en dégage une identité propre, notamment dans la progression du titre qui monte lentement en puissance, comme une marche inéluctable vers la démence. Le tempo s’accélère, la batterie prend de plus en plus de place, les riffs d’abord dissonants deviennent de plus en plus crus et rapides avant une dernière partie complètement folle et chaotique avec un question-réponse entre Greg et Max.
Le groupe continu de nous surprendre avec le long "From a Crowded Wound" (sept minutes), hypnotique et sombre à souhait. Le travail sur la batterie est impressionnant (quel jeu de toms) pour donner une ambiance particulière au titre, conférant une sensation de tourner en rond encore et encore, avec de fugaces accès de rage. On ressent une totale liberté dans l’expression du quatuor qui sort beaucoup plus des sentiers battus que sur l’éponyme qui s’essoufflait un peu après une première partie d’album magistrale. Ici, tout se tient et chaque titre possède une personnalité lui permettant d’avoir quelque chose d’indépendant à dire vis-à-vis de ses congénères. On peut penser au quasiment punk "Animus" d’une petite minute qui tabasse non-stop mais se paye quand même le luxe de laisser de la place aux trois vocalistes et de faire un break de batterie en plein milieu ! Il y aura aussi le vindicatif "Filthy Vagabond" taillé pour le live avec ses « hohoho » rappelant dans l’esprit le pré-refrain de "Melting on my Marrow" qui avait déjà tout cassé en concert.
L’album se terminera sur deux titres radicalement opposés. Le très rapide et excessif "Dead Limbs", faisant la part belle au jeu de Calavera (avec de belles incursions mélodiques de Troy) et à une cavalcade thrash dès le début du morceau. Puis le titre éponyme. Plus longue également, la composition se montre solennelle, se rapprochant de ce que Greg a pu proposer sur son premier album solo sorti il y a quelques semaines. L’introduction est tout en nuances, une mélodie clean, un chant clair posé de toute beauté dont émane une réelle mélancolie. Troy apporte ensuite plus de corps avec son chant grave, complétant parfaitement le timbre si atypique d’un Greg se muant en véritable caméléon tout au long de cet album.

"Reluctant Hero" est la mandale du moment que personne n’attendait vraiment mais qui brille par sa variété, sa puissance et sa totale décomplexion. Les trois compositeurs principaux du projet ne se sont donnés aucune limite et le plaisir qu’ils ont eu à jouer ensemble suinte et se ressent dans chaque titre de ce second album. C’est violent, gras, lourd tout en restant mélodique, incroyablement accessible et parfois même bercé par une mélancolie plaintive. Difficile de dire si l’album fera date mais il serait dommage de passer à côté de ça pour la simple et bonne raison qu’il peut plaire à une frange très large de métalleux. Et même s’avérer supérieurs aux derniers albums des groupes principaux de ses membres.