Un vent d'inspiration renouvelé souffle en terre sud-américaine en matière de metal symphonique à chant féminin... Et ce, à l'instar de ce talentueux et expérimenté sextet péruvien originaire de Lima, sorti de terre en 2005. Déjà à la tête d'une modeste mais seyante démo intitulée «
Reina Azul » (2006), et fort d'une solide expérience scénique locale, le combo n'allait pas s'arrêter en si bon chemin. Conscient des risques courus à chercher coûte que coûte à brûler les étapes, le collectif s'est précisément laissé le temps nécessaire à la maturité logistique et compositionnelle opérer, ne sortant son premier album full length, lui aussi dénommé «
Reina Azul », que 13 ans plus tard. Aussi effeuille-t-on une galette généreuse de quelque 60 minutes au fil desquelles s'égrainent 10 pistes, dont les 4 titres remastérisés de leur introductive offrande. Il semblerait que l'on soit entré, cette fois, dans une tout autre dimension...
Mais avant de pénétrer dans le vaisseau amiral, faisons les présentations. Nous y accueillent les maîtres d'oeuvre, à savoir les guitaristes virtuoses Miguel Cantuta et Cristian Gamboa, le cinglant batteur Hector Ilizarbe Sulca et leurs acolytes. Quant aux lignes de chant, elles ont été confiées à la soprano à l'angélique filet de voix Pamela Pardo (ultérieurement remplacée par Ingrid Castro). De cette étroite collaboration émane une platée power mélodico-symphonico-progressif au délicat fumet latino, dans la lignée de
Stream Of Passion,
Diabulus In Musica,
Ancient Bards,
Xandria et Elessär. Aussi, l'inspirée formation sud-américaine nous octroie-t-elle un propos à la fois enflammé, chatoyant, épique et romantique, aux paroles exclusivement en langue espagnole, témoignant d'une technicité instrumentale éprouvée et teintée d'une rare élégance mélodique. En outre, la luxuriante galette se dote d'un enregistrement de bon aloi, ne laissant filtrer que peu de sonorités parasites, tout en faisant montre d'une belle profondeur de champ acoustique. Mais entrons sans plus attendre dans la ferveur de cette danse enivrante...
Ce serait à la lecture de leurs passages les plus offensifs que nos compères marqueraient leurs premiers points. Aussi, ne mettra-t-on qu'une poignée de secondes pour esquisser un headbang bien senti sous l'impact de «
Reina Azul », tubesque up tempo power symphonique à la tonicité rythmique empruntée à
Ancient Bards et à l'infiltrant cheminement d'harmoniques, propre à
Stream Of passion. Dans ce chaudron bouillonnant, parallèlement aux sémillants et intarissables gimmicks guitaristiques, se meuvent les gracieuses et pénétrantes impulsions de la sirène. Non moins échevelant, dans la mouvance d'
Abrasantia, l'opulent et profondément latino « Puertas al
Sol » et « Cabalgata a la Ultima Batalla », pour leur part, délivrent une double-caisse libertaire, se plaisant alors à nous bousculer pour mieux nous récupérer, in fine. Dans cette énergie, tant le pulsionnel « A la Sombra de Mi Alma » que le mordant « Gritos » et l'impulsif « Locura Natural » imposeront d'un battement de cils leur galvanisant tapping autant qu'ils séduiront par leur mélodicité mordorée, leur fin legato à la lead guitare, et surtout leurs soudaines et sidérantes accélérations.
Lorsque l'escadron péruvien emprunte de tortueuses voies aériennes, ses loopings demeurent sous contrôle et rarement les turbulences rencontrées ne l'empêcheront de voler plus haut. Ce qu'atteste, d'une part, « Gotas de Hiel », épique, romanesque et hispanisant message musical libérant ses quelque 7:51 minutes d'un propos metal symphonico-progressif particulièrement enlevé, à mi-chemin entre
Ancient Bards, Elessär et
Xandria. Abondant en coups de théâtre, recelant des arrangements d'excellente facture, multipliant ses ponts technicistes sans pour autant concéder le moindre espace de remplissage, et mis en habits de lumière par un duo mixte en voix claires bien habité, le grisant effort ne lâchera pas sa proie d'un iota. Démarrant telle une fondante ballade aux airs d'un slow qui emballe, « Susurro », quant à elle, finit par nous asséner de saignants coups de boutoir. A la confluence entre
Stream Of Passion et
Xandria, glissant sur des couplets bien customisés et un entêtant refrain, c'est crescendo que s'achève notre truculent parcours. Et que dire de « Crepúsculo », étourdissante ballade progressive glissant sur de délicats arpèges au piano, décochant un éblouissant et osmotique duo de guitares, et enjolivée par les touchantes modulations d'une interprète alors touchée par la grâce ? Chapeau bas.
Quand la lumière se fait douce, nos gladiateurs se muent en de véritables bourreaux des cœurs en bataille, nous livrant alors leurs mots bleus les plus sensibles. Ce qu'illustre « Sonata Soledad », envoûtante et romantique ballade aux relents latino, que n'auraient reniée ni
Diabulus In Musica ni Elessär. Voguant sur d'enveloppantes nappes synthétiques, mise en habits de soie par les troublantes volutes de la maîtresse de cérémonie, sous-tendu par des choeurs aux abois, doté d'un seyant solo de guitare, le frissonnant instant laisse également entrevoir des enchaînements intra-pistes des plus sécurisés. La petite larme ne saurait davantage être contenue sous le joug de « Susurro », subtile et fondante ballade aux airs d'un slow qui emballe. A la confluence entre
Stream Of Passion et
Xandria, glissant sur des couplets finement ciselés relayés chacun d'un refrain immersif à souhait, la tendre sérénade ne se quittera qu'à regret.
A l'issue de notre périple, un agréable sentiment de plénitude nous gagne, et l'on ressent l'irrépressible envie de remettre le couvert aussitôt l'ultime mesure envolée. Force est d'observer que la formation péruvienne nous octroie un message musical au fort impact émotionnel, mêlant une sensible touche latina à leurs vibrantes et personnelles compositions, et offrant une panoplie complète de ce que l'aficionado déjà sensibilisé aux vibes de leurs maîtres inspirateurs serait en droit d'attendre. A la fois résolument vivifiante, souvent enjouée, un tantinet épique, un brin romantique, sachant cultiver l'effet de surprise, la proprette rondelle s'avère également variée sur les plans atmosphérique, rythmique, voire vocal, et chacun des exercices de style exploré transpire la féconde inspiration de leurs expérimentés auteurs. On comprend que le combo sud-américain a dores et déjà les cartes en main pour espérer s'imposer parmi les valeurs montantes du metal symphonique à chant féminin à l'échelle internationale. Selon votre humble serviteur, il se pourrait bien que l'on ne soit qu'aux prémices d'une aventure au long cours pour nos acolytes. Bref, un groupe à suivre de près, de très près...
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