Dans l'actuel registre metal symphonique à chant féminin, les projets fleurissent depuis deux décennies déjà, et le phénomène tendrait même à s'accélérer ces dernières années, avec, pour corollaire, de ne pas rester bien longtemps sous les feux de la rampe pour la plupart de leurs auteurs. Dans ce contexte de forte concurrence et un tantinet anxiogène où dominent d'inamovibles signatures (
Epica,
Nightwish,
Leaves' Eyes,
Xandria,
Delain...), pour les nouveaux entrants, la tâche s'avère donc on ne peut plus ardue et l'exercice exigeant. Conscient de cet état de fait, ce jeune groupe metal symphonique gothique italien originaire de Pistoia (Toscane) s'est montré prudent dans sa démarche, n'ayant sorti « Myrrah », sa première démo, que fin 2013 ; soit plus d'un an suite à sa co-fondation par Roberto Cimellaro (guitare et chant), Matteo Bottaro (chant) et Alberto Bertucci (batterie).
Originellement dénommée Archeosophia, et rapidement muée en
Symphonia, cette formation a subi quelques changements de line up pour finalement unifier les talents de : Silvia Pellegrini (frontwoman), après l'abandon de Matteo ; Federico
Masi (batterie), en remplacement d'Alberto ; Upul Pamodya Marasinghe (claviers) ; Francesco Fambrini (basse) et Roberto Cimellaro. De cette collaboration naît en 2015 «
Reign of
Illusion », premier mini album où s'égrainent 7 titres sur un ruban auditif de 32 minutes. Sans témoigner d'un enregistrement exempt de sonorités parasites, la qualité de la production d'ensemble reste correcte, notamment au regard d'un mixage équilibrant parfaitement les parties instrumentales et vocales entre elles. En ce sens, on suit le développement du propos sans encombres, même si l'on peut déplorer quelques finitions manquant à l'appel.
C'est dans un metal mélodico-symphonique que l'art du collectif rital serait le plus naturel. Ainsi, un généreux et prégnant picking à la lead guitare introduit avec les honneurs «
Erynies », rafraîchissant titre pop-metal symphonique, très ''delainien'' en l'âme, avec un soupçon d'
Arven quant aux harmoniques déployées. Jouissant de souples frappes de fûts et de gimmicks à la basse, dotée d'un inattendu solo de synthé, agrémentée du clair filet de voix doublé de stupéfiantes envolées de la belle, l'offrande n'a pas tari d'atouts pour nous séduire. L'entraînant «
Angel of
Night », quant à lui, de par sa dynamique rythmique, son riffing grésillant, sa mélodicité aigre-douce, renvoie à l'univers de «
Eternal Embrace », premier album longue durée de
The Fall Of Eve. Se parant, par contraste, de fins arpèges au piano, l'exercice de style fait montre d'originalité. Toutefois, s'observent quelques nasillardes impulsions de la sirène (apparentées à celles de Laura Tracey), plutôt éprouvantes à la longue, s'avérant au final moins efficaces que celles de la chanteuse britannique.
Par ailleurs, nos acolytes disposent d'une non moins saisissante corde gothique à leur arc. Ainsi, dans la lignée de
The Gathering (première période), tant le polyrythmique « Lamia » que le tonique «
Paradise Lost » empruntent la voie d'un gothique mélodique bien huilé. Sur un riffing acéré doublé d'un staccato bien amené par Roberto sur les deux pistes, le collectif italien nous rallie déjà à sa cause. Par ailleurs, plutôt à son aise dans cette mouvance, avec de faux airs de
Anneke Van Giersbergen, la jeune interprète ici se transcende, nous scotchant par son aisance à monter dans les aigus sans y perdre ni en justesse ni en tenue de note. Dans cette veine, sur une rythmique syncopée, on ne passera pas outre «
Orpheus » tant pour ses riffs mordants et bien agencés qu'au regard de ses enchaînements couplets/refrains aux petits oignons.
Quant aux amateurs de moments intimistes, ils ne seront nullement laissés pour compte, loin s'en faut, le combo nous conviant à deux instants tamisés et complémentaires que pourraient bien leur envier leurs maîtres inspirateurs. Ainsi, les yeux du chaland se fermeront tout naturellement sous les caressantes ondulations de «
Lady of Shalot », troublante power ballade à mi-chemin entre les captatrices oscillations mélodiques d'un
Delain de la première heure et la subtile combinaison d'accords d'
Arven. Mise en habits de soie par les cristallines modulations de la sirène et dotée d'un somptueux picking à la guitare acoustique, et bien qu'éminemment classique dans sa structure, cette tendre aubade ne manquera pas sa cible, celle de nos émotions les plus secrètement enfouies. De même, on ne restera pas moins insensible au message délivré par « Myrrah », romantique et poignant instant doté d'un enivrant riffing, cette fois plus proche de
The Gathering de par son atmosphère gothique.
En dépit d'un manque certain de prise de risques, d'une logistique restant à affermir et d'une empreinte vocale à affûter, force est d'admettre qu'au fil des écoutes la magie finit par opérer. Cependant, malgré de réelles qualités techniques et mélodiques et une solide cohésion groupale, il leur faudra encore diversifier l'offre (fresques, instrumentaux, choeurs, duos...) et sortir des sentiers battus pour espérer impacter un auditorat déjà sensibilisé aux travaux de leurs sources d'influence. Autrement dit, si l'on ne reste pas sur sa faim, le groupe ayant opté pour un set de compositions aux séries d'accords immersives, souvent émouvantes, voire addictives, la gourmandise nous poussera à en espérer davantage. Le potentiel aidant, il se pourrait bien que la fraîche troupe finisse par nous surprendre, peut-être à l'aune d'un album full length. Du moins, on ne peut que le souhaiter...
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