Depraved, si vous suivez un tant soit peu la scène death grind française, vous en avez forcément entendu parler. Depuis plus de 20 ans qu’ils sillonnent la France en long, en large et en travers, les Messins se sont forgés une sacrée réputation scénique et sont parvenus à se faire un nom plus que respectable dans l’underground.
2014 marque un tournant important pour le groupe, avec la sortie de
Dive Into
Psycho Terror, retour après plus de dix ans d’absence qui présente une musique plus mûre, riche et professionnelle que par le passé. Voilà donc avec
Raped Innocence le quatrième album longue durée de la formation, qui accentue encore le sillon creusé cinq ans plus tôt, proposant une musique toujours plus variée et mélodique mais toujours aussi décapante.
La courte intro fait o(ri)ffice de préliminaires, et d’entrée de jeu, ça sent le sadisme, la folie, la rage et la souffrance. On est donc bien partis pour savourer la suite, et ça tombe plutôt bien car See My Suffering World va nous décaper méchamment la tronche : gros riffs de guitare mastoc, groove imparable, éructations bien grasses appuyées par ces quelques petites pointes suraiguës typiques du grind, le tout admirablement rythmé par un batteur qui, entre les roulements du début, l’irrésistible et headbangant poum tchac des familles et ses tartines de blasts est capable de pointes de vitesse plus qu’honorables. Le tout sonne comme un véritable rouleau compresseur, puissant et entraînant à la fois, mais pas pour autant dépourvu de finesse, puisque la fin du morceau se fait plus mélodique.
God Forgives I Don’t enfonce le clou rouillé dans la plaie, riff simplissime, chant de grizzly en rut et ce refrain dévastateur blasté à toute blinde où growl enroué et chœurs de hooligans vénères se donnent la réplique en un brulot irrésistible, qui me rappelle un peu le
Blockheads de
Human Parade.
C’est un fait,
Depraved a encore amélioré sa qualité de composition et arrive désormais à écrire de réelles « chansons » death grind à la fois violentes, ultra entraînantes et faciles à retenir.
D’une manière générale, le riffing est plutôt simple mais très bon et fait mouche, servi par un son optimal, clair et puissant, et on appréciera la diversité des guitares dans un genre où la norme est trop souvent de cracher la même bouillie sursaturée et inaudible se résumant à un mur de disto à moitié couvert par des piq squeals pitchés et une caisse claire sonnant comme une batterie de cuisine. De fait,
Raped Innocence est bien plus qu’un simple album de death grind bourrin et bas du front et pioche allègrement dans tous les styles extrêmes pour proposer sa propre mixture : feeling sombre et presque black metal sur The
Mask of Terror, thrash sur Prisonner in My
Head, death old school, mid tempo et puissant sur No Time for Peace…).
Cette variété est bienvenue, le groupe parvenant à ménager quelques mélodies et mid tempo qui permettent de souffler sans nuire à la puissance de l’ensemble (l’excellent break mélodique à 2,25 minutes de 50
Shade of
Blood, No Time for Peace, qui sonnerait presque comme du
Bolt Thrower) et ces 34 petites minutes sont extrêmement dynamiques, avec un feeling rock indéniable (
God Forgives I Don’t et ces chœurs punk, le court et intense
Mental Illness, groovy en diable, qui ressemble à une partouze entre Motorhead et
Venom copieusement arrosée du foutre de
Depraved, le très bon solo de
Corridor of
Insanity).
Raped Innocence est donc un album à la fois brutal (des morceaux comme See My Suffering World,
Mesmerize ou Asylum se subissent comme de grosses mandales dans la tronche que l’on encaisse avec le sourire) et varié qui parvient à rester accrocheur de bout en bout malgré la violence du propos. Voilà sans aucun doute l’album le plus diversifié et facile d’accès de
Depraved, beaucoup diront le meilleur, et si vous aimez le metal extrême sauvage, rapide, dévastateur et groovy, vous risquez de souiller méchamment votre caleçon à l’écoute de ces onze titres.
Si vous en voulez encore une couche, ça tombe bien puisque les cinq vont fouler les planches à Fismes et à Luneville les 1er et 14 mars histoire de répandre la bonne parole. Je vous conseille de ne pas rater ça, ne serait-ce que si vous ne voulez pas vous mettre à dos quatre psychopathes complètement pétés du bulbe : vous forcer à écouter leur album à volume maximum n‘est pas la pire violence qu’ils pourraient vous faire subir, et il n’y a qu’à jeter un coup d’œil aux textes et à la pochette de
Raped Innocence pour s’en convaincre (les metalleuses quant à elles peuvent se tourner vers l’artwork de
Decadence and Lust ha ha !). On vous aura prévenu !
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