Parfois les mystères les plus inextricables s’imposent à nous avec la force fracassante de l’incontestable injustice dont ils sont le résultat. Comment, en effet, expliquer que certaines œuvres essentielles expirent sans cesse, de manière inique, et finissent même par avoir raison de leurs auteurs ? Peut-être parce que les vérités évidente et universelle n’ont aucunes valeur lorsqu’il s’agit d’analyser, d’exprimer et d’expliquer un ressenti face à une œuvre artistique. Ce qui touche les uns en laissera d’autres, forcement indifférent. Ainsi Planet E. (1996) et Menergy (1999), deux édifices magistraux, ne suscitera, de la part d’un auditoire égaré face à tous les changements d’une scène en pleine mutation et en plein renouveau, qu’une cruelle indifférence. Ciselant sur la stèle chaque caractère d’une regrettable épitaphe remarquable, d’un
Heavens Gate à l’agonie après plus de quinze années dévouées au Heavy
Metal, ces deux albums scelleront définitivement le sort inéluctable de ces allemands. Face à ce qui restera ses deux monuments ultime les plus superbes, les plus inspirés, mais aussi les plus incompris, seul l’amertume d’une déception immense pouvaient nous étreindre. Si certains membres du défunt connurent leurs heures de gloire en d’autres lieux, les aptitudes exceptionnelles de chanteur de Thomas Rettke ne furent que discrétion et parcimonie perdus dans les profondeurs abyssales du chœur de quelques unes des œuvres contemporaines les plus prestigieuses (
Edguy,
Rhapsody Of Fire…).
Puis vint
Redkey, le projet par lequel l’artiste repris son destin en main.
Lorsqu’en 2006 sort ce premier effort, intitulé
Rage of Fire, seul les plus inconditionnels se souviennent encore de qui fut l’homme. Dans un désintéressement qui n’a guère changé,
Redkey, défendu par, donc, Thomas Rettke mais aussi Sascha Paeth, tente d’imposer sa vision d’une musique Heavy/
Power Metal moderne aux riffs de guitares fortement thrashy. Nul doute que les similitudes évidentes avec, toutes proportions gardées, le
Judas Priest de Painkiller ne manqueront pas de frapper l’auditeur. Mais ne nous y trompons pas, cette filiation, même incontestable, en reste une parmi d’autres. A ce titre, il est curieux et amusant de noter que
Redkey reprends l’histoire là où
Heavens Gate avait cessé la sienne, plongeant au cœur de cet époque révolu. Cet anachronisme pourrait, très certainement, condamner ce groupe. Pourtant si l’ensemble de l’œuvre nous offre une musique plaisante où les six cordes distillent délicieusement cette atmosphère nerveuse inhérente au Thrash conjugué au Heavy, dans une vision passéiste, à l’anglaise, proche de celle de K.K Downing et des siens, il nous propose aussi une musique plus actuelle, un Heavy/
Power parent éloigné de Nevermore ou
Brainstorm. Tiraillé entre ces visages distincts,
Redkey compose néanmoins un mélange relativement plaisant. Sans révolution, il s’inscrit donc dans une certaine continuité du présent. Cette sensation, certes, pas nouvelle, mais intéressante, l’est d’autant plus que le véritable suc divin de cet opus nous est proposé par un Thomas Rettke époustouflant. De cette voix polyvalente et rugueuse, mais qui ne daigne pas s’élever admirablement vers de superbes aigus célestes, il réussi superbement à nous convaincre, à défaut de réellement nous bouleverser.
Dans cette océan uniforme seul le trop classiquement Heavy
Metal, The
Fortune, épuré de la fébrilité de ces riffs thrashy, au préambule interminable, et ou Tobias Sammet vient prêter main forte à Thomas ; apparait comme hautement dispensable.
Ce
Rage of Fire propose donc la démarche, pas réellement novatrice, ni même, soyons franc, totalement captivante, de tenter de réconcilier un passé pas si lointain à un présent plus moderne. De manière quelque peu suranné, il unie, pourtant de manière attrayantes, ces influences les plus antiques à d’autres plus actuelles. Néanmoins sans l’immense talent de Thomas Rettke, et de Sascha Paeth, nul doute que cet œuvre n’en serait que plus négligeable encore.
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