C'est une histoire qui tend à se répéter de plus en plus dans le vaste monde métallique : un groupe se forme, et joue humblement des reprises de ses modèles, se spécialisant parfois sur un précisément. Mais au bout d'un moment, peut-être lassé, le groupe veut passer aux choses sérieuses, commence à travailler sur ses propres compositions et finit par sortir son propre album. Ces cas-là, bien qu'intéressants, sont toutefois difficiles à traiter, du fait d'influences souvent mal digérées et beaucoup trop visibles. Il est alors compliqué d'analyser de tels albums en faisant la part des choses tout en restant honnête dans les constats. Comme par hasard, le groupe italien Trick or
Treat dont il est question aujourd'hui en est un exemple typique.
Trick or
Treat est donc formé à Modène (Nord de l'Italie) il y a une douzaine d'années, en tant que tribute band d'
Helloween. En 2006, les transalpins sortent leur premier album longue durée avec des compositions personnelles, curieusement nommé
Evil Needs Candy Too. De même que sur le second effort
Tin Soldiers, les influences sont extrêmement marquées en grande partie par la scène power allemande, et ce n'est pas pour le mieux. Il y a du
Helloween bien sûr, mais on y retrouve un petit côté
Gamma Ray autant qu'
Edguy. Quelques intonations à la
Rhapsody sont aussi présentes, mais elles sont peut-être simplement dues au pays d'origine de la formation, qui possède, on le sait, un caractère fort.
Nous en sommes aujourd'hui au troisième méfait de Trick or
Treat, sorti fin
2012, et qui montre un peu plus d'ambition que ses prédécesseurs par sa qualité de concept-album. L'histoire est centrée sur un roman pour enfants des années 70, écrit par Richard Adams et intitulé "Les garennes de Watership
Down" ; d'où les magnifiques illustrations de la pochette et du livret, réalisées par le vocaliste.
En bon concept-album, ce
Rabbits' Hill débute sur une courte introduction narrative présentant l'intrigue et posant l'ambiance, avant de nous emmener sur les riffs véloces de Prince with a 1000 Ennemies. Gros son, rythme élevé, chœurs lors de refrains, voix haut-perchée, virtuosité guitaristique et jeu en harmonie, nous sommes bien là dans un standard helloweenien de l'époque bénie des Keepers. Et ce n'est bien évidemment pas le seul titre présentant ces ressemblances frappantes : il y a le mid-tempo Premonition ou encore Between
Anger and Tears où Alessandro Conti mime
Michael Kiske avec une réussite troublante. On pourrait continuer longtemps ce jeu de chercher les influences dans les compositions (mon cher collègue évoque par exemple
Edguy pour certains morceaux, ce en quoi il a tout-à-fait raison) mais je tiens à aborder aussi les choses sous un autre angle.
Tout d'abord, si Trick or
Treat peut offrir un substitut au passé de certains groupes phares de la scène allemande, on note qu'il s'agit tout de même d'un substitut d'excellente qualité et fort bien produit, alors qu'au moment de la sortie de ce
Rabbits' Hill, on n'imaginait même plus Kiske chanter un jour sur du heavy speed. Il existe bien une vague de heavy metal old school présentant de très belles choses, alors pourquoi refaire du vieux
Helloween serait illégitime ? D'autant plus que sortis de tout contexte, les titres en question sont généralement bons : bien composés, riches, accrocheurs … Que dire des excellents (certes moins pompés sur les citrouilles) The Tale of Rowsby
Woof et I'll Come Back for You ? Le côté très professionnel à la fois de la production et de la technique achève de donner du poids au groupe (ils accueillent même André Matos sur la première chanson, alors …).
Enfin, détail loin d'être négligeable,
Rabbits' Hill premier du nom est un album présentant une histoire, ce qui implique comme généralement intro, interludes, et tout ce qui va avec. Ces moments-là nous éloignent à grand pas des influences sensées être omniprésentes, pour nous diriger vers les paysages champêtres et bucoliques de Spring in the Warren, ou encore vers l'étrange folie du "jazz-swing" SpassoSpasso". Si ce sont des passages assurément rafraîchissants (voire un peu trop sur Spasso x2), on doute en revanche de l'utilité de nous rafraîchir à peine le premier vrai morceau passé …
Cependant l'analyse n'est pas terminée, le temps pour quelques ombres de venir assombrir le tableau. Notons en premier lieu une certaine redondance dans le propos concernant le ventre de l'album, où les morceaux se succèdent et tendent légèrement à se ressembler entre eux. Le ton employé mériterait d'être plus changeant, plutôt qu'un rythme gardé sur la majorité des morceaux ou encore la même posture vocale. Mon deuxième bémol concerne le chanteur Alessandro Conti. Certes, ce dernier fournit ici une prestation de qualité, titillant même l'élégance de Kiske comme dit plus haut, mais rappelons qu'il s'est aussi illustré quelques mois auparavant lors de l'album de
Luca Turilli's Rhapsody avec une performance presque théâtrale époustouflante. Dommage qu'il n'ait pas réitéré l'effort ici, ne parvenant pas à retrouver entièrement la grâce que lui avait donnée Turilli.
Loin de n'être qu'une pale copie de ses maîtres vénérés mais aussi loin de figurer comme l'album qui révolutionnera le genre, le
Rabbits' Hill de Trick or
Treat se situe dans le vaste milieu des albums qui malheureusement risquent l'oubli sur une étagère poussiéreuse. Espérons que ses indéniables qualités associées au magnifique digipack dans lequel il est présenté le sauveront de l'oubli, car il ne mérite pas non plus une indifférence totale. Je suis sincèrement convaincu que le groupe va en s'améliorant (il n'y a qu'à regarder le chemin parcouru), et comme ce disque s'intitule
Rabbits' Hill PART 1, il y a de fortes chances qu'on ait droit à un second volume …
PS : En bonus voici une petite animation très mignonne et choupinou sur le dernier morceau du disque. Et oui, on peut être métalleux et aimer les lapins ...
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