En matière de boue épaisse (ou sludge), la France fait office de figure de proue. Loin de la vase des marécages de Louisiane, le groupe Rennais
Fange, créé en 2013, en est un des plus solides apôtres. Il sort en septembre 2016 son premier full-length, le bien-nommé
Purge. Le groupe s'entoure du gueuleur fou de
Calvaiire, également papa de l'excellent label Throatruiner, Matthias Jungbluth. L'objectif est toujours le même et se veut simple : lâcher la purée et se
Purger de tout ce que ce monde nous livre comme bassesses et comme absurdités.
« Cour Martial » entame ce périple de vingt mille lieux sous la terre. La terre il y en a dans cet opus, à l'image de ce riff graveleux et lourdingue (dans le bon sens du terme) qui succède à une intro inquiétante rappelant celle d'un First Prayer de
Deathspell Omega. La recette reste donc inchangée pour
Fange concernant le riffing. Les amplis sont toujours à 11 et les compos faites de power-chord nous rappellent les bonnes heures d'un vieux
Entombed en plus lent évidemment, le but du combo étant de nous écraser, de nous étouffer jusqu'à ce que nous le supplions d'arrêter. Le chant est moins en retrait que sur les précédents EPs mais est cependant toujours étouffé par le mur de son créé par la saturation volontairement excessive de la guitare. Cela renforce le côté misanthropique et caverneux du groupe. Le résultat est des plus aboutis et c'est un des points positifs de l'arrivée de Matthias Jungbluth dans la formation : la musique de
Fange est plus variée qu'à l'accoutumée. Certes l'influence du blues burné et lent des
Eyehategod et consorts est toujours présente dans ce disque, à l'image du riff de « De Guerre Lasse » qui aurait bien pu être composé par le roi des pourris (
King Of The
Rotten pour reprendre le titre d'un morceau de
Corrosion Of Conformity, autre entité importante du sludge américain) Jimmy Bower. Ce riff groovy en fait un des morceaux les plus réussis de l'album. Cependant, certains passages nous attirent dans les contrées plus froides du BM à travers un chant déchiré comme sur « Girone Della
Merda » ou les passages plus étranges et cosmiques (oui cosmique, il y a de la boue aussi sur les étoiles) comme au milieu de « Roy-Vermine ». La fin de ce même morceau peut rappeler également les expérimentations d'un Swans période
Filth. Certains riffs bien punk viennent donner du rythme à la bête et apportent de la fraîcheur à ce brasier. La force de cet album est donc cette variété sonore : autant l'album est dur à avaler en raison de sa violence et de son caractère jusqu'au-boutiste, autant il est difficile pour l'amateur de son cradingue et lent de s'ennuyer à l'écoute de celui-ci.
Quant à l'artwork de
Purge, le résultat est mitigé. Cette pochette m'évoque la mythique pochette de Reek Of
Putrefaction de
Carcass avec son ramassi de chairs et de saletés en tous genres. Il est une représentation fidèle de la musique, dense, répugnant et sanglant, mais n'apporte rien à celle-ci de particulier.
La musique de
Fange prend tout son sens sur scène. Les shows intenses que propose le combo sont d'une incroyable frénésie. Matthias Jungbluth est véritablement possédé lorsqu'il prend le micro, micro qu'il n'hésite pas à utiliser afin de se donner des coups. La souffrance est à la fois musicale et visuelle chez
Fange. Elle est réelle, pas comme le sang artificiel d'un bon nombre de formations de BM. Ce fût pour moi un des meilleurs concerts du Motocultor 2016.
Le groupe porte donc l'étendard du son lent et abrupt français avec brio au côté de
Cult Of Occult,
Verdun,
Love Sex Machine,
Cowards et j'en oublie certainement...
En conclusion,
Fange atteint un nouveau palier avec cet album. La bête est en marche, bien décidée à tout ravager sur son passage sans toutefois tomber dans l'attaque bête et méchante. Elle se nourrit de vermines et de larves gluantes et nous recrache ce charmant repas à la gueule sous forme de larsens et de riffs visqueux. On en redemande !
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