Depuis l’essor d’
Entombed &
Carnage suite à leur premier album respectivement paru chez Earache et sa division
Necrosis en 1990, la scène deathmetal suédoise en pleine ébullition attire désormais de nombreux regards, tout en voyant éclore chaque semaine de nouvelles formations. Le phénomène attire l’attention du label stockholmois CBR Records, pourtant guère spécialisé en deathmetal mais plus volontiers en crustcore (
Anti-Cimex,
No Security), bien décidé à rassembler sous la compilation
Projections of a Stained Mind une partie du gratin death suédois en ces années 90/91.
La sensation n°1 se nomme bien sûr
Entombed, depuis son premier album vécu comme une révolution. De nouveau au complet depuis l’intégration fraiche du bassiste Lars Rosenberg, le quintette enregistre au printemps 90 le morceau
Chronic Decay dans les Sunlight Studios pour les besoins de la compilation, une composition dans la lignée de Left
Hand Path. Il s’agit d’ailleurs de la dernière session du growler LG Petrov avant son limogeage irréfléchi, qui ne durera heureusement qu’un an. Cette piste initialement prévue sur le second album servira finalement pour l’EP
Crawl, rejouée au passage avec Orvar Safstrom en intérim. Notre suppléant est d’ailleurs présent sur cette compilation avec son groupe
Nirvana 2002, ayant réservé une journée d’avril 90 aux Sunlight pour la capture de Mourning, morceau redoutable et professionnel n’ayant pas à rougir face à ceux de son confrère
Entombed, avec un son de guitare granuleux & cisaillant idéalement retranscrit par Tomas Skogsberg.
Dismember, l’autre groupe de Stockholm le plus en vue avec
Entombed depuis sa reformation et l’arrêt de
Carnage, présente quant à lui
Sickening Art, un titre remarquable issu de sa démo
Reborn in
Blasphemy capturée en août 90 aux Sunlight. Les deux autres pistes de la maquette se trouvent quant à elles sur la compilation Death Is Just the Beginning de Nuclearblast, qui vient tout juste de récupérer la bande sous son aile en cette fin d’année 90. L’intégralité de la démo sera d’ailleurs réenregistrée pour le debut-album à venir. Durant ce mois d’août,
Dismember a certainement dû croiser son homonyme
Grotesque aux Sunlight, qui immortalise l’incontournable mini-LP
Incantation, dont est issu le diabolique morceau
Spawn of Azazthoth présent sur la compilation. A l’heure où elle parait, le trio infernal de Göteborg s’est malheureusement déjà séparé.
Succédant de peu,
Tiamat de Stockholm investit quant à lui les Sunlight Studios une ultime fois en novembre 90, pour la capture de deux titres qui atterriront à la fois sur le split In the
Eyes of Death (
Century Media) et l’EP A
Winter Shadow (CBR Records).
Ancient Entity, tiré de cette courte session et aussi inclus sur la présente compilation, est une transition notable entre la rugosité du premier LP Sumerian
Cry et les contours atmosphériques à venir, piste qui sera d’ailleurs réarrangée sur le futur album confié à l’ingénieur Waldemar Sorychta. Formation très attendue depuis l’éviction de Johnny Hedlund par
Nihilist (/
Entombed),
Unleashed est aussi de la partie avec
Dark One, issu de sa démo The Utter
Dark capturée live en studio un jour de mars 90. C’est une version nettement plus brute de ce fabuleux titre que l’on retrouvera sur le debut-album avec un traitement radicalement différent (plus lisse et tellement bon) dans les mains de l’ingénieur Waldemar Sorychta, tout comme dans le cas de
Tiamat.
Therion &
Merciless, respectivement issus de la capitale et sa banlieue, sont également des invités de marque, ayant tout comme
Entombed et
Tiamat un album à leur actif,
Of Darkness de
Therion étant encore chaud dans les bacs des disquaires. Ce dernier a déjà sensiblement évolué depuis son mini-LP Time Shall Tell et son debut-album, comme en témoigne Future
Conscience enregistré pour les besoins de la compilation, une pièce plus épique renfermant l’un des plus beaux finals de l’histoire du deathmetal, et réenregistrée sous la houlette de Rex Gilssen à l’occasion du second LP à venir.
Merciless est quant à lui l’un des pionniers de la scène extrême suédoise avec son premier disque
The Awakening paru à la fin des eighties chez DSP, le label d’Euronymous, leader du groupe norvégien
Mayhem. Notre quatuor a d’ailleurs droit exceptionnellement à deux morceaux sur le CD de la compilation,
Nuclear Attack et The Book of
Lies, où son style si agressif s’alourdit et se rapproche plus distinctement du deathmetal. Il s’agit ici-même de deux versions brutes, qui seront réenregistrées à l’été 91 aux Sunlight Studios pour le second album initialement prévu chez CBR mais finalement édité chez Active Records avec une année de retard.
L’entité ténébreuse
Mayhem évoquée précédemment est la seule non-suédoise de cette compilation (hormis son chanteur
Dead, ex-frontman de
Morbid), le quatuor d’Oslo étant lui aussi représenté sur le CD par deux morceaux bruts enregistrés en avril 90,
Carnage et Freezing
Moon. La mutation en une entité purement blackmetal est terminée, les vociférations morbides de
Dead finissant de dresser ce décor tout en noirceur. Un premier album est d’ores et déjà programmé en 1991, mais son enregistrement (incluant notamment Freezing
Moon) est reporté deux années plus tard suite au suicide tant commenté de son chanteur charismatique.
Les cinq autres groupes présents sur
Projections of a Stained Mind ne sont pas les plus connus, ce qui n’empêche pas un certain talent.
La ville suédoise d’Eskilstuna un peu à l’ouest de la capitale est notamment représentée par trois groupes.
Macrodex est le plus lourd de cette compilation, avec un titre rugueux à l’accordage bas, que l’on peut rapprocher des démos de
Crematory (swe). La bande optera par la suite plus un style death plus technique et aéré, changeant dans la foulée son patronyme en
Crypt of
Kerberos pour disparaitre après un EP et un bon premier album.
Chronic Decay est quant à lui représenté avec un morceau issu de son EP Ecstasy of
Pain de 1990, lâchant un death rapide et agressif. Le quatuor enregistrera par la suite un premier album nerveux, qui ne paraitra que seize années plus tard. Enfin, House of Usher est un jeune quintette livrant ici son premier travail, une piste de qualité prometteuse pour une bande éphémère qui ne dépassera pas le stade des démos & EP (dont le notable On the Very
Verge de 91), ses talentueux guitaristes Mattias Kennhed et Martin Larsson poursuivant ensuite respectivement chez
Dischange (/
Meanwhile) et At the
Gates.
Traumatic de Mjölby n’a non plus rien à envier avec un titre solide & corrosif tiré de sa première maquette de 90, nourrissant d’ailleurs beaucoup espoir à l’époque des demo-tapes, avant un premier album tardif et décevant. Enfin,
Skull de Stockholm est le groupe le plus à part, représenté par un morceau de sa première et unique démo de 90, lâchant un crustcore honnête en décalage avec le côté metal de la compilation, alors qu’une piste de Grave pour clôturer le tout eut été la cerise sur le gâteau.
Compilé courant 1990 et fin prêt au printemps suivant,
Projections of a Stained Mind est farci de morceaux devenus cultes comme Freezing
Moon ou
Sickening Art, et donne un bon panorama du premier paysage deathmetal suédois (
Mayhem en plus), bien que quelques détracteurs puissent pester devant l’absence de Grave,
Carnage,
Necrophobic ou
Crematory. Il était de toute façon impossible de rassembler sur un seul CD le nombre affolant de bonnes formations en activité à cette époque, la version vinyle n’incluant quant à elle que 11 pistes sur les 16 présentes sur le CD (
Traumatic,
Tiamat et
Macrodex passant à la trappe). Le recueil de ces premières heures suédoises est néanmoins fidèle, tout en conservant aujourd’hui l’intérêt d’une sélection majoritaire de versions inédites et brutes de décoffrage, un témoignage captivant de l’évolution de jeunes groupes influents, ayant eu ou non la chance de percer. A écouter ou réécouter avec une passion dévorante.
Fabien.
Il y tout de même eu un sacré paquet de compilations. Dans les années 90, les samplers mensuels de Metallian (et autres magazines) renfermaient aussi de belles pépites. Ensuite, c’était à chacun d’explorer les bacs, les VPC, d'éplucher des listes de remerciement, les catalogues des labels et des distributeurs, de recueillir les flyers, de prendre des risques, de faire du tape-trading, etc. Fabien.
Ah, les compilations thrashmetal des années 80s ! L'une des plus mémorables reste à mon sens Speed Kills Volume IV en 1989, avec Death, Bathory, Possessed, Dark Angel, Exodus, Nuclear Assault, Hexx, Agony, Acid Reign, Holy Terror, Forbidden, Blind Illusion, Apocalypse et Acid Reign, des groupes bien souvent à leur apogée à cette période. J'ai rapidement eu soif de posséder tous ces albums. Fabien.
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