Portals

ajouter les paroles de l'album
ajouter une chronique/commentaire
Ajouter un fichier audio
16/20
Nom du groupe Kirk Hammett
Nom de l'album Portals
Type EP
Date de parution 23 Avril 2022
Style MusicalGuitar Hero
Membres possèdant cet album3

Tracklist

1.
 Maiden and the Monster
 
2.
 The Jinn
 
3.
 High Plains Drifter
 
4.
 The Incantation
 

Acheter cet album

 buy  24,12 €  19,97 €  £29.99  buy  43,19 €  22,23 €
Spirit of Metal est soutenu par ses lecteurs. Quand vous achetez via nos liens commerciaux, le site peut gagner une commission

Kirk Hammett


Chronique @ JeanEdernDesecrator

27 Mai 2022

une météorite tombée de nulle part, hérissée de cristaux fascinants

Les affaires de Metallica se placent à un niveau proche de la raison d'État, lorsqu'il s'agit de l'implication totale de ses membres dans le groupe : aucun d'entre eux n'avait donc fait de vrai projet parallèle, jusqu'à un passé récent. Leur ancien bassiste Jason Newsted en a fait les frais, avec pertes et fracas en 2001 après avoir fondé Echobrain...

Kirk Hammett, qu'on ne présente plus - allez enfin si, un petit peu - guitariste lead de qui-vous-savez, élève de Joe Satriani, et transfuge d'Exodus en remplacement de Dave Mustaine, s'est fait un petit nom dans le monde de la guitare des années 80. Le chapelet de soli de "One", pour ne citer que lui, est mythique, et aujourd'hui encore, quel apprenti soliste ne fait pas ses armes sur des tablatures de Kirk ? Cependant, de nos jours, avec internet qui voit tout et n'oublie rien, le guitar hero de Metallica a un peu glissé de son piédestal, raillé par des youtubeurs indélicats pour sa nonchalance, son usage immodéré de la wah wah, son imprécision et quelques bourdes en concert. Pardonnables broutilles quand on pense à l'héritage qu'il laisse dans le métal...

Des quatre, Kirk est peut-être la personnalité la moins forte, ayant gardé une timidité et une réserve adolescentes. Il n'en est pas moins une force créatrice indéniable, et il suffit de l'écouter parler de musique pour être convaincu de sa passion. Mais il semble qu'avec le temps qui coule sous les ponts et la sagesse qui raréfient les cheveux longs, Lars et Jaymz ont enfin accepter de lâcher la bride. Kirk a pu faire quelques infidélités avec son projet The Wedding Band, All Stars Band de reprises démarré sur le ton de la boutade, avec son metallicompère Rob Trujillo à la basse, Joey Castillo (Queen Of The Stone Age) à la batterie, Whitfield Crane (Ugly Kid Joe) au chant, plus n'importe quel zicos susceptible de jammer à l'occasion.

Kirk Hammett aurait pu se laisser tranquillement décanter dans son coin entre deux albums des Four Horsemen, mais voici qu'enfin, après quarante années de carrière, il sort enfin un disque sous son propre nom. Qu'est-ce qui fait que Kirk a enfin sauté le pas ? La bénédiction inespérée de ses compagnons de toujours ? S'être débarrassé de certaines addictions, ou une maturité enfin assumée pour explorer les univers dont il a envie, sans entraves ?

C'est, encore une fois, cette facétieuse pandémie qui a poussé Kirk à profiter du temps perdu pour composer, avec l'aide d'Edwin Outwater, qui avait œuvré sur l'album symphonique de Metallica "S&M2". Arrivé à quatre titres, Kirk se rendit compte qu'il serait, selon ses mots "bien de les partager, et un crime de ne pas le faire". Outre Edwin Outwater qui s'est chargé des claviers et a dirigé des musiciens du LA Philarmonic pour les orchestrations additionnelles, on trouve Greg Fidelman à la basse, ainsi que John Theodore et Abraham Laboriel derrière les fûts. L'EP a été sorti le 23 avril 2022 sur le label de Metallica, Blackened Recordings, teasé par un premier extrait, "High Plains Drifter", dévoilé une semaine plus tôt.

Si vous avez écouté ce dernier, vous vous doutez que Kirk Hammet est parti à l'opposé du thrash de Metallica, si ce n'est qu'il rappelle quelque peu l'intro d'Ennio Morricone qui resonne en intro de chacun de leurs concerts. Car la première écoute déconcerte, tellement Kirk est allé loin sur son chemin personnel. Pour tout dire, avec ces enchaînements d'idées disparates, ces arrets/redémarrages quasi sans transition amenée, "Portals" ressemble plus à mes oreilles à un One Man Band de luxe qu'à l'album solo d'un des guitaristes les plus emblématiques du metal. La production, dont il s'est chargé lui-même assisté de Bob Rock, n'est pas exempte de reproches, avec des drums qui manquent de dynamique, presque comme une batterie virtuelle, une basse aux fraises, et quelques choix de sons de guitare incompréhensibles (ce son de sitar de série B au beau milieu de "The Incantation" !).
En outre, la majorité du temps la batterie est tout simplement absente, et n'arrive qu'une fois les morceaux bien entamés, ou à la fin (j'imagine le batteur à la bourre, qui s'assoit sur le tabouret, cale un pattern au débotté), ce qui renforce ce coté bande son instrumentale.

Pourtant, malgré ses défauts de débutant, si j'ose dire, "Portals" est allé me chercher loin dans ce qui fait que j'aime la musique. Avec ses ambiances de bande originale, il a une dimension contemplative et cinématographique appelant des réminiscences des années soixante-dix, avec un coté prog et psyché, bien qu'il ne soit ni de structures complexes, ni boursouflé de virtuosité. Certains riffs ou enchainements d'accords sont même presque simplistes, juste surprenants par une dernière note incongrue ou des arrangements bien trouvés. C'est là qu'on trouve certaines influences, comme la musique classique, le flamenco ou la jazz, qui s'épanouissent pleinement comme des fleurs après une averse dans le désert. L'expérimentation est omniprésente, sans limite apparente, ce qui donne même des airs de Mr Bungle sur un dernier morceau qui passe des grincements de film d'horreur à la folie grandiloquente, avec en bonus un clin d'œil "Am I Evil", le morceau de Diamond Head repris par Metallica.

Aussi, on retrouve quelques grosses guitares et des montées en puissance (celle de la fin de "High Plain Drifter" est assez jouissive), et des soli tels que Kirk n'en a plus fait depuis longtemps. Le dosage de ceux-ci est impeccable, suffisamment pour avoir sa dose de six-cordes et provoquer des pics émotionnels, sans tomber dans la démonstration. On est loin de l'album de guitar hero, car "Portals" n'en fait pas trop, et n'a pas abusé de l'empilage de couches sonores successives pour élargir le cinemascope. Les quatre titres se prêtent très bien la réécoute, tellement il y a de détails, de moments forts, et même le morceau le plus faible, "The Jinn" ne se laisse pas zapper facilement.

Je me doute que beaucoup risquent de ne pas accrocher à cet EP, très éloigné de Metallica, qui ressemble à un collage musical de gamin surdoué, qui n'aurait pas pris la peine de vraiment finir le boulot ; je ne serais pas étonné qu'il y ait un paquet de premières prises là-dedans. Seulement voilà, à chaque écoute, je vibre comme une libellule un après midi de printemps.
Allez, je l'avoue, j'ai même versé une larmichette, à mon corps défendant. Plusieurs fois. Alors que dix secondes avant, je trouvais le plan un peu bateau et convenu, comme le début de "Maiden And the Monster", révélé par le chorus merveilleux qui le rejoint au bout de quelques secondes. "Portals" n'est pas une perle, ni un diamant brut, plutôt une météorite tombée de nulle part, mal dégrossie et hérissée de cristaux fascinants. Il peut être considéré, dixit l'intéressé, comme une porte vers beaucoup d'autres possibilités, et c'est aussi ce que j'ai ressenti : une porte qui s'ouvre pour Kirk sur sa créativité si longtemps bridée. S'il fait un jour un vrai album, j'espère que Kirk Hammet y mettra toute l'ambition qui sied à son immense talent.

1 Commentaire

8 J'aime

Partager
Fonghuet - 01 Juin 2022:

merci pour la chro et les anecdotes tout autour, ça donne un ton personnel. Belle chro et belle recherche!!

    Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire

Autres productions de Kirk Hammett