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16/20
Nom du groupe Korsakov (FRA)
Nom de l'album Погружать
Type Album
Date de parution 26 Novembre 2021
Style MusicalBlack Atmosphérique
Membres possèdant cet album5

Tracklist

1.
 I
 07:59
2.
 II
 02:45
3.
 III
 10:56
4.
 IV
 04:46
5.
 V
 09:05
6.
 VI
 09:13

Durée totale : 44:44

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Korsakov (FRA)


Chronique @ Icare

17 Décembre 2021

Un post black metal à la fois troublant, froid, tranchant et fragile, toujours à fleur de peau et au bord de la rupture.

Le syndrome de Korsakov est une dégénérescence neurologique grave qui entraîne irrémédiablement la perte de la mémoire, et s’accompagne souvent de troubles progressifs de la motricité et de la vue, coupant ceux qui en souffrent du monde tangible et les enfermant dans une bulle où fantasmes, paranoïa et affabulations les maintiennent dans une réalité parallèle et psychotique.
Non, rassurez-vous, vous êtes bien sur Spirit of Metal et pas sur une revue psychiatrique, et si je me permets cette petite introduction, c’est qu’un mystérieux duo lillois a justement choisi ce patronyme pour incarner un art musical dérangeant qui se propose d’explorer les recoins les plus sombres et inavouables de cette terrible maladie.

Dès les premières mesures, on sent une tension palpable, avec ces notes graves et inquiétantes, offrant une plongée (le nom de ce premier album, Погружать, signifie « plonger » en russe) dans la psyché ravagée d’un sujet instable – peut-être nous ? - qui ne sait plus bien distinguer la réalité de ses propres chimères. En découle une musique à la fois violente et poétique, belle, écorchée et désespérée, un art sonore très expressif et émotionnel à l’image de la folie autant dans ce qu’elle a de plus sublime (une certaine grandeur, des inspirations artistiques soudaines qui confinent au génie) que de régressif et abject. Le post black metal de Korsakov est donc sans cesse tiraillé entre ces abysses inconciliables, son équilibre et son essence reposant sur cette dualité primale, ombres et lumière, euphorie et désespoir, nihilisme et élans créateurs, crises de démence et apaisement (IV, titre presque entièrement instrumental, étouffant ces cris lointains qui ne sont plus que suggérés, et qui donne cette impression de ballotage tranquille et ouaté, sorte d’inoffensive flottaison chimique - l’effet des médicaments ?), suivant les sentiments et les pulsions heurtés d’un malade qui se bat constamment pour recouvrer et assembler les fragments de sa mémoire et de sa raison défaillantes.

III est un bonne synthèse de l’art musical du combo, avec un début de morceau violent porté par un riffing répétitif et entêtant, un blast sauvage dont les échos mats s’amplifient dans notre boîte crânienne et nous empêchent de penser et un chant hurlé qui crache une souffrance et un mal-être trop douloureusement évidents, avant de proposer un long break atmosphérique très apaisé, faux calme (il n’y a qu’à entendre ces hurlements malades qui, bien qu’en retrait, nous font froid dans le dos…) suivant et précédant les bourrasques psychiques à venir. Tâtonnant dans ces méandres sinueux, l’auditeur ne cesse de s’égarer et se retrouver, luttant seul contre lui-même, les joyaux les plus purs et brillants de cet esprit schizophrène révélant dans la pénombre d’une folie toujours tapie des arêtes mortellement effilées lorsque l’on s’en approche de trop près.

Le duo n’hésite pas à utiliser une palette sonore assez large, empruntant beaucoup au post hardcore (on pense souvent à Cult of Luna le long de ces 44 minutes) voire au shoegaze, s’aventurant aussi volontiers dans des textures ambiant et atmosphériques (II) pour servir un post black metal à la fois froid, tranchant et fragile, toujours à fleur de peau et au bord de la rupture. Les riffs tourbillonnent, proposant des incursions mélodiques qui peuvent se faire lumineuses, les blasts roulent, mécaniques, abattage rapide et régulier élevant le rythme et dopant l’intensité des compos, formant avec la double pédale une sorte de chaîne implacable qui tantôt nous berce tantôt nous heurte sans ménagement, tandis que ces éructations désarticulées (il n’y a aucune parole sur ce погружать, juste des hurlements sans voix qui vibrent et résonnent dans l’immensité vide de notre propre âme) nous transpercent et nous déchirent, peut-être même encore plus lorsqu’ils sont en retrait, comme s’ils tentaient maladroitement de cacher une souffrance devenue vraiment insoutenable (le break central de III où ils crissent comme des ongles sur une paroi de verre).


Le son est net et clair, très froid, créant un sentiment à la fois lointain, irréel et un peu oppressant nous suspendant entre rêve et réalité, comme si on s’observait sortir de notre propre corps. Ajoutons à cela un côté conceptuel poussé, avec notamment un aspect visuel très soigné (il n’y a qu’à voir la qualité impressionnante du clip vidéo proposé ci-dessous), et on pourra vraiment affirmer que pour un premier album, Korsakov a frappé fort et n’a rien laissé au hasard, proposant une expérience troublante et immersive qui ne laissera pas l’auditeur indifférent.
A l’instar des flots que ce premier album arbore, la musique des Lillois semble tranquille en surface mais ses fonds insondables se soulèvent parfois en de terribles lames qui nous aspirent vers les abysses. Sauf qu’ici, vous l’aurez compris, un gilet de sauvetage ne vous préservera pas du danger, car ce n’est pas dans la mer que l’auditeur risque de se noyer mais bel et bien dans les limbes de son propre esprit …

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