Fondé en 1983 à Berlin par un certain Karl-Ulrich Walterbach comme une filiale de Modern Music Records, le légendaire label germanique Noise Records apparait dans l’esprit de tout amateur de metal lourd qui se respecte comme une entité éditrice on ne peut plus référentielle en matière de metal plus ou moins extrême estampillé années 80. Des premiers méfaits des compatriotes
Helloween,
Running Wild,
Grave Digger et autres
Rage en passant par des productions plus abruptes et sombres à l’instar des immuables « To Mega
Therion » de
Celtic Frost (1985), « Pleasure to
Kill » de
Kreator (1986), « Killing Technology » de Voivod (1987), «
Punishment for
Decadence » de
Coroner (1988), « History of a Time to Come » de
Sabbat (1988) et « Neverending
Destiny » (1990) des provençaux d’
Agressor entre autres ; inutile de préciser que le back catalog de Noise Records contient de véritables perles sujettes pour certaines d’entre elles à de véritables et onéreuses chasses au trésor. S’il est aujourd’hui unanimement reconnu comme ayant été un label européen majeur pouvant se targuer d’avoir grandement contribué à donner au thrash metal ses lettres de noblesse, Noise Records sortit également quelques releases pour le moins inattendus à l’image du troisième full length d’un dénommé
London…
London voit initialement le jour en 1978 dans les bas fonds de West Hollywood autour du guitariste Lizzie
Grey et du bassiste Nikki Sixx (futur Mötley Crüe), alors membres du combo
Sister créé deux ans plus tôt et accessoirement fronté par un certain Steven Edward Duren alias Blackie
Lawless. Très actif scéniquement parlant sur les planches des clubs rock de la Cité des Anges mais objet d’un turnover relativement intense, la première mouture de
London implose en 1981 sans avoir pu enregistrer le moindre support discographique officiel. Après plusieurs expériences de groupe malheureusement stériles, Lizzie
Grey décide en 1984 de reformer
London en recrutant le vocaliste John Ward, le bassiste Donny Cameron et le batteur Nigel Itson. Encore et toujours frappé par le même syndrome, le line-up de
London ne parvient jamais à se stabiliser et voit alors entrer brièvement et successivement dans ses rangs les futurs Guns N’ Roses
Slash et
Izzy Stradlin aux postes de second guitariste. Avec les arrivées du chanteur mexicain
Nadir D’Priest, du bassiste Brain West et du batteur Fred Coury (futur
Cinderella) cependant,
London semble pouvoir envisager le futur avec sérénité. Ainsi sortent en 1985 et 1986 deux opus intitulés « Non Stop Rock » et « Don’t
Cry Wolf » qui assiéront la réputation locale du combo mais constitueront de cuisants échecs commerciaux au-delà du microcosme glam de Sunset
Boulevard et environs. Lizzie
Grey lâchant définitivement l’éponge,
London devient alors le groupe de D’Priest et de West s’entourant alors du lead guitarist Sean Lewis, du keyboardist Vince Gilbert et du batteur Krigger en vue d’enregistrer et de sortir le disque de la dernière chance. L’album «
Playa Del Rock » sort ainsi le 17 décembre 1990 sur le label allemand Noise Records, également sous le patronyme D’Priest.
Au-delà du fait qu’il ait compté dans ses rangs de futures rock stars internationales qui trouvèrent finalement le succès et la reconnaissance après l’avoir quitté,
London peut également se targuer d’être rentré à jamais dans la Légende du Rock N’ Roll à travers son apparition dans l’excellent et désopilant « The
Decline of Western Civilization Par II : The
Metal Years » (1988) ; second volet d’une trilogie de documentaires signés Penelope Spheeris mettant l’emphase sur la mythique scène sleaze/glam hollywoodienne des années 86-88. Dès lors, comment ne pas susciter un intérêt incommensurable pour cet éternel combo de l’ombre et plus particulièrement pour ce «
Playa Del Rock » incarnant son ultime tentative de séduction de l’auditorat hard rock international quelques heures seulement avant le sinistre avènement du marasme grunge de Seattle ? Devinant donc un album racé et empreint d’une aura ne se dégageant que des légendes, l’auditeur ne peut que savourer l’introductive et mystique « Ride You
Through the
Night », somptueuse pièce de hard rock inspiré d’obédience FM semblant garantir alors une expérience musicale particulièrement agréable à l’heureux possesseur de cette galette illustrée d’un artwork relativement pauvre et insipide avouons-le. Indéniablement, ce troisième opus possède une personnalité charismatique que l’on imputera assez facilement au long et tumultueux passé de
London et de son frontman
Nadir D’Priest, groupe expérimenté s’il en est qui malgré avoir failli à plusieurs reprises sur les marches de la Gloire s’avère posséder inexplicablement ce petit quelque chose d’irrationnel, créant autour de certaines entités de véritables univers pluridimensionnels dans lesquels il fait bon flâner et quelques fois même se perdre. Que dire de la sublime « Miss You », ballade stéréotypée certes mais ayant le remarquable mérite de faire son petit effet et de constituer un moment résolument fort de ce «
Playa Del Rock » aux accents parfois plaintifs et mélancoliques ? Dans un registre relativement comparable, soulignons l’émouvante et vindicative « The Wall (13-61) » traitant à l’instar d’une «
Wind of Change » de
Scorpions de la chute du mur de Berlin et de son symbole prononcé de liberté et de communion humaine.
S’il sait faire la part belle aux émotions, «
Playa Del Rock » s’avère être avant tout le troisième effort rappelons-le d’une putain de légende since 1978 de l’authentique sleaze rock/hair metal des bas fonds de Sunset Strip qui bien qu’ayant commencé dans un registre glam rock inspiré par les anthologiques
New York Dolls, Sweet,
Mott the Hoople et autres
Slade, connait le boulot et n’a jamais été le dernier pour faire se déhancher tout sleaze metal motherfucker qui se respecte. Dans une optique ouvertement rock n’ roll, relevons les sympathiques et efficaces «
Russian Winter » et autres «
Money Honey » qui porteuses d’un groove incomparable permettront également de considérer définitivement
Nadir D’Priest comme un talentueux sosie vocal de Rob
Halford tant le timbre et certaines intonations du chanteur mexicain s’avèrent être relativement déconcertantes et rappellent quasi immanquablement le
Metal God de Birmingham. Parce que le regretté Bon Scott d’AC/DC beuglait en 1976 « It’s a Long Way to the Top (If You Wanna Rock N’ Roll) », nul n’ignore que la route qui mène à la Gloire est on ne peut plus longue et sinueuse et que les erreurs se paient cash dans le music business de la fin des sacro-saintes 80’s qui se préparent d’ailleurs à s’éclipser pour laisser place à l’ignominie et à l’opprobre. Ainsi, «
Playa Del Rock » se devait de tutoyer le perfectible et peut être même le médiocre pour donner raison à un fatum inflexible depuis la naissance du combo. S’il se voulait globalement inspiré et sans concession aucune compte tenu du sursis dont il est marqué depuis les échecs « Non Stop Rock » et « Don’t
Cry Wolf », le disque contient quelques titres relativement dispensables conférant au tout une identité bancale et empêchant malheureusement «
Playa Del Rock » de constituer un album de bonne facture qualitative. Pourquoi ? Pourquoi ces fades et poussives « It’s So Easy », « Love Games », «
Heart Beat (It’s All Right) » et autres « Hot Child in the City » ; reprise relativement gauche de Nick Gilder qu’apprécierait certainement un certain Frédéric Mitterand en souvenir de ses voyages à Bangkok ? Malgré ces fautes de goût affectant la qualité et la cohérence globale de l’opus, ce dernier tire sa révérence sur une note encourageante au travers de la belle et ingénue « Been Around Before ». Mais là encore au grand dam d’un auditeur désenchanté, le rock n’ roll sleaze puant le sexe facile, les drogues et le
Jack Daniels se fait toujours autant désirer.
Troisième album du légendaire mais oublié depuis presque toujours
London, «
Playa Del Rock » qui sortira également sous le moniker D’Priest s’avère indubitablement être un full length empreint d’une personnalité charismatique et mature trahissant le lourd background d’un groupe on ne peut plus expérimenté et représentatif de l’immuable scène sleaze rock/hair metal hollywoodienne des mystiques et irretrouvables années 80. Cependant et malgré quelques phases positives, le disque est paradoxalement marqué du sceau de la maladresse à travers certains titres dispensables et un flagrant manque de vitalité rock n’ roll notamment, sauf exceptions. Un album mi figue/mi raisin donc qui à défaut de s’avérer réellement indispensable dans les étagères poussiéreuses de la discothèque des amateurs de sleaze rock/hair metal mérite néanmoins que l’on se porte sur son cas. En quatre mots ; à vous de juger.
Mais bon, avec un avocat comme toi et une bonne bière, ça se laisse glisser...
Un album que je vois régulièrement passer devant mon nez depuis 20 ans mais auquel je n'ai jamais laissé la moindre chance. Ton texte me donne envie de corriger le tir.
Et merci de citer "The Decline of Western Civilization Par II" dont je me souviendrais toute ma vie, ne serait-ce que pour le passage avec Chris Holmes ivre mort sur un ùmatelas dans une piscine. Et sa pauvre mère quise tient à ses côtés en dehaors de l'eau. Anthologique! Blackie Lawless a tout tenté pour empêcher que cette séquence ne soit dans le film. En vain. Mais je m'égare un peu là.
@ samolice : je suis également un fanatique de ce rockumentary, comment ne pas l'être d'ailleurs quand on voit la ribambelle de groupes légendaires y apparaissant ?
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