Le métalleux est en général un individu charmant, spontané, ouvert à la discussion. Il peut pourtant se révéler singulièrement buté lorsqu'il estime qu'on attaque sa musique – son identité. On pourra relever chez lui un certain manque d'humour. Hum, un manque d'humour certain, même. Et je m'y connais, j'en suis. Autant dire qu'un certain
Metal parodique illustré par des groupes comme Nanowar of Steel ou
Ultra Vomit ne plaît pas à tout le monde.
Les Allemands de J.B.O. peuvent légitimement prétendre au titre de précurseur de ce genre sulfureux. Bien avant Nanowar, ils ont arboré le rose comme provocatrice couleur de référence et depuis 1989, ils ont à peu près tout osé, depuis un
Ace of Spade ralenti en slow à du tango version
Metal. En passant par un Angie (non décliné sur l'air des Stones, sans doute trop de droits d'auteur
à payer) où ils se moquent gentiment d'Angela Merkel, et toutes les aberrations que vous pouvez concevoir. Non, vous ne pouvez pas si vous ne les avez pas entendues. Des albums comme «
Rosa Armee Fraktion », « I Don't like
Metal, I love it » ou «
Happy Metal Thunder » valent leur pesant de cacahuètes. Profitant d'une ouverture d'esprit plus large outre Rhin que chez nous, ils ont
engrangés plusieurs disques d'or à domicile. Leur 18e bébé, «
Planet Pink », ne les montre pas franchement disposés à se départir de leurs habitudes déjantées.
Bien sûr, le nom du groupe de nos foutraques Franconiens est aussi une parodie : James
Blast Orchester, abrégé en J.B.O. pour éviter les conflits de copyright avec la formation Jazz-Rock James Last Orchestra. Vito C. et Hannes « G.Laber » Holzmann en sont les deux guitaristes-chanteurs, Ralf Bach est à la basse et
Wolfram Kellner tabasse les fûts. Comme il se doit dans ce genre de
Metal plus exigeant qu'il n'y paraît, ce sont tous d'excellents musiciens capables de développer de solides compositions.
N'hésitant pas à braver les foudres des orthodoxes de la «
True Metalitude », j'avoue avoir pris un grand plaisir mâtiné de perversité en écoutant leur discographie. Nonobstant le respect certain pour les joyeux Teutons que m'ont acquis ces découvertes, je dois reconnaître que quelques aspects de «
Planet Pink » me poussent dans mes retranchements. J'ai beau m'efforcer d'être ouvert, je n'en reste pas moins, dans les tréfonds de moi-même, un métalleux bas-du-front. Certains matériaux de l'album m'ont franchement laissé de côté.
J.B.O. me perd complètement avec ce rigolo foutoir qu'est Mi-Ma
Metal ; c'est quoi qu'on parodie-là ? L'Oktoberfest à Munich ? Il me manque clairement des références. Pareil pour Volks-Prog qui fait culbuter des passages apparemment traditionnels, d'autres relevant du Thrash ou de l'Indus, des délires bruités ou narrés. Strictement rien pigé sur ce coup, le manque de repères culturels induit une dissonance cognitive impropre à apprécier le titre.
Je pensais mieux m'en tirer avec Klassiker !, où l'on a de gros riffs émulant Beethoven et quelques autres (Grieg, Bach...), pas mieux au final : l'importance des passages parlés me rappelle que mes cours d'allemand sont bien trop lointains. La compréhension des textes est indispensable à l'appréciation pleine et entière de cet album de J.B.O., du coup le non-germanophone rate pas mal de choses. À l'évidence le dialogue Expedition ins Geistreich laissera plus de frustration que d'intérêt ; ce doit être fendard à comprendre, après, c'est le genre de truc à usage unique : on se marre une première fois, ensuite on saute le passage.
Le problème est récurrent car le groupe assume une forme d'humour potache qu'il est difficile de saisir sans comprendre les paroles. L’agréablement rugueux Immer Noch passe très bien ; on aimerait par ailleurs piger ce que raconte Rockmusik
Hat mich Versaut (le Rock m'a bousillé), d'autant qu'on discerne très bien les paroles de fin : « das ist mich total egal » (je m'en fous complètement). On s'interroge aussi sur la forte similitude du riff des deux titres (bah, c'est quasi le même), ce qui à la réflexion fait plus penser à du comique de répétition qu'à une inspiration en berne des clowns de service.
Un Wir Kommen faussement lourd et un Glaub mir lieber aux accents Hair
Metal nous rappelle que le succès de J.B.O. outre Rhin tient aussi à son côté easy listening flirtant avec la variété. Une hérésie pour le Metalhead gaulois qui adule l'underground. Je signalerai quand même qu'à l'époque de la défunte ORTF on entendait parfois en France Antisocial, d'un groupe autoproclamé antisystème. Depuis la libéralisation de l'audiovisuel, on écoute vachement plus de
Metal dans les médias mainstream, c'est sûr (bref, fin du hors sujet).
On appréciera pourtant quelques morceaux de bravoure de «
Planet Pink », ceux qui ont fait l'objet de vidéo-clips avant la sortie de l'album. Vu qu'on a les paroles, on en goûte mieux la teneur.
Je ne suis pas sûr que Nicht Doof mérite l'appellation de « morceau de bravoure », mais c'est une jolie balade, un chant d'amour savamment arrangé qu'on estimera d'autant plus en regardant la vidéo (paroles écrites en allemand). Un étrange chant d'amour, toutefois, aux accents quelque peu scatologiques : magie du Net, j'ai traduis les paroles disponibles, « même tes pets ne sont pas pires que les miens » sont un peu inhabituels dans ce type d'exercice...
Les allusions graveleuses sont légion dans le joyeux Pop-Rock de Einhorn (licorne), où tant les paroles que la vidéo se complaisent dans un agréable érotisme (je suis une licorne, mais seulement quand je te vois : ah ah !). Elles persistent dans l'improbable pastiche qu'est
Planet Pink, hymne à la gloire de la couleur rose et qui s'achève par le très explicite « chères femmes, vous comprendrez peut-être le clin d'œil, je vous aime aussi, parce que quelque chose d'autre est rose ». Par ailleurs le pastiche vaut de l'or puisqu’il s'agit d'une cover de Blue (Da Ba Dee) d'Eiffel 65 ! Un truc à mettre la gerbe à tout métalleux, mais la montée en
Metal est fort bien faite, grosse voix et grosse guitare. Impossible de résister à la vidéo désopilante, mélange de Star Wars et de Star Trek. Ajoutons qu'Eiffel 65, enchanté du résultat, a renoncé à ses royalties : ils ne doivent pas pleurer la thune après leur succès planétaire, mais ce geste est rare et élégant, ce n'est pas Sharon Osbourne qui y aurait songé.
Et le plus beau à mon sens,
Metal was my Fisrst Love, pastiche du Music de John Miles (1976). Une fois n'est pas coutume, le chant est en anglais (avec l'accent teuton, ça renforce le propos). On remplace le mot « Music » par «
Metal », on dynamise la batterie, on électrifie la guitare, on booste le passage pseudo-classique et on se retrouve avec une fort jolie profession de foi
Metal. Encore une fois, le clip nous achève avec ses mortels clins d’œil à des pochettes d'anthologie (tiens, Sharon a dû rater celle de « Bark at the
Moon).
Pas facile d'évaluer la nouvelle offrande d'une formation qui revendique le statut de bouffon (dans toute la noblesse du terme, n'est pas bouffon du roi qui veut). En tant que non-germanophone et novice dans le groupe, si «
Planet Pink » ne m'a pas totalement convaincu, une partie m'a beaucoup séduit. Mais de ce que j'ai compris de l'œuvre éminemment respectable de J.B.O., ce dernier album ne me semble pas leur meilleur. Toutefois, cette sympathique dose d'humour allemand contemporain mérite un petit détour.
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