L'origine de l'humanité est une question qui taraude bon nombre de personnes. L'ambivalence entre notre fragilité face aux éléments et notre volonté de les dominer produit sur nous une sensation d'inconfort : celle de se sentir si proche de la nature et, en même temps, d'être bien différent des autres espèces qui la composent. Cette position de l'entre-deux nous interroge depuis toujours sur notre condition de terrien : sommes-nous le fruit d'une sélection naturelle ayant permis à de simples primates d'évoluer très rapidement ? Ou alors, faut-il se résoudre à croire que l'Homme est une création divine unique dans l'Univers ? Et pourquoi pas le résultat du croisement génétique entre une espèce primitive d'hominidés et des extra-terrestres ? Ou peut-être autre chose encore....
Les énigmatiques monuments légués par notre passé, comme les grandes pyramides maya et égyptiennes, ou les traces d'une Atlantide perdue dans les écrits de Platon, attisent ce questionnement sans fin. Les réponses sont certainement sous nos yeux, mais nous nous montrons, encore aujourd'hui, bien incapables de les lire. Quelles que soient nos croyances et opinions, les réponses au « Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? » ne sont malheureusement que parcellaires, laissant le champ libre à toutes sortes d'hypothèses. Ce sujet passionnant, soumis à controverse, est alors une mine pour le cinéma de science-fiction, la littérature ésotérique mais aussi, pour ce qui nous attend ici, la musique metal. Beaucoup de groupes s'en sont inspirés et cela sied particulièrement bien à l'univers de cette musique, allant du power mélodique (
Gamma Ray,
Iron Savior) jusqu'à des genres plus agressifs (
Deficiency,
Fractal Gates, Imperialist). Mais ce sont surtout les groupes de death technique qui affectionnent ces concepts futuristes (
Nocturnus,
Obscura,
Element,
Beyond Creation, etc.). Ce coup-ci, nous évoluons, par l'intermédiaire de CHRYSEIS, dans un registre davantage thrash/death prog, à travers un inquiétant voyage dans les confins de la voie-lactée. Mais, prenez-y garde ! Le voyage ne sera pas de tout repos, tant le propos musical est travaillé et fouillé.
La musique de ces Auvergnats est clairement technique et, chose particulièrement rare pour le style, assez lente et aérienne, presque atmosphérique, tirant parfois sur le death grâce aux vocaux de Jean-Philippe Martorana (alias Uruk-
Xul) qui se montrent plus graves par moments.
Peu enclin à l'ultra-rapidité, les plans sont riches et complexes mais loin d'être imbuvables. CHRYSEIS nous propose avec 'Planet
Dead', un album de haute volée, se montrant tour à tour jazzy (
Twilight of the Mutants, Alter Reality et ses sublimes solos de guitare à 2', 3'45 et 4'30), planant (Last
Journey of a
Spectral Voyager, Morphogenesis), groovy et entraînant (
Alien Orbital
Cenotaph,
Twisted Prophecies) ou méchamment agressif (
Hunter of the Twin Moons, avec son accélération assassine aux alentours des 3'). Point particulièrement saillant, quelle que soit sa coloration, chaque morceau offre systématiquement une large place aux ambiances et au groove, notamment grâce à deux éléments essentiels que l'on retrouve à tout instant dans cet opus :
- Tout d'abord, la basse fretless : l'instrument est omniprésent et remarquablement mis en avant dans le mixage, rappelant très souvent le jeu de Sean Malone dans
Cynic et son imparable 'Focus'.
- Ensuite, les atmosphères : qu'elles soient spatiales et inquiétantes ou chamaniques d'inspiration méso-amérindienne, elles parsèment l'album, parfois en introduction (
Andromeda Hypnosis,
Hunter of the Twin Moons), sous forme d'interludes constituant souvent des titres à part entière (
Echoes from Unknow
Depths, Where the Fungi Blossom, Weird Beauty of the
Lonely Planet), ou au fil des morceaux (The Subterranean
Messiah, Alter Reality), permettant un renouvellement de l'attention, ainsi qu'une immersion de tous les instants favorisant l'imaginaire de l'auditeur. La présence aux claviers de Mike Browning (
Nocturnus) n'y est certainement pas étrangère. Au final, l'écoute de cet album, frôlant presque l'heure de musique, grâce à sa diversité, passe très vite.
Niveau packaging, point auquel j'attache toujours beaucoup d'importance, la pochette est magnifique. Réalisée par l'excellent Johann Bodin, par ailleurs guitariste et illustrateur du jeu de cartes "Magic:
The Gathering", on est immédiatement saisi au premier plan par cet alien menaçant, sorte de
Predator poulpeux, qui avance droit sur vous un crâne entre les mains. L'arrière plan est très immersif aussi avec le décollage d'un vaisseau spatial à proximité d'une pyramide maya, le tout sur fond de fin de monde apocalyptique. Cette pochette est un vrai coup de maître, qui reflète parfaitement l'univers du groupe, proche de celui du 'Thresholds' de
Nocturnus (tiens tiens...), inspiré bien entendu par la science-fiction mais aussi par des influences lovecraftiennes. Avec une pochette pareille, on est clairement en droit de s'attendre à un album dantesque à la production claire et puissante, dont les sonorités vont nous faire voyager à travers un espace-temps lointain et cosmique.
Et c'est là le point perfectible de cette galette : la production n'est pas vraiment au rendez-vous. Si, comme je le disais, le mixage fait la part belle aux excellents sons de basses, à la batterie et aux atmosphères, celui des guitares est trop en retrait, avec un rendu surtout trop rêche et sec, qui amenuise l'impact des compositions. Je ne saurais que vous conseiller de pousser vos basses au maximum ou, si vous disposez du matériel adéquat chez vous, de retravailler le son cet album afin de faire davantage honneur à la qualité des morceaux.
Allez, je ne vous le cache pas, mes préférences vont d'habitude au gros thrash/death qui ponce dur le plancher, comme en attestent d'ailleurs mes précédentes chroniques. Mais je me souviens d'une époque, un peu plus lointaine, où je ne jurais que par le techno thrash des
Mekong Delta,
Annihilator et
Coroner ou le triptyque
Nocturnus /
Atheist/
Pestilence pour le techno death. N'étant pas vraiment amateur des nouveaux venus sur la scène death technique, dont je goûte peu la frénésie de vitesse qui a tendance à rapidement me lasser, j'ai fini par m'éloigner de ce genre metallique torturé, pour des sonorités beaucoup plus directes et efficaces. Je dois d'ailleurs avouer que le premier album de CHRYSEIS, «
Presence of the
Past », ne m'a pas du tout séduit, la faute à des compositions beaucoup trop alambiquées et, surtout, une production casse-oreille catastrophique. Pourtant, j'ai clairement cédé à ce 'Planet
Dead' car il ne joue pas du tout la carte de la vitesse, mais celle du feeling et du groove, qui, malgré la complexité inhérente au style pratiqué, vous plonge immédiatement dans leur univers fait de mythologie stellaire et de rencontre du troisième type.
A conseiller à tous les « chercheurs de vérité », aux amateurs des blockbusters du type
Alien et
Predator, ou tout simplement aux fans du metal technique de première génération de la trempe d'
Atheist,
Cynic ou
Nocturnus.
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