La phobie, c’est plus qu’une simple peur : c’est une emprise, un étau invisible qui serre la gorge, un poison mental qui distord la réalité. Elle s’infiltre dans l’esprit et déforme le quotidien jusqu’à rendre le monde lui-même oppressant. Et si la musique pouvait traduire cette terreur, la faire vibrer à travers chaque riff étouffant et à chaque hurlement désespéré ? C’est le pari brutal et sans compromis que relève le groupe américain
Traitors avec son cinquième opus
Phobias, un disque en autoproduction aussi languissant que cathartique et qui creuse dans les recoins les plus sombres de la psyché humaine.
Sorti comme un cri primal contre les démons intérieurs,
Phobias fusionne la violence abrasive du deathcore avec l’épaisseur suffocante du downtempo.
Pas de place ici pour l’échappatoire : chaque morceau est une plongée dans un univers d’angoisse, où les murs se referment et la réalité se brise. Notre formation n’offre quasiment aucun répit, seulement un miroir tendu à nos propres peurs. Cette anxiété est palpable dès l’introduction sobrement nommée Intro où le tic-tac d’une horloge tapissé de quelques dongs rend le temps effrayant et grinçant. Cette atmosphère oppressante est soutenue par des échantillons aux tourne-disques crispants, un séduisant rappel à l’âge d’or du neo metal.
Ces références à ce style controversé, le quatuor en use à chacun de ses titres dans des tournures bien diverses. Mais c’est bien lorsque le collectif accélère quelque peu le rythme de ses compositions que son témoignage au nu metal est le plus pertinent et entraînant. Malheureusement, ces instants se comptent sur les doigts d’une main et sont généralement éphémères. On en trouve des traces sur Release avec une frénésie certes modérée au niveau des percussions mais qui offre tout de même une sensation de course, comme si nous étions en train de fuir un danger imminent. Cette sensation de fureur se manifeste différemment sur Imposter grâce à un riffing entêtant et infaillible, sans grandes prétentions. Néanmoins, cette forte impression est gâchée par un breakdown chaotique et plus globalement par une production confuse caractérisée par des cris prolongés et des bruits de tondeuse.
Et c’est bien la principale faiblesse de cet album de jouer à une surenchère absolument inutile alors que les morceaux n’en ont nullement besoin. Ces excès se localisent en grande partie lors des breakdowns où les trop nombreux effets sonores ruinent l’impression générale. Sur la panne du final 10DXM, si l’on comprend aisément que l’objectif du combo américain est d’intimider, l’essai se transforme rapidement en absurdité tant les informations se multiplient sans qu’il n’y ait de musicalité.
Un défaut moindre et qui se joue cette fois-ci à l’appréciation de chacun concerne la prestation vocale qui, dans un univers d’effroi et de noirceur, aurait certainement mérité un approfondissement de ses nuances. En effet, le chant se contente du strict minimum par le biais d’un growl classique mais parfaitement maîtrisé.
Seul SBC sur cet exercice affiche une tentative de renversement avec des gutturaux davantage rauque et des timides screams, sans pour autant nous éblouir.
Phobias n’est pas un disque comme les autres : c’est une immersion et une descente claustrophobe dans les méandres d’un esprit en crise.
Traitors y expose une vision radicale de la peur, viscérale et sans fard, quitte à s’égarer parfois dans une forme de chaos trop forcé pour pleinement convaincre. Si l’intention est louable et certains passages brillent par leur tension maîtrisée, l’ensemble pêche par excès et manque de subtilité. Ce cinquième opus n’en reste pas moins une œuvre honnête dans sa démarche, aussi brutale que sincère, qui saura sans doute trouver son public chez les amateurs de sensations fortes et de downtempo suffocant. Pour les autres, l’ouvrage risque de laisser un goût de cendres et de vacarme, celui d’un cauchemar sonore dont on ne sort pas tout à fait indemne.
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