Liste des groupes Post Hardcore Vesperine Perpétuel

Au petit jeu de l'écoute découverte one shot, que je reserve à un inconnu au bataillon, j'ai tenté le coup sur les français de Vesperine en regardant le clip de "Mouvement II - interférence", sorti il y a quelques semaines. Aux premières secondes, j'avoue avoir eu un peu peur, avec ce passage où chaque coup est matraqué en un unisson total par tout le groupe. Un truc efficace ponctuellement, mais qui peut vite s'avérer super lassant. Heureusement, la musique s'est ensuite déployée comme une fleur et une ligne de chant lumineuse m'a suspendu pour de bon : ce groupe a vraiment un truc. Reste la sempiternelle question : qu'est ce que ça vaut sur album ? C'est ce que nous verrons un peu plus loin.
Vesperine existe depuis 2013, et est actuellement composé du chanteur Rémi Lasowy, Aurélien B.Tosolini à la batterie, Jérémy Piffady (basse, chœurs), Pierre Prunier (guitares, chœurs), et de Adam Courtinot (guitare, chœurs), arrivé en 2021. Après un EP "Parmi les Autres" en 2015, les lyonnais ont enchaîné sur leur premier album "Espérer Sombrer" en 2019, et le live "XIX" en 2021.
Pour le successeur de "Espérer Sombrer", fini de composer au printemps 2023, c'est Amaury Sauvé qui a été rappelé aux manettes, à The Apiary Studio (Birds In Row, Plebeian Grandstand, Point Mort, etc.) pour l'enregistrement et le mixage, terminés en juillet de la même année, puis masterisé au DeviantLab par Thibault Chaumont (Igorrr, Fange, 20 Seconds Falling Man, etc.). Vesperine avait déjà travaillé avec Amaury pour leur premier album, et voulait approfondir les pistes suivies pour explorer leur son, et il leur a proposé d'enregistrer le plus possible dans les conditions du live. En fait, même les vocaux principaux ont été captés de cette manière, ce qui a encore plus motivé tout le monde.
Sur le beau digipack doté d'un livret pour les textes, on doit l'artwork arty aux allures de papier peint arraché à Vincent Taïani. L'album est sorti le 16 avril 2024 en autoproduction.

L'opus est découpé en trois mouvements, comme une symphonie, les six plages de "Perpétuel", enchaînées les unes aux autres directement ou par leurs transitions, sont longues, permettant aux morceaux de se développer dans la lenteur (l'intimiste et nuancé "Mouvement I - Universelle Liesse"). Conséquence collatérale d'une baisse radicale du taux de saturation des guitares, j'ai trouvé que la palette mélodique de Vesperine a dévié vers la noise, comme si Sonic Youth s'était mis les doigts dans la prise. Le groupe garde cependant une assise très lourde, même dans la patte sonore qui est bien ancrée dans les graves. La basse, bien graveleuse, fournit la boue du chemin où les mélodies se perdent ("Mouvement III - Mauvaise Herbe"), c'est par elle que la lourdeur de la musique prend tout son poids.
La production est excellente et surprend notamment par les différentes textures qui apparaissent au niveau des sons de guitare, et par le son très naturel de la batterie. Avoir fait les captations en live donne un résultat très dynamique, organique, chaud et vivant.

Plus l'album avance, plus il ralentit, posant son regard autour de lui, et finit par se déchirer au moment où on l'attend le moins ("Mouvement II - Le Poids du Silence"). Le chant de Rémi Lasowy est souvent clair, introspectif, parfois poignant, et semble laisser la mélancolie s'épancher sur une rage cachée, jusqu'à exploser en screams de désespoir. La violence s'exprime principalement par la voix et la batterie, les cordes de la basse et des guitares restent dans une tension sourde, empêchée. Les mélodies des arpèges en son crunchs chauds voire clairs sont fluides, liquides, et suivent leur cours comme une histoire qui se raconte en parallèle du texte ("Mouvement I -A Coeur Joie"). Les années 90 infusent le jeu de guitare du doux-amer de Smashing Pumpkins ou Jane's Addiction.
Si les pièces de l'album sont liées ensemble, celui-ci se termine comme un couperet... sur même le riff blasté qui a débuté le premier morceau. Perpétuel, la boucle est bouclée.

La prise de risque est osée, car Vesperine persiste et signe sur un chemin tortueux bien loin des formats calibrés 3 minutes trente - couplets - refrains. Par rapport au premier LP, celui-ci a baissé les potards de violence pure et se révèle bien plus nuancé et profond. Ambitieux mais à taille humaine, "Perpétuel " fait naître la vision très personnelle de ses textes, ce qui le rend extrêmement attachant. Je dois dire que les lignes de chant de Rémi Lasowy de sont pour beaucoup, tant elles rentrent dans la tête et donnent envie d'y revenir. Et cette envie est récompensée par chaque musicien, avec tout ce qu'on découvre à chaque écoute supplémentaire. Une découverte qui risque de hanter ma platine cette année !