Si l'on devait chercher un point musical démontrant la différence de mentalité entre les pays d'
Europe de l'Est et ceux d'
Europe de l'Ouest, l'idée que chaque bloc se fait du
Gothic Metal serait probablement le meilleur argument.
Si à l'Ouest on considère d'abord l'aspect musical en priorité (influence du
Gothic Rock des années 80/90, parfois du Deathrock et de la scène Batcave pour les plus érudits, voire de l'
Ethereal wave des années 90), à l'Est on est plus axé sur une certaine image, une vision de la chose qui doit beaucoup à l'aspect littéraire et aux divers éléments qu'elle induit (qu'il s'agisse de choses aussi différentes que les thèmes abordés dans un roman, l'influence de la musique d'une période donnée ou bien même l'habillement). Ce n'est pas tant une opposition entre le fond et la forme, mais plus une manière de percevoir la même vision : on pourrait presque parler d'aspect masculin pour la scène de l'Ouest (qu'il s'agisse des classiques comme
Moonspell ou
Paradise Lost, autant que de la scène Goottimetalli finlandaise) et d'aspect féminin pour celle de l'Est (très présent chez les groupes se réclamant du style si particulier qu'est le готический металл, qu'on peut grosso modo traduire en français par « metal de style gothique » et que les russophones considèrent comme différent du
Gothic Metal plus traditionnel).
Tout ça pour vous présenter (quand même)
Whispering Woods, groupe roumain ayant la particularité de compter plus de femmes que d'hommes en son sein (notamment la très sympathique Cătălina Popa, que l'on connait surtout pour son implication dans
Haggard). Autre particularité, le choix d'avoir deux chanteuses principales : une soprano et une mezzo soprano. De ce fait, la voix d' Alexandra Burcă va donc nécessairement rappeler aux amateurs de
Metal à chanteuse celle de
Tarja Turunen, et c'est vrai que par moments la ressemblance est frappante. Alexandra choisit toutefois de ne pas chanter en chant clair, laissant ce soin à la nouvelle venue Corina Hamat : l'alliance de ces deux voix est très réussie, et permet au groupe d'avoir dès le départ un point lui permettant de se démarquer de la concurrence.
Musicalement, et en cela proche de nombreux groupes slaves,
Whispering Woods marche sur la très fine ligne entre
Gothic Doom et
Gothic Metal : du premier style, ils gardent une prédilection pour les tempos lents , les ambiances automnales et un manque de refrain (ce qui ne signifie pas qu'il n'y a aucune mélodie, bien au contraire : juste que les textes échappe au classique couplet/refrain/couplet) ; du second, il garde une capacité à passer d'un tempo lent à un tempo rapide sans porter préjudice à la chanson, une mise en avant des guitares (les très rares solos sont plutôt réussis, de même que l'instrumental « My
Altar ») et quelques expérimentations (comme le passage jazzy sur « Călușarii », qui rappelle
Atrox par moments). L'aspect gothique de la musique se retrouve dans les influences classiques (ici, principalement les musiques baroques et romantiques), les thèmes abordés (
Mort, souffrance personnelle, tristesse, Automne, poésie et beauté du macabre) ainsi que le choix de recourir par moments à leur langue maternelle.
Comparativement à sont précédent effort « Fairy Woods » (qui date de 2010 quand même), un travail plus important a été fait sur les arrangements. En particulier les divers enchainements entre les parties plus calmes (acoustiques ou atmosphériques) et les parties plus classiquement
Metal sont plus réussis que sur le précédent album. Le travail de composition a été plus approfondi, et l'ensemble sonne plus mature que par le passé (notamment sur « Poetica » où l'addition d'un troisième chanteur, Daniel Neagoe de
Eye Of Solitude, aurait pu se révéler l'ajout de trop). La production est correcte, mais les amateurs de puissance symphonique seront probablement déçu que les claviers (qui sont surtout là pour soutenir les guitares, et servir de piano en début et fin d'album) ne soient pas plus utilisés, mais cela semble être un choix volontaire de la part du groupe.
Cet album serait-il parfait ? Non.
Le vrai, le gros défaut résidant dans « Perditus Et Dea » est le même que dans « Fairy Woods ». Un point qui sera considéré comme un défaut, en fait, en fonction de votre degré de subjectivité (ou de tolérance, c'est selon) envers le style. Car, il faut bien le dire, « Perditus Et Dea » est aussi un catalogue de clichés pour gothopouffes de Skyblog. Presque tout y passe, à part peut-être les vampires (mais n'ayant pas les paroles sous les yeux, c'est possible que je ne les ai pas entendu). Et si parfois le groupe se permet de traiter de sujet plus pointus (comme sur « Călușarii », qui traite d'une ancienne société secrète roumaine), le tout couplé à la musique peut clairement rebuter certains. Reste que, passé ces considérations, l'album est relativement bien foutu dans le genre et, par moments, ressuscite l'aspect 'Romantisme Noir' qui fît le succès de certains groupes de
Doom/
Death des années 90 (
My Dying Bride ou le premier
Celestial Season viennent à l'esprit). Si j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écoute de « Perditus Et Dea », j'ai aussi pleinement conscience que ce ne sera pas le cas de tout le monde. Reste que la ballade dans ces Bois qui murmurent est fort agréable, et je ne peux que conseiller cet album à tout amateur de
Gothic Doom ou de
Gothic metal à voix féminine.
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